Transcription de texte ancien et notes par Manuscrit & Esperluette

Présentation du texte

Cette lettre est de Nicolas de Neufville, alors seigneur de Villeroy (1542 ou 1543 - 1617), secrétaire d'Etat du roi Henri III et elle est adressée à Michel de Castelnau, seigneur de Mauvissière, ou de la Mauvissière (1517 - 1592), ambassadeur du roi de France en Angleterre de 1575 à 1585.

On est à peine un mois après la fin de la 5^e guerre de religion (édits d'Etigny et de Beaulieu, mai 1576). Le roi a envie de détente. Le Journal du chroniqueur contemporain Pierre de l'Estoile fait ainsi état du départ en voyage de loisir d'Henri III et de son épouse en Normandie : « le vendredi 22^e juin, le Roy avec la Roine son espouse, s'en alla à Gaillon, et de là à Rouen, Dieppe et Havre de Grace, par forme de pourmenade et passetemps, et pour se donner du plaisir. » (Pierre de L'Estoile, Registre-journal du règne de Henrti III, tome II (1576-1578), Genève : Droz, 1996, p. 36).

On est là avant la date souvent retenu pour le premier bain de mer royal de l'histoire : toujours Henri III, toujours à Dieppe, mais en 1578, sur les conseils de ses médecins, pour soigner des problèmes de peau.

Le roi et son épouse reviennent à Paris le 14 juillet avec quantité d'animaux exotiques achetés à Dieppe, dont des perroquets. Dieppe avait été une ville très protestante dans les premières années des guerres de religion, et à la surprise de l'entourage royal, les perroquets tiennent des propos qui moquent la religion catholique ! On a alors l'anecdote célèbre de Henri III répondant à certains prélats choqués qu'il ne se soucie pas de la conscience des perroquets (Pierre de L'Estoile, op. cit., p. 37) .

Mais la présente lettre de Villeroy n'est qu'une sorte de carte postale, qui confirme simplement l'escapade royale en bord de mer. Cette petite lettre accompagne en effet une dépêche (c'est-à-dire une correspondance officielle) du roi à Castelnau, en tant que son ambassadeur à Londres. Villeroy étant chargé de l'envoi (les affaires étrangères vis-à-vis de l'Angleterre sont de son ressort) et Castelnau étant un parent, il glisse juste sa petite lettre privée dans le paquet. La dépêche royale, elle, n'a pas été conservée.

L'écriture de Villeroy est d'un accès assez difficile, quoique d'un niveau de langue assez correct (lui-même et son épouse étaient très cultivés et amis des poètes du temps). Il semble en effet que, pénétré de son importance en tant que secrétaire d'Etat, Villeroy ne se donne pas beaucoup de peine pour écrire lisiblement quand il rédige des lettres de sa main plutôt que de les dicter à un secrétaire.

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Monsieur, l'air de la mer a esmeu Leurs Majestéz à vos faire faire ceste depesche, don j'ay esté bien ayse affin d'avoir moyen de me rendre à voz bone grace. Et vous prie de m'excuser si je faictz si mauvais debvoir de vos escrire. Je vous asseure que je n'en ay pas le loisir car nos sommes accablez d'affaires¹. Leurs Majestez sont venus faire un tour en ceste vile pour prendre autan de recreation, n'estans encores comme je croy au Havre et à Fescamp², puis nous retournerons à Paris où je seroys bien aise d'avoir moyen de vous faire service. Je vous baise bien humblement les mains, et à Madame ma cousine³, priant Dieu,

Monsieur, vous conserver en parfaicte santé. De Dieppe, ce xxviiie jour juin 1576.

Vostre bien humble allyé, serviteur et a[m]y⁴

[signature] Deneufville

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Notes