Transcription et notes par Manuscrit & Esperluette

Journal tenu par la mère du soldat Fernand Gérard pendant la captivité de son fils de 1915 à 1918. Gannes (Oise)

Archives privées, famille Paul Dewaël.

 

 

 

 

 

Fernand Gérard après guerre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fernand Gérard après guerre, avec son épouse, Emma Gérard née Van Hootegem (à gauche), et sa mère, Luisa, auteur du journal.



Un village de l'Oise près du front de la Première guerre mondiale : Gannes, journal de Luisa Gérard, 1915-1918

 

Le document est tout d'abord un banal cahier d'écolier utilisé par Fernand Gérard du mercredi 26 novembre 1913 au mardi 27 décembre 1914 pour des exercices de dictée et de calcul. L'écriture des exercices est parfaitement régulière. Les calculs sont faits en regard du problème arithmétique, de façon moins soignée. Les fautes sont rares. Les textes des dictées reflètent l'enseignement moral dispensé à l'époque (le rôle de la mère de famille, les soirées en famille, l'encouragement à rester agriculteur plutôt qu'ouvrier en ville) et l'environnement rural.

« L'écolier » n'a cependant plus l'âge d'en être un. Parmi les exercices se trouve inséré à la date du 28 novembre 1913 (scan 4) un brouillon de lettre adressé au maire de la commune pour réclamer un acte de naissance, où Fernand Gérard déclare être né le 9 septembre 1895. Il a alors 18 ans, qui est encore son âge lorsque la guerre éclare, en juillet 1914.

Le jeune Fernand n'utilise plus ce cahier après décembre 1914. Il est mobilisé et incorporé au 73e régiment d'infanterie. Le 7 mai 1915, il est blessé (par au moins une balle qui lui restera toute sa vie dans le bras) et capturé avec plusieurs de ses camarades lors d'une attaque de nuit allemande au Bois-d'Ailly, dans le secteur de Saint-Mihiel. Il est envoyé en captivité au camp de Wurtzbourg (Bavière). On ne sait s'il reste dans ce camp toute la guerre ou s'il est envoyé ailleurs ensuite, mais il finit la guerre en captivité en Allemagne.

A partir d'une date indéterminée mais postérieure à sa capture, sa mère Luisa, 47 ans en 1915, utilise le cahier pour tenir un journal, adressé à son fils absent. L'écriture est serrée. Bien qu'elle ait pris le soin de laisser un page vierge entre les exercices scolaires de son fils et le début de son journal, la mère de Fernand écrit en utilisant toute la page, d'une écriture soignée mais dense, et sans ponctuation entre les phrases. Elle ne sait combien de temps elle écrira ainsi et si le reste de pages vierges du cahier suffira. De fait, il reste un feuillet recto-verso vierge lorsqu'elle achève ce journal au bout de 8 pages, d'une façon qui ne laisse guère de doute quant à la volonté d'arrêter là : à la dernière page, l'écriture devient plus grande et s'achève volontairement en bas de la page.

Le texte comporte de nombreux détails sur la vie quotidienne durant la guerre, comme les rapports avec les soldats, souvent les dates précises du passage de tel ou tel régiment, les prix et marques des denrées courantes, etc.

Les troupes se succèdent en effet dans le village de Gannes, dans l'Oise, où habite Luisa. Il s'y trouve en effet une gare, ce qui est alors rare pour les villages de cette partie du département. Située un peu à l'écart du village, elle dessert la ligne de chemin de fer Paris-Amiens. Gannes (412 habitants en 1897) voit donc nombre de régiments passer, embarquer, débarquer pour un temps de repos plus loin à l'arrière ou sur place, stocker du matériel (des automobiles et camions en grand nombre, ce qui impressionne le petit village), etc. Luisa Gérard mentionne également quantité de personnes du village qui sont difficiles à toutes bien identifier, mais elle témoigne ainsi de la vivacité de la vie communautaire, même pour une veuve dont le fils unique est prisonnier et qui écrit qu'elle souffre de sa solitude.

Le journal de Luisa montre une zone de l'arrière assez calme, avec seulement de menus incidents. Mais il ne parle pas de l'année 1914, où l'armée allemande occupe toute cette partie de l'Oise puis en est chassée après la victoire de la Marne, et très peu de l'année 1918, où les Allemands lancent leur dernière grande offensive et capturent un temps Montdider, à 15 km de Gannes. Au printemps-été 1918, Gannes connaît alors des bombardements fréquents, même si leur gravité est toute relative, et certains habitants (tous ?), dont Luisa, évacuent pour un secteur moins exposé (Beauvais en l'occurrence).

Il est notable que ce « journal » ne fasse jamais référence à des lettres qui seraient envoyées par Fernand, alors que ce même cahier montre qu'il savait écrire très correctement. Comme de nombreux prisonniers de guerre issus du monde agricole, Fernand Gérard est assez vite employé dans une ferme allemande, ce qui représente les conditions de détention les moins dures, par opposition par exemple à la détention permanente en camp ou à l'affectation à des travaux de déboisement forrestier ou autres travaux de force. Une fois revenu de captivité, il exerce la profession de charretier, au service successivement des diverses grandes fermes de Gannes (Trannoy puis Desesquelles notamment). Il n'a pas d'enfants de son mariage avec Emma Marie Van Hootegem (1899-1994). Il décède en 1981, à 86 ans, avec toujours dans le bras la balle allemande reçue en 1915.

 

Sur la transcription :

On a gardé le plus possible la graphie originale, n'insérant que la ponctuation, qui est sinon presque absente, ainsi que les majuscules et les accents manquants pour faciliter la lecture.

On a ainsi dû découper arbitrairement en phrases distinctes un texte écrit à flot continu, afin notamment de relier plus lisiblement événements et dates (très nombreuses).

Les fautes d'orthographe, souvent mineures, ont été laissées, sans les signaler systématiquement (pluriels, accords de participe, etc.) ; nous avons réservé les mentions « [sic] » (le moins possible) aux fautes et erreurs plus notables, pour marquer qu'elles proviennent bien du texte original et non de la transcription. Certains mots ou lettres, ainsi que des dates, ont parfois été insérés entre crochets carrés (« [ ] ») pour clarifier le sens des phrases et aider au repérage chronologique. Et le texte a été découpé en paragraphes, notamment lorsque l'auteur change de sujet, pour faciliter la lecture.

 

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C'est pour toi, mon cher Fernand, que j'écris ces lignes, si quelquefois l'on soit séparés et que tu reviennes1.

Je te dirai donc que depuis la mort de ton pauvre père j'ai eu bien du chagrin que je ne pouvais dire et que j'ai tacher de surmonter pour toi. Mais depuis que tu es parti pour cette maudite guerre je ne puis le surmonter, et je ne crois pas le faire voir à personne car je n'ai plus personne pour me consoler. Papa2 est assez bon pour moi mais maman est un peu malade et Nennecy3 ne me donnerait pas un coup de main pour rien. Nous avons eu peur plus d'une fois avec cette pauvre Eugénie qui est bonne pour moi.

J'ai logé [au mois de février 1915]4 des soldats : deux qui ont couché dans ton lit pendant 13 jours. Ils ont été ingrats : je n'ai jamais reçu de leur nouvelles et pourtant je l'ai bien soigné : il y en avait un qui était malade. Après on a eu des hussards pendant onze jours mais j'étais malade, je n'en ai pas eu.

J'ai eu bien du tourment rapport à la maison de Mell5 qui était à Paris, et j'avais les clefs. Et plein de soldats dans la maison6 qui remuait tout.

Je t'ai envoyé un colis le 9 janvier que tu n'as jamais reçu.

Bien des nuits je n'ai pu dormir à cause de toi, tellement je m'ennuyais. Arrive le mois de mai : plus de nouvelles. Je crois que je serais devenue folle de chagrin. Je ne pouvais plus manger. Je maigris toujours. En quinze jours je diminuais de deux livres7. Enfin j'ai une lettre. Je me remets un peu. Mais je ne puis me faire à l'idée de savoir que tu étais en Allemagne, et c'est là mon plus grand chagrin.

Melle Gabrielle me donne l'emballage. Mme Trannoy8 m'a donné le premier colis hors le linge. Mathilde me donna le carton chaque fois pour mettre les provisions. Mme Ménard m'a donné 4 biscuits, trois mouchoirs et une boîte de conserves, et Melle Julienne m'a donné 5 boîtes de conserves, tout le pain d'épices que j'envoie depuis le mois de juillet, une boîte de pastilles de menthe, Mathilde deux cigares, Eugenie la blague et deux paquets de tabac.

J'ai encore logé une nuit un sergent ; l'on entend toujours le canon. On bombarde Montididier9.

Dans cette page je dis tout en abrégé car je commence à écrire le 30 août 1915 et je ne sais peut-être plus tout mais je l'écrirais à mesure que je m'en souviendrai.

Nous avons eu beaucoup de soldats, des autos, des corps d'armées qui sont venus embarqués à la gare. C'est affreux tous les soldats que l'on voyait passés.

Un dimanche en allant au cimetière j'ai vu un duel d'aéroplanes.

Arthur est venu en permission. Il a dit que si tu retournais à Bethune10 il fallait que tu ailles le voir à L'homme dans le Nord, que ce n'était pas loin.

Là, je puis te le dire, combien de nuits blanches ai-je passé, mon cher Fernand ! Combien j'ai pleuré en silence, la nuit, afin que personne ne puisse ne rien voir ! Eugénie m'a donné une ceinture en laine que je t'ai envoyé le 5 septembre 1915 en Allemagne.

La semaine du 6 au 12 septembre, vive cananonnade [sic] : les maisons tremblaient la nuit et le jour.

Le 12, Mlle m'a donné 12 biscuits et un pavé de pain d'épice pour toi et Mme Menard m'en a donné 10, aussi une boîte de conserve et une ½ livre chocolat11. M. Bocquel m'a laissé son pourboire que l'on lui donne tous les mois pour t'acheter un cigare. Il m'a dit qu'il allait t'écrire un mot. Melle Julienne t'a recommandé à une dame qui doit te faire avoir du pain. Eugénie t'a donné une boîte de confiture et un paquet de tabac dans le paquet du 12 sept. pour tes vingt ans. Il n'y a qu'elle, vois-tu mon cher Fernand, qui sait tout le chagrin que j'éprouve d'être séparée de toi. Lucien est en permission, voilà la 2e fois. Je ne suis pas jalouse, bien au contraire, mais quand je vois les autres et moi qui n'a pas le bonheur de te voir, que de chagrins les uns sur les autres ! Combien encore quand nous avons appris la mort de ce pauvre Victor12 si aimé de moi ! C'est à ne pas croire qu'on peut encore vivre après tout cela.

Depuis le 10 sep. nous avons un poste de soldats au calvaire de Machaux13 et à la gare. Nous sommes obligés d'avoir une feuille d'identité. On n'a plus le droit de voyager : il faut faire viser sa feuille à un commandant qui se trouve à St-Just14. Nous n'avons plus le droit de circuler après huit heures du soir jusqu'à 5 heures du matin. Il passe des patrouilles la nuit.

Hortense15 t'a acheté un paquet de cigarettes. Quelle triste semaine nous venons encore de passer ! Georges est tombé, d'une congestion, d'un seul coup, le mercredi au matin 6 octobre. Il souffrait beaucoup mais je crois qu'il ne s'en rendait pas compte, et il est mort le jeudi 7. On l'a enterré le 9 octobre. Je n'ai que du chagrin, toujours du chagrin. Aujourd'hui 11, Lucien m'écrit pour lui dire ce qu'il en est. Quel courage il me faut encore !

Nous entendons toujours le canon. Les premiers jours d'octobre un aéroplane allemand a lancé deux bombes entre Bonvillers et Chepoix16. Ils17 ont été faits prisonnier.

On a encore eu peur une fois, le dimanche 3 octobre. Nous n'avons pas pu expédier de colis pour les prisonniers, c'était interrompu. J'ai encore été empêchée de dormir le lundi 25 octobre : vive canonade toute la journée. Ils ont lancé des bombes sur Dompiere18 où il y avait de la troupe. Le 3 novembre il est arrivé la 13[e] section d'ambulance pour loger à Gannes, n'ayant pas de place à Sains19 où le régiment est logé. Je ne sais pas pour combien de jours.

Eugénie m'a donné une camisole de laine et un gilet pour toi. Je te l'ai envoyé le 31 octobre. Toujours des nuits blanches. Je ne puis pas dormir. Je ne fais que penser à toi, toujours à toi. Combien c'est triste d'être seule ! Melle m'a encore donné quelques biscuits et je l'ai chargé de t'envoyer une couverture. Elle dit qu'elle coûte 13 fr., que je donne 9 fr. et qu'elle donnera le reste. Cyrille est venu en convalescence pour 7 jours au mois de novembre. Il est reparti le 17.

Aujourd'hui 18, Georgette m'a insultée20 à la porte de l'église parce qu'Yvonne vient au salut21 à côté de moi et que Germaine est la 4e, qu'elle n'est pas tout à fait à la place de sa mère. Tu sais, cela ne digèrera pas, car ni ses frères ni toi-même ne m'en ont jamais dit autant. Cela me fait bien de la peine. Du reste, elle est très méchante. Elle a été très méchante avec son père. Ce pauvre Georges a bien pleuré chez Maman du jour que les garçons ont été partis. Il n'a pas été heureux. Sa mort a été une délivrance.

On fait le salut tous les jours:il y a un aumônier dans la section et une douzaine de prêtres soldats. Les offices à l'église sont très jolis.

Il y a chez Melle la cuisine des officiers et le cuisinier est très bon pour moi : il me donne beaucoup de choses pour toi et des restes pour moi. C'est un brave garçon.

Aujourd'hui je suis un peu plus rassurée car il y avait quinze jours que je n'avais pas eu de nouvelles et j'en ai eu, je suis contente maintenant. Elles sont assez réglées pour l'hiver. Je t'ai envoyé 3 paires [de] chaussettes, 2 camisoles, 1 en laine et l'autre en coton, 2 calaçons [sic], un usagé et un neuf, un gilet sans manches, 1 paire de semelles de fourrures, 2 cachenez, 1 paire de gants, 1 cache-col, un pantalon et une autre fois [un] gilet à manche, veston, chemise flanelle, ceinture de flanelle, une couverture. Les soldats m'ont donné caleçon, gants, cachené, chemise. C'est de très bonnes gens. Le cuisinier, le petit Laforêt, surtout. Lui est cuisinier et l'autre s'appelle Gros, sert à table. Il ne sont pas encore parti mais il y en a de leur formation de partis et 2 compagnies du 38e de ligne qui ont resté 17 jours22. Et depuis le 7 décembre nous avons encore 2 compagnies, peut-être plus, du 139e de ligne23. Se sont des Auvergnats24.

Le 27 novembre, pendant huit jours, violente canonnade. A présent nous entendons encore le canon mais ce sont des tirs car nous sommes entourés de soldats. Il y en a partout et ils font des exercices.

Je commence à dormir. Je ne sais pas pas si cela durera bien longtemps. Il y a aujourd'hui un an que tu m'as quitté, mon cher Fernand. Que c'est triste d'être seule ! Hélène Maricourt m'a donné 2 fr. pour toi. M. Hochedez m'a apporté un billet de 20 fr. chez Melle pour tes paquets.

Tous nos soldats sont partis le 24 décembre. Ces pauvres, cela leur faisait de la peine, ils se plaisent tous à Gannes. Notre ambulance est partie aussi. Elle a restée 8 semaines. On était bien habitué à eux. C'était de bonnes gens. Pour moi, je regrette beaucoup le cuisinier. Il s'appelait Laforêt, il avait 27 ans et c'était un très bon garçon. Combien il m'en a donné pour toi ! Du reste, tu auras dû le voir car il y avait des choses que le civil n'avait pas. Et lui s'était attaché à moi : je lui rappelais sa mère car la sienne était morte. Il m'a donné une bague faite avec des éclats d'obus en aluminium25. Presque tout le monde en a. Moi, j'ai été bien contente. Je ne pouvais en avoir de toi, tu ne le pouvais pas.

Tous nos soldats sont partis dans un camp de concentration près de Crèvecoeur-le-Grand26. C'est affreux tout ce qu'il y a passé de troupes. On parle de 80 000. Pendant trois [mois ?] il en est logé à Gannes tous les jours. Ils repartaient, et combien encore sur la grande route de Wavignies27.

Le 29 décembre 1915 je t'ai envoyé une paire de chaussures que Melle Chatriot a donné.

Le 139 est revenu le 4 janvier [1916] après avoir été passé une quinzaine dans le camp de concentration, et l'ambulance aussi. Ce petit Laforêt est revenu bien content toujours autour de moi. Ce pauvre enfant, il me considère comme une mère. Le soir il vient passer quelques instants avec moi. Cela me fait du bien de n'être pas si seule.

Mme Ménard, le 8 janvier, m'a apporté une boîte de conserve, du chocolat, de la laine pour faire des chaussettes, un savon et un plastron.

Le 8 et le 9 janvier une violente canonnade. On en [a] été effrayé. Aujourd'hui le 14 [janvier] encore et toujours le canon toute cette semaine. Le 139 est reparti le 17 janvier et l'ambulance le 19. Vraiment ce petit cuisinier avait de la peine de me quitter. Le 18 un passage : 10e colonial28, coucher une nuit. Le 19 [janvier 1916] des voitures dans les rues, partout ! On ne pouvait passer de l'autre côté. Le 31, violente canonade.

Eugénie m'a donné une boîte de pois en conserves et un paquet de tabac. Je t'ai envoyé une pipe le 30 janvier.

Encore le 2 février [1916] une rude épreuve : Maman est morte à 10 heures au matin. On l'a enterrée le 5. Cyrille était justement en permission pour 15 jours. C'est lui qui a porté ton colis à la gare le 6 février29. Le 13, Eugénie m'a donné un cache-col blanc et ½ livre [de] chocolat.

Il ne faut plus laisser voir sa lumière le soir. Le lard vaut 1,90 la livre , le beurre 2,90, un fromage 0,58, le sucre 1,35, les œufs 0,25 l'un, le pétrole 0,50, l'huile 1,80, le litre de vinaigre 0,10 le l., enfin tout est doublé. Le pain 1,30 les 3 kilos, l'autorité militaire ayant taxé. Célina30 t'a donné un pot de miel. M. Bocquel ne veut plus que je lui laisse la pièce que l'on lui laisse tous les mois. Melle Julienne [a donné] 2 boîtes [de] conserves et Pierre un paquet de tabac de soldat.

Le 12 [janvier 1916] cannonade effroyable et les quelques jours suivant. Zeppelin sur Paris : 48 victimes31.

Mathilde : une boîte de confitures et 6 cigares pour tes étrennes. Eugénie a donné une boîte de confiture et un pavé de pain d'épice.

Le 13 février, arrivée de l'artillerie marocaine32, départ le 24 [février] à 7 heures ¼. A 9 heures, arrivée du génie, également de la division marocaine, qui vont rester jusqu'au 27 février. Il y avait beaucoup de soldats bronzé. Je t'ai envoyé ma photographie avec les soldats le 27 février. Le 1 mars arrivée du 269e de ligne33, départ le 3 à 2 heures. Arrivée du 279e à 4 heures34.

On est obligé de cacher ses lumières le soir à cause des zeppelins. Concert de musique tous les jours sous le hangar de Melle Gabrielle avec le 38e de ligne35. On a fait du cinéma dans ce hangar.

Le 7 mars arrive un ordre : le 279 doit partir tout de suite embarqué à Dompierre, et ceux des alentours embarquent à Gannes. Quel remue-ménage ! Depuis, huit embarquement et débarquement. Encore un nouveau débarquement : le 16 mars, dans la nuit, les soldats (le 326e de ligne36) sont arrivés à Gannes. Cela a durer à la gare jusqu'au 19 [mars].

Le 19, je t'ai envoyé une montre que j'ai fait venir de Fillette37, journal de Paris. Elle m'a coûté 5 fr. Célina a donné des confitures, une orange et du pain d'épices, des biscuits.

Le 326 a logé 15 jours et est parti le 30 [mars 1916], embarque à St-Just. Il se fait aussi un embarquement à Gannes. C'est la gare aussi au ravitaillement. Que de voitures ! Toujours et toujours débarquement pendant quelques jours. Le 5 avril arrive des autos d'ambulance et un parc de voiture38 plein les jardins de la Tour39. Le 13, embarquement depuis Boves40 jusque Gannes du 9[e] corps d'armée41. Quel remue-ménage ! Départ la nuit des soldats. Le 17, arrivée d'une équipe de cantonniers-soldats : il y en a 200 qui arrangent les routes42 ! Du 24 au 28, débarquement à la gare du 20[e] corps. Il est logé une équipe d'autos sanitaire une nuit.

Je t'ai envoyé une caisse fermant à clef le 8 avril. La dame Faivre, 17 rue du Cygne à Paris43 m'a envoyé 10 fr. le 28 avril. Mme Ménard a donné une boîtes [de] conserves et ½ chocolat. Dubois de la Tour44 m'a donné plein un petit sac de biscuits. Gaëtan sont venus [sic] à Gannes. Je leur ai payé le loyer. Il m'a laissé 5 fr. pour toi J'ai envoyé le second portrait en Allemagne le 27 avril.

Dans la semaine du 8 au 14 mai, passage de soldats, de Marocains, de l'artillerie.

Don Célina : deux oranges. J'ai envoyé une vue d'Ansauvillers.

Le 11 mai, embarquement pendant 6 jours. Le 5 juin le ravitaillement. 400 chevaux ont logés une nuit. Le 9 jusqu'au 12 [juin 1916], débarquement.

Melle Julienne est venue à Gannes. Elle a donné un bon morceau de pain d'épice et une boîte de conserves. Le 15 juin on a avancé le jour d'une heure45. Le 18, Yvonne a envoyé une carte à Fernand46.

Le 22, passage de troupe pendant deux heures et demi. Le 28 [juin 1916], arrivée du 147[e] pour deux jours47 et débarquement pendant trois jours. Beaucoup de troupes aux environs. Le 1e[r] génie48 est arrivé à Gannes. Le 29 juin on sonne le clairon sur la butte49 [et] M. le curé [sonne] la cloche de l'église au passage d'aéroplanes. Débarquements le 9 juillet pendant 3 jours. Il est atterri un aéro50 le 23 juillet à l'Homme mort51.

Georgette a envoyé sa photo à Fernand le 16 juillet. Eugénie a donné 6 cigares et [des] bombons de guimauve pour le colis le 23 juillet. Mme Ménard une grosse boîte de saucisses aux haricots pour le colis du 6 août.

Le 9 août, arrivé d'un régiment de toutes les manières de numéro venant du front52 et le 3e dragon53. Une journée, canonnade intermitente. Depuis le 1[er] juillet [1916] que l'offensive de la Somme est commencé, de la troupe, beaucoup, dans les villages autour de Gannes. Le 11 [août 1916], passage de goumiers54 toute la journée et d'autres troupes. Arrivée des noirs : 70e sénégalais55. Le 14 août, le 2e colonial et le 2e génie. Des soldats plein plein Gannes ! Le 1er génie loge avec chevaux et voiture derrière le jardin de Papa56. Des chevaux et voitures partout, et autour de Gannes. Passage aussi des autosbus, autos-canons, autos-camions. Quel bruit ! Toujours un passage de troupes. Le 128[e] d'inf. est arrivé le 18 août au soir. M. Bocquet a envoyé un lieutenant coucher chez nous et le lit était défait, ayant donné les paillasses […]57. M. Bocquet a été très méchant avec moi. Il y a des bateaux [!], plein !

 

Voici les victimes de la guerre58 : David Auchard, tué ; Adrien Colpaert, mort ; Paul Wasse, mort ; Joachim et Gaëtan (mort)59 Wasse, tué ; Augustin et Stanislas Cailleux, tués ; ce pauvre frère Victor Premereur, tué ; M. Courtois, tué ; Hector Vassel, tué ; Le Gallic, tué ; Anatole Amaury, mort60 ; Cyrille Trannoy, tué ; Charles Dodé, tué ; Alfred Wadier, tué ; Fricart, tué ; Balny, disparu ; Fournier, maréchal61, mort de maladie ; Maurice Dupoty62, Lucien Deflers,...

 

Mme Ménard m'a donné le 14 août une grosse boîte de conserves aux haricots, ½ chocolat et un petit tube pour de la boisson.

Le 1er génie est logé derrière le jardin brûlé. Nous avons eu quelques jours du 2[e], 3[e] et 6[e] génie avec le 19[e] train des équipages et des voitures, des G. V. C. A.63 derrière la chappelle64. Que de troupes à Gannes ! On n'en est étouffé !

Lucien t'a donné65 son portrait le 20 août. Ce jour, j'ai envoyé une boîte de Lhitinés66 pour boisson et de la moutarde.

Le 128e est resté quinze jours et parti le 28 août et le 29 après-midi il est arrivé 1800 hommes noirs et blancs, mais bien plus de noirs : des coloniaux. Embarquement à la gare depuis depuis le 26 [août 1916] jusqu'au 28. Il s'est fait un départ car c'était un dépôt divisionnaire, à Gannes, de ces coloniaux. Ce départ s'est fait le 12 et le 14 sept., et le 22 il est arrivé du renfort de jeunes noirs, des Européens ceux-là [?!], et tous le dépôt est parti le 27 sur le front. J'en suis contente, car il y en a un qui est venu par le jardin le 16 au soir, et j'ai couru chercher Papa. Il a roulé mon père par terre, qui voulait le faire sortir. Les soldats sont venus et l'ont ligotté et porté au poste. Il doit passer le reste de son séjour à Gannes en prison.

J'ai deux hommes du génie qui couche chez moi depuis la fin d'août. Ils sont très convenable et cela me tranquilise pour la nuit. Ce sont des cuisiniers qui sont très bons pour moi : je n'achète pas de pain, ils m'en donne. Ils se nomment Ferron et Prat.

Melle Julienne m'a donné 4 boîtes de conserves. Célina un bombon de pomme. Eugénie une bouteille d'eau de Cologne, une savonnette et une boîte de fruits conservés.

Les coloniaux ont partis le 26 sept. [Le] 128[e] est revenu à Gannes. Le 28 sept.67 on a décoré un colonel, un lieutenant et un soldat de la médaille militaire entre Quinquempoix et Gannes : le colonel officier de la Légion d'honneur et le lieutenant chevallier. Presque tous les jours il y a concert de musique en face l'église.

Henri Poulain vient d'être blessé peu grièvement.

J'ai envoyé à Fernand du savon le 17 septembre, du thé le 17 aussi, et une savonnette le 1[er] octobre. J'ai reçu la photo à trois et seul le 25 septembre.

Le 128 est parti le 13 octobre [1916] et le 113 artillerie lourde est arrivé le 24 octobre.

Le 26 octobre, une grande surprise m'est arrivé en revenant de travaillé : j'ai trouvée une lettre sans adresse et rien d'écrit, mais dans laquelle il y avait 3 billets de cinq fr. Le lendemain j'ai acheté des chaussures à Fernand qui m'ont coûté 30 fr. et que je lui ai envoyé le 29 octobre. Melle Julienne m'a donné 2 boîtes conserves et Nennecy une boîte de crème renversée. J'ai envoyé une boîte de pastille de Vichy Etat68 le 15 octobre.

Mme Ménard m'a donné le 5 novembre pain d'épice, une boîte de conserves, saucisses au riz et 2 mouchoirs.

Le 24 octobre est arrivé des hommes de l'artillerie lourde69.

Mme Julienne a donné une livre chocolat. Eugénie le 10 novembre a donné une livre chocolat et une boîte de cacao au lait. Cyrille et Lucien sont en permission le 11 novembre : Cyrille 7 jours et Lucien 28. Tu vois, quel chagrin pour moi, quel épreuve70 ! De mes locataires71, Prat est évacué le 6 novembre pour douleurs et Ferron est parti en permission pour 7 jours le 11 9bre72.

Le 10, il est passé le soir à huit heures un aéro boche. Il a jeté des bombes sur St-Just : 9 morts et quinze blessés, et dégâts matériels sur la place où se trouve Roger, le marchand de chevaux.

Le 12, j'envoie jambières et chaussettes, flanelle73, gilet à Fernand.

Depuis le 18 jusqu'au 19 (et cela tonne au moment où j'écris) canonnade intermitente et épouvantable qui dure cinq jours.

Le 12 9bre est encore arrivé le 103 artillerie lourde. Il y a à Gannes plus de douze cents chevaux !74

Le 17 [novembre], Laforêt est venu à Gannes une demi-heure me voir. Ils sont cantonnés au Cardonoy75.

Eugénie m'a donné le 19 deux fr. Célina cinq francs et la photo d'Yvonne et Thérèse76. Eugénie le 25 9bre donne 5 frs. Le 26 j'ai envoyé un pantalon velours neuf [18 francs]77 et une serviette, savon et thé.

Passage de troupes continuellement toute la journée. Le 103 art. lourde est parti [le] 8 décembre [1916] et le même jour le 121 art. lourde a couché une nuit et le 9 [décembre] le 111 toujours artillerie lourde encore une nuit.

Le 10 [décembre] j'ai été à la gare porter le colis de Fernand. Le chef de gare a refusé le colis, la compagnie étant fermée pour les colis de toutes parts depuis le 7 jusqu'au 14. M. Bocquet a demandé l'adresse de Fernand pour le comité de Beauvais78. Je ne sais pas si cela est bien sincère. Eugénie a donné pour Fernand une ½ livre chocolat, un gâteau et une boîte de beuf aux légumes, 2 fromages Rollot79 que j'enverrai le 15, probablement.

J'ai acheté pour l'hiver 1916 et 1917 pour 44 fr. de charbons (800 kilos) et

trente-cinq fagots à 0,40 c. le fagot, des chaussures, sabots, chaussons, 14,50 c. [sic], d'autres chaussons et caoutchoux80. Passage de troupes artillerie lourde : 11681 et le 101 cantonnement à Gannes. Canon en face notre porte barrant le passage.

Passage de Laforet à Gannes avec l'ambulance 15/19 se rendant à Catillon82 le 13 décembre. Il est venu me dire bonjour chez Melle Gabrielle. Pauvre petit ! Il avait l'air si heureux de me voir !

Le 101 est arrivé ce jour-là et le 16 [décembre 1916] des autos dans la rue de l'Ecole83. Le 1er génie est parti de Gannes pour Quinquempoix84 le 31 décembre. Cela m'a fait du chagrin car avec la cuisine des s-off.85 qu'il y avait chez Melle, j'étais très bien : ils me nourrissait en pain et viande et j'avais toutes les croûtes pour mes poules. Et le bon cuisinier Ferron avait bien soin de moi en venant coucher. C'était un homme loyal et franc, honnête. C'était un fermier des alentours de Chartres, un homme riche mais qui ne le faisait pas voir. Il ne se vendait [!?] que par des jours spécials86. L'infanterie du 222 est partie aussi le 30 [décembre] en l'année 191587.

J'ai pour 45 fr. 60 de vente d'oeufs, légumes et lapins. En 191688, cela a été à cent dix sept fr. On vendait jusque 0,35 l'oeuf et 1 fr. la livre de lapin.

Le 101 rég. d'art. lourde est parti de Gannes le 4 janvier 1917. Le 8 est arrivé des crapouillots89 pour deux jours.

Mme Ganeau a donné pain d'épice, chocolat et une boîte conserve. Eugénie une boîte de fruits [en] conserves, chocolat, conserve, papier à lettres. J'ai envoyé à Fernand du savon à laver le 7 janvier [1917], une savonnette le 24 décembre [1916], Célina une boîte conserves, Melle Julienne ½ chocolat, un gâteau et trois boîtes de conserves dans les premiers jours de janvier [1917].

Le 101 artillerie lourde a donné onze décorations dans les champs d'Ivry.

Ferron [a donné] un fromage livaro90 et deux boittes conserves, deux cigares.

Le 11 [janvier 1917], le 84 artillerie lourde (tracteurs et camions) est arrivé pour repartir le 13. Le 17 [janvier 1917], des camions automobiles du 103 artillerie lourde.

Le 1er génie, compagnie 4/4 C, est parti de Quinquempoix le 14 [janvier 1917] et est venu embarqué à Gannes. J'ai eu de la peine car c'était de très bonnes gens pour moi, et le départ de ce bon Ferron m'a beaucoup peiné. J'étais si tranquille et rassurée avec lui. Et le 1 génie, la 4/9 C, est venue remplacer le 4/4 C mais ne vaut pas cette dernière. Les soldats ne sont pas si bien.

Avec l'artillerie lourde il y avait des camions partout dans Gannes et même tout à fait en face notre porte. Je ne pouvais plus passer. En ce moment nous sommes dans la semaine du 14 au 21 janvier [1917]. Il y a des autos-camions, partout dans les rues de Gannes du 103 artillerie lourde, section d'autos et du 84. Les autos-camions vont conduire des munitions qu'ils vont chercher à la gare de Dompierre pour conduire sur le front de Roye-Lassigny91. Notre rue n'en a jamais tant vu. Ce n'est à chaque instant qu'un passage de ces autos-camions, aujourd'hui 23 janvier [1917] encore davantage que les autres jours, et même la nuit.

Est venu loger à Gannes le 112 artillerie lourde avec leurs canons pendant deux jours.

Dans la semaine du 14 au 21 [janvier 1917] j'ai envoyé des gants qui viennent d'Albert92 le 21 janvier [1917].

Le 30 [janvier 1917] est arrivé une Cie de 102 infanterie territoriaux93. Le 9 février est parti une section d'autos-camions du 103. Passage de troupes dans la semaine, depuis le 10 [février 1917], plusieurs jours. Nous sommes le 19 [février 1917] et toujours passages de troupes sans arrêter, tous les jours, de l'artillerie94. Hier 18 [février 1917] le 102 est parti de Gannes, tous de très braves gens.

J'ai envoyé aussi le 18 février [1917] le portrait d'Yvonne et de Thérèse à Fernand95, et une flanelle et du thé Chambard96, un gâteau et un fromage. D'Eugénie, le 18 mars : pantalon bleu de soldat et un gant de toilette, une grosse boîte et pain d'épice de Mme Ménard. Le pantalon est de Balache97 et le gant d'Eugénie, et une demi-livre chocolat.

Cette semaine, grand bombardement sur Montdidier. Aussi, quinze jours plus tôt, arrivée du 17098 artillerie lourde. Le 28 février [1917] : départ. Le lendemain, arrivée aussi du 322 territoriaux qui sont restés quelques jours. Départ des camions-autos du 103 le 10 mars [1917] et ceux du 84 le 11 [mars 1917]. Popote à la cuisine du capitaine de ceux-ci. Gaulthier cuisinier. Gens très bien. Le 17 mars [1917], nouvelle popote du 1 génie. Des projecteurs [?]. Ils sont restés quinze jours, assez bons pour moi. Pommart et Bertrand99.

Aujourd'hui 17 mars [1917] j'ai eu un pain de trois livres de la commune.

Le 110 artillerie lourde est venu coucher une nuit le 28 février [1917] et le 28e rég. territorial d'infanterie logé une nuit. Le 29 mars [1917], le 136 active infanterie100 logé deux nuits le 1er avril [1917]. Le 10 avril [1917], un détachement du 1 génie 4/9 est parti pour tout à fait.

Le 28 mars [1917] j'ai eu une grande discussion avec Nennecy. Je ne vais plus chez nous depuis ce jour. J'ai du chagrin pour papa mais elle le tourne comme elle. Il m'a dit de foute mon camp. Jamais je ne lui pardonnerais à elle. Elle a touché à mon honneur. Personne ne peut se figurer comme elle est méchante et toute la patience que j'ai toujours eu jusque là. Cette fois, c'est fini, je suis à bout. Hortense aussi est jalouse de moi.

J'ai envoyé un pantalon militaire tout neuf en Allemagne qui m'a été donné par Balache et Angélina le 18 mars [1917] ; envoyé du savon à laver et une boîte de réglisse noir le 15 avril 1917. Le 29 avril, j'ai envoyé des bretelles et un paletôt provenant de Laforêt, boîte de saucisses au riz, pain d'épices, et une boîte de pommes de terre de Mme Ganeau. J'ai envoyé le portrait de Ferdinand le 29 avril [1917], celui de Célina le 6 mai. La Cie genie 4/9 est parti aussi le 6 mai. Célina le 1er avril m'a donné une chemise et deux mouchoirs101, une boîte de conserves de deux frs. Eugénie un gâteau, fromage, boîte de conserves et tabac. En voilà déjà plusieurs qu'elle me donne de fromages. Je ne les avais pas encore marqués102. J'ai envoyé des haricots et des pâtes alimentaires le 13 mai 1917, et de l'argent (5 frs) le10 mai [1917]. Le 10 juin [1917], envoyé une boîte Lhitinès, le 17 [juin 1917], un flacon d'alcool de menthe ; le 1 juillet [1917] du savon à laver ; le 27 mai (oublié d'écrire) : un savon de toilette.

Nous n'avons plus de soldats, seulement quelques-uns qui déménagent le parc du génie fait à la gare. Il y a eu des Boches qui y sont venus travailler. Il y a aussi une machine à battre103 conduite par les soldats qui travaille en ce moment chez les fermes pour la réquisition.

Hortense et Nennecy me font le plus de sottises possible.

Nous sommes aujourd'hui le 2 juillet [1917]. Je vais aller à Ansauvillers pour envoyer de l'argent104 à Fernand. Le 7 juillet [1917] Mme Ganeau m'a donné une boîte conserve, chocolat ½, une boîte de pommes de terre dessechées. Il y a une équipe de Boches qui travaillent à la gare pour déblayer le champ de M. Hochedez. Il y en a encore une autre équipe qui battent à la machine chez Sorel, M. Hochedez, etc. Dans la nuit du 7 au 8 juillet [1917], il a fait un orage épouvantable. Je n'en ai, je crois, jamais entendu de pareil. Aujourd'hui 8 [juillet 1917], je reviens de la gare porter une lettre. J'ai vu des Boches avec leur matricule et le P. G.105 marqué sur leurs effets. Cela me fait penser à Fernand. Cela me fait de la peine de les voir. Par la pensée je vois les malheureux là-bas qui souffrent.

Le 29 juillet j'ai mis dans le colis une boîte pastille de menthe. En ce moment nous payons le pain un fr. quarante cinq les six livres, un demi-litre d'huile à manger deux fr. vingt, le vinaigre un fr. dix le litre, la viande de porc deux fr. trente la livre, le beuf deux fr., les œufs trente centimes l'oeuf, le charbon six fr. cinquante les cinquante kilos, le beurre un fr. soixante-quinze, le chocolat un fr. quarante cinq la demi-livre, le sel trente cinq centimes le kilo, les pâtes alimentaires quatre-vint-dix centimes le paquet de deux cent cinquante grammes, l'essence un fr. dix le litre. Nous avons des cartes d'essence pour aller en chercher chez l'épicier (on a droit qu'à deux litres), et une carte de sucre : sept cent cinquante grammes par personne. Et pour le moment pas de charbon.

Le 12 août [1917], envoyé à Fernand une chemise et une flanelle usagée. Le 27 août, j'envoie à Fernand ses pantoufles avec semelles caoutchoue. Melle Julienne a donné deux petites boîtes conserves, un paquet macaroni, un paquet nouillettes. J'ai rentré l'avoine dans la vieille maison et je la bal106 dans la cour. J'ai arraché mes pommes de terre : il n'y en a pas, elles sont gâtées. J'ai envoyé le portrait de Charles107 fait reproduire le 23 septembre [1917]. Melle Julienne a donné trois petits flacons moutarde. Eugénie a donné trois quarts de chocolat. Mme Ganeau pain d'épices, trois boîtes conserves.

Le 1 octobre [1917] on a fait une distribution de charbon : cent kilos pour deux à raison de sept fr. cinquante en présentant une carte que la mairie distribue à chaque ménage. Dans le courant du mois d'octobre [1917] on a numérotée les maisons : nous c'est le numéro 55108. Eugénie donné un fromage et demie livre chocolat. Mme Chevallier une boîte de conserves. Melle Gabrielle deux boîtes.

Le 27 novembre [1917] passage du 28e dragons, une nuit.

La frontière franco-suisse est fermée depuis fin octobre, ouverte pour deux ou trois jours109. Le 2 décembre [1917] j'ai envoyé un colis (un cachez-nez)110 ce jour.

Distribution 100 kilos charbons en octobre pour 7,50. Le 6 décembre [1917] distribution charbon 50 kilos pour 3,75111 et une livre de sucre le 7 xbre112. Je touche ½ livre pour Fernand. Melle a donné une boîte conserves. Eugénie chocolat. Célina, chocolat. Envoyé la deuxième photo de Charles à Fernand le 9 décembre. Melle J[ulienn]e une boîte conserve, un paquet macaroni.

Le 13 xbre113, passage pour une nuit du 263 de ligne. Le 16 [décembre 1917], le 215 artillerie. Le 18 [décembre 1917] le 201 de ligne. Le 19, le 15e d'artillerie. Le 22 [décembre 1917], le 208e de ligne.

La nuit, violent incendie aux bâtiments à fourrage de la Tour114, et le 14 [décembre 1917] feu de cheminée qui prenait des proportions ; enrayé grâce aux secours.

Le 23 décembre [1917], envoyé une capote115 à Fernand.

Le 17 décembre [1917] le 73e d'infanterie116 a logé à St-Just.

Dans le colis du 30 décembre il y a un lapin, cachenez, cravate et molletières117. Le cachenez et les bandes molletières sont de Mme Chevallier. Reçu les 2 photos le 27 xbre [1917]. Le 1 janvier 1918 j'ai reçu par la poste de Laforêt une demie-livre de chocolat, deux paquets tabac et un paquet de cigarettes. Michel a donné aussi pour étrennes à Fernand une demie-livre de chocolat. Le soir nous avons été avec Eugénie chez Célina passé la soirée.

Le matin j'ai été souhaiter la bonne année chez papa comme c'était mon devoir. Nennecy s'est cachée dans la chambre, et quand elle a vu que je ne partais pas, a fait du bruit pour que je m'en aille, bruit que j'ai entendu. Il paraît qu'elle l'a dit à Hortense, et elle a dit que quand elle avait entrer elle avait regardé par la fenêtre de la chambre pour savoir si j'étais là, car si j'y avais été elle n'aurait pas entré. Je me demande pour quel motif. Pourtant je ne dis rien d'elle et j'en sais pourtant assez long sur son compte. La jalousie est pour tout. Elles ne veulent plus que j'aille chez nous et papa est trop bon. On dirait qu'il a peur d'elles.

Aujourd'hui 8 janvier 1918, quelle malheureuse journée ! Nous venons de voir mourir notre bon père après huit jours de maladie. Il s'est éteint comme une chandelle, sans souffrances. On l'a mis en terre le 10 [janvier 1918]. On l'a conduit au cimetière avec une voiture tellement il y avait verglas et neiges.

Célina m'a donné une boîtes conserves et un paquet de tabac. J'ai écrit à Mme Faivre de Paris pour offrir mes vœux de bonne année. Elle m'a répondu le 17 janvier [1918] en mettant un billet de dix francs dans la lettre. J'ai fait 12 chemises à Maxime qui m'a donné 20 francs pour mon travail et deux frs. pour Fernand le 13 janvier [1918]. Le 27 [janvier 1918], une paire de pantoufles et un gant de toilette. Et en ce jour, Michel a donné une demie-livre chocolat. Ai aussi envoyé dix fr. à Fernand depuis qu'il est prisonnier, voilà. On [a] distribué 40 kilos charbons le 13 janvier [1918] et j'en ai reçu 40 kilos du bureau de bienfaisance le 21 janvier. Et j'ai également un pain de trois livres, mais il y en a que douze cent grammes à cause de la restriction. Depuis le 22 janvier [1918], tous les mardis le pain est à 3,30 les trois kilos, le beurre 5 fr. la livre, l'huile 5 fr. le litre. Le chocolat est taxé à 2,50 la livre, les pâtes à 1,20, le pétrole 1fr. Tout est plus que triplé et l'on ne trouve même plus rien. Le tabac vaut 0,80 c. le paquet de 40 grammes. Mme Gabrielle m'a donné une paire de draps de coton pour mes étrennes et deux petites boîtes conserves pour Fernand. Le 10 février [1918] j'ai envoyé à Fernand deux tabliers à bavette en sac fin de Melle. Le 24 février [1918] ai envoyé la photo d'Ernest Chorillon et une paire de chaussettes.

Le 6e génie Cie118 a restée trois jours à Gannes. Parti le 24 [février 1918]. Arrivée 21 [février 1918].

Melle le 2 mars a donné deux boîtes conserves. Fait aussi la distribution de charbon ce jour : vingt cinq kilos pour deux fr. quinze. Et aussi distribution de sucre : sept cent cinquante grammes par mois, une livre par personne, et la demie-livre pour Fernand prisonnier à un fr. soixante-dix le kilo. Le 1 mars [1918] Melle [a] donné deux petites boîtes conserves. Le 13 [mars 1918] au soir distribution d'un bon pour un litre de pétrole.

Lucien s'est marié le 16 [mars 1918]. Ai été son premier témoin. Ai assisté au déjeuner de midi, ne les ai pas revu depuis. Quelle triste journée pour moi. Oublier toutes les sottises qu'ils m'ont fait.

Le 28 mars [1918] avons été obligés d'évacuer dans la nuit119. Avons partis avec Célina avec la voiture de M. Trannoy. Avons logés à Therdonne120 et sommes revenus le 19 avril [1918]121 mais quels dégâts ! Plus de linge ni de batterie de cuisine, et objets de ménage : tout a été saccagés et pillés par les soldats français122 ! C'est une ruine. Rien en revenant. J'ai logé et couché chez Melle G. Chatriot jusque le mois de septembre. Je mangeais à la popote des soldats et suis revenue chez nous mais dans quelle anxiété l'on était des obus dans le pays ! Et le soir et la nuit toujours des aéroplanes ennemis qui lançaient des bombes ! On était obligés d'aller dans les caves. J'y ai dormi et j'avais bien peur. Enfin le 12 août [1918]123 ils ont quitté Montdidier et le danger était conjuré pour nous. Dans quelles transes avons-nous passé ! Enfin l'Armistice a été signée le 11 novembre. Fernand est rentré [en]124 France : arrivé chez nous le 30 décembre [1918] pour soixante [?]125 jours la [?]126.

 

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Notes

 

1 Il n'était pas exclu que la mère de Fernand ait à partir de chez elle pour se réfugier plus loin du front si les Allemands réussissaient à avancer. C'est de fait ce que fait le village au printemps 1918 lors de la dernière grande offensive allemande sur ce front.

 

2 Marie Restitude Prémereur, appelée usuellement à partir d'une date idéterminée « Luisa » Prémereur, épouse Gérard, est fille de Pierre Frédéric Prémereur, âgé de 20 ans à sa naissance le 6 avril 1868, charretier, et de Marie Célina Debeurre, âgée de 21 ans, couseuse de gants. La maison de ses parents à sa naissance est dans la rue de la Chapelle à Gannes.

 

3 Pour « Nancy » : Marie Cécile Nancy Prémereur est semble-t-il une sœur de Luisa.

 

4 La date est insérée en interligne, d'une encre différente.

 

5 Sic, sans « e » final. Sans doute la fille de la famille Naquet à qui appartenait (et appartient encore de nos jours) le « château » de Gannes, à l'entrée du village, rue du Moulin. Luisa qui « avait les clefs » semble employée au château, dans des fonctions de service non identifiées. Luisa ne loge pas au château mais a sa propre maison, à quelques rues de là.

 

6 Dans la continuation de la phrase précédente, il doit s'agir ici du château de Gannes, « la maison de « Mell » ».

 

7 Deux livres ne font guère qu'un kilo.

 

8 Le patronyme est celui d'une famille d'agriculteurs importants de Gannes, encore aujourd'hui, remontant au moins à Gannes au XVIIe siècle. La famille a donné plusieurs maires à la commune, dont Ulysse Trannoy de 1895 à 1910 (meurt en 1911). Lui succède, pour la période qui nous intéresse ici, Lucien Wallet jusqu'en 1919. Un Cyrille Trannoy, du même âge que Fernand Gérard, artilleur, est mort en 1916 sur le front de Somme.

 

9 La ville de Montdidier est à une quinzaine de kilomètres de Gannes à vol d'oiseau. Elle est à l'arrière du front français, à une vingtaine de kilomètres (la ville de Roye est aux mains des Allemands). Gannes est donc à une cinquantaine de kilomètres du front, d'où les passages de diverses troupes dans le village. Montdidier n'est capturé quelques temps par les Allemands que lors de leur grande offensive de 1918, mais cela suffit alors à détruire en grande partie la ville.

 

10 Béthune est alors proche du front dans le Pas-de-Calais mais les Allemands n'atteignent jamais la ville durant la guerre. Par contre le centre-ville de Béthune est presque entièrement détruit par les bombardements allemands en mai 1918.

 

11 Une demi-livre de chocolat,, soit 230 grammes, correspond à une grosse tablette de chocolat d'aujourd'hui.

 

12 Victor Maurice Prémereur, né en 1880, est le frère de Luisa, de 12 ans son cadet. Il est mentionné mort pour la France le 9 janvier 1915 sur le monument aux morts de Gannes (orthographié « Premeureur »). Marié en 1905, il avait trois filles qui sont adoptées par la Nation en 1919. Mobilisé en août 1914 au 51e R.I., parti en renfort en septembre 1914 et tué à l'ennemi le 7 janvier 1915 (et non le 9) à Vienne-le-Château, au lieu de La Harazée, Bois de la Gruerie, Forêt d'Argonne.

 

13 Calvaire à l'entrée nord de Gannes,

 

14 Saint-Just-en-Chaussée, ville la plus importante du secteur, à 8 ou 10 km au sud de Gannes. En 1916 un bombardement allemand visant la gare tue 4 personnes civiles et 3 militaires dans un café près de celle-ci, preuve que la zone de Gannes, proche du front, n'est pas à l'abri.

 

15 Hortense Danguin, épouse de Georges Joseph Prémereur qui est cité ensuite.

 

16 Villages à 6 ou 7 km au nord-ouest de Gannes.

 

17 Sans doute les pilotes de l'aéroplane, forcés d'atterrir ?

 

18 Dompierre : village entre Gannes et Montdidier (nord-est de Gannes), plus proche du front donc.

 

19 Les deux paroisses de Sains et de Morainvillers forment la localité actuelle de Sains-Morainvillers depuis le tout début du XIXe siècle. A 5 km à l'est de Gannes.

 

20 Il s'agit ici d'une histoire entre sœurs apparemment : Georgette Julia Célina Prémereur (Gannes, 1899 – Breteuil, 1994), Yvonne Elia Prémereur (Gannes, 1906 – Clermont de l'Oise, 1995), et Germaine Prémereur (1906-...?).

 

21 Salut du Saint-Sacrement : exercice de piété catholique consistant en l'adoration de l'hostie consacrée, la plupart du temps par un groupe de fidèles, comme ici, plutôt que solitairement.

 

22 Le 38e régiment d'infanterie s'est illustré à l'automne 1915 à l'est de Gannes, entre Thourotte et Ribécourt-Dreslincourt (nord de Compiègne). En décembre 1915, il part pour être déployé devant Roye, au nord-est de Gannes.

 

23 Après de durs combats en 1914, le 139e régiment d'infanterie tient en 1915 plusieurs secteurs au sud puis au nord de Roye, toujours assez près de Gannes, donc.

 

24 Le 38e régiment d'infanterie, basé à Saint-Etienne en 1914, comprenait en effet beaucoup de gens du Forez, du Velay, d'Auvergne, etc. Le 139e régiment d'infanterie était basé à Aurillac et était composé d'hommes du Cantal, de l'Aveyron, du Puy-de-Dôme, etc.

 

25 L'aluminium des fusées allemandes était relativement facile à fondre et à verser dans des moules. La fabrication de bagues était particulièrement répandue parmi les soldats désoccupés ou en repos à l'arrière du front.

 

26 A Crèvecoeur-le-Grand, situé à une quarantaine de kilomètres du front, se trouvait un important camp militaire français durant la guerre, entre Crèvecoeur, Viefvillers et Francastel. Il ne s'agit bien entendu pas d'un « camp de concentration » où nous l'entendons aujourd'hui, mais d'un camp de regroupement de troupes d'infanterie pour instruction et ré-entraînement avant retour au front, grâce à un terrain de manœuvre contigu à l'est.

 

27 Wavignies est situé au sud-ouest de Gannes, à moins de 10 km. Il n'y a pas de grand axe qui va de Gannes à Wavignies, et la route qui y mène passe d'abord par le village d'Ansauvillers. Il n'y a donc pas de raison de parler de « grande route de Wavignies », si ce n'est en voulant ainsi désigner la route nord-ouest/sud-ouest qui va de Breteuil à Saint-Just-en-Chaussée (aujourd'hui route départementale 916), et qui constituait sans doute un axe important de déplacement de troupes suffisament à l'abri du front. Un embranchement ferroviaire permettait par ailleurs de relier Wavignies à Crèvecoeur-le-Grand.

 

28 Le terrain d'action habituel du 10e régiment d'infanterie colonial depuis 1890 était l'Indochine.

 

29 La gare de Gannes est aujourd'hui encore très à l'extérieur du village, à un bon kilomètre du centre, vers l'est.

 

30 Sans doute Célina Désirée Amory, épouse du Victor Prémereur, frère de Luisa mort au front en 1915 et déjà cité.

 

31 Le 29 janvier 1916, un zeppelin allemand bombarde Paris, et lâche 17 engins explosifs dans les quartiers de Belleville et de Ménilmontant, provoquant la mort de 26 personnes et faisant 38 blessés. Les victimes auront des funérailles nationales.

 

32 Après une participation à la seconde bataille de Champagne à l'automne 1915, la division marocaine évolue dans la région de Compiègne pendant l'hiver dans plusieurs sites pour instruction, dont le camp de Crèvecoeur-le-Grand. Le 24 février, comme on le voit ici, elle fait mouvement vers Montidier. On sait que cette division fait alors souvent ces déplacements par camion, alors que ce qui fait de Gannes un lieu de passage si fréquenté est la présence d'une gare. Mais une partie de toutes ces troupes de passage emprunte sans doute tout simplement la route Breteuil-Chepoix-Saint-Just-en-Chaussée en faisant le trajet à pied.

 

33 Le 269e régiment d'infanterie était composé en grande partie de réservistes lorrains. Il participe à la bataille autour de Nancy en 1914 et lutte ensuite en Artois. En février 1916 il peut prendre un bref repos, mais s'il passe à Gannes en mars, c'est pour aller à Verdun, où l'offensive allemande a commencé le 21 février.

 

34 Le 279e régiment d'infanterie, composé surtout de réservistes de l'Est et de Paris participe comme le 269e à la bataille de Nancy et à la défense de l'Artois, puis il est à l'offensive de Champagne. Il passe lui aussi à Gannes pour se rendre en renfort à Verdun où il est aussi durement éprouvé que le 269e RI.

 

35 Le 23 février 1916, le 38e régiment d'infanterie est embarqué à Montidider pour Verdun, où il se distingue à la défense du fort de Vaux en mars. Il ne s'agit sans doute ici que de la musique du régiment qui est restée à Gannes.

 

36 Le 326e régiment d'infanterie, constitué à Brive-la-Gaillarde en 1914, combat en Artois en 1915. Il quitte cette zone le 12 mars 1916 pour être redirigé sur Verdun comme les trois autres régiments déjà mentionnés, et tant d'autres. Une publication de l'époque sur l'historique du régiment mentionne bien Gannes comme position de repos pour le 5e bataillon de ce régiment et La Hérelle, village voisin, pour le 6e bataillon et l'état-major (p. 59). Elle mentionne également la date du 30 mai (et non mars) pour l'embarquement à Saint-Just (p. 60), mais c'est une erreur manifeste de cette brochure, qui en comporte quelques autres. Il faut donc bien comprendre un embarquement le 30 mars. On y lit : « Jusqu'au 29 [mars], les poilus vont enfin retrouver cette tranquillité de l'arrière qu'ils avaient quittée depuis plusieurs mois ; c'est l'heure où l'on s'amuse, où on remet de l'ordre dans ses effets en oubliant les moments pénibles de la guerre. Cette période de stabilité est mise à profit pour réorganiser le Régiment ; arrivée de renforts, de nouveaux cadres pour combler les vides, remplacer ceux qui ne sont plus, mais qui restent par le souvenir des jours glorieux. Il y a aussi de nombreuses promotions, qui sont la juste récompense d'un courage, d'une bravoure exemplaires. C'est pendant cette période que la 2e compagnie de mitrailleuses est formée. » (p. 59). Le régiment est dissous en juin 1916, sans avoir démérité, pour être versé dans d'autres régiments affectés par les pertes. Les 7 pages de la brochure qui recensent certaines des citations obtenues par des soldats du 326e sont édifiantes (Historique du 326me Régiment d'infanterie, depuis la mobilisation jusqu'en 1916, Brive : Imprimerie de « La Répulbique », 1920).

 

37 Fillette est un hebdomadaire de l'époque, destiné aux enfants. Populaire, très diffusé, il prend un ton très patriotique pendant la guerre. « Journal de Paris » ne peut être qu'une précision concernant Fillette, et non une allusion au Journal de Paris, qui est un titre qui ne paraît plus depuis 1894.

 

38 C'est le 9e escadron du train des équipages qui passe à Gannes en ce 5-6 avril 1916. Lui aussi se dirige sur Verdun.

 

39 Sans doute les jardins de la Ferme de la Tour, grande ferme à l'entrée de Gannes quand on vient de la gare, à l'est. Les propriétaires de la ferme sont la même famille que le château à l'entrée sud du village. Ces jardins désignent sans doute l'espace d'un demi-hectare ou d'un hectare (selon que la partie encore aujourd'hui ceinte de murs était concernée ou pas) entre la ferme, la route de la Chapelle et la chappelle de Notre-Dame-de-Bonsecours.

 

40 Village au sud d'Amiens. C'est la première gare en sortant d'Amiens après celle plus importante de Longueau sur la ligne Amiens-Paris. La gare de Gannes est à une trentaine de kilomètres au sud.

 

41 Le texte montre la montée en importance de la gare de Gannes lors du transfert massif d'effectifs pour la bataille de Verdun.

 

42 Si Luisa distingue ces « cantonniers-soldats » des autres, c'est qu'il s'agit sans doute de soldats appartenant à des compagnies d'un ou plusieurs régiment(s) du génie affectés à cette tâche. Les routes avaient besoin d'être améliorées (et réparées) pour mieux convenir à toutes les automobiles débarquées à la gare de Gannes, par le comblement des trous mais sans doute également l'élargissement de la chaussée.

 

43 1er arrondissement, près des Halles. Une marraine de guerre ?

 

44 Pour distinguer avec un autre Dubois, il est probable qu'on désigne ici un Dubois résidant à ou près de la ferme de la Tour, ou bien y travaillant.

 

45 Du 15 juin au 1er octobre 1916, par souci d'économie de l'éclairage artificiel (gaz, charbon, pétrole) est en effet mis en œuvre ce qu'on appelle aujourd'hui « l'heure d'été », en application d'une loi qui a donné lieu à des débats passionnés à la Chambre dans les mois précédents.

 

46 Luisa a commencé ce « journal » en s'adressant à Fernand (« c'est pour toi... »). On voit qu'elle écrit désormais un peu pour elle-même également.

 

47 Le 147e régiment d'infanterie est engagé successivement sur tous les fronts où l'on se bat depuis août 1914 et au début de 1916 il est de ceux qui sont à Verdun et qui tiennent lorsque se déclenche la grande offensive allemande. Il quitte Verdun après la fin du mois d'avril 1916 pour cantonner dans l'Oise (Méru et Verberie) jusqu'en juillet. Il participe ensuite à l'offensive dans la Somme.

 

48 Le 1er régiment du génie, présent surtout en Argonne et à Verdun à cette période, a peut-être fait transiter certains de ses éléments par Gannes, mais les diverses composantes très variées des régiments du génie et leur fonctionnement ne permettent pas d'identifier quelles sont celles citées ici sans autres précision.

 

49 Sans doute la butte sur laquelle est construite l'église, au centre du village.

 

50 La troncation des mots (« aéro » à la place de « aéroplane »), à la différence d'aujourd'hui, est à cette époque un phénomène rare, même dans les classes populaires. Elle est réservée aux groupes aimant à pratiquer un argot pour se donner une langue commune qui les distingue du reste de la société (« apaches », militaires, etc.). L'adoption du mot « aéro » par Luisa se fait sans aucun doute sous l'influence de la façon de parler des très nombreux militaires passant par Gannes. On voit que, à part ce cas, Luisa s'exprime avec un soin qui n'est pas spécialement recherché mai qui est l'usage écrit de l'époque, d'autant que son « journal » est potentiellement destiné, du moins au début, à être lu par son fils.

 

51 Lieu-dit à l'entrée nord-est de Gannes, très près du village, sur la route menant à la gare. A partir de la chapelle de notre-Dame-de-Bon-Secours s'ouvre un chemin se dirigeant plein nord, qui était appelé naguère « Chemin de l'homme mort ». Le site exact de « L'homme mort » se situe à l'est de ce chemin, et au nord immédiat de la départementale 164. Sa limite au nord était à mi-chemin entre la D. 164 et le chemin dit du « Clos de Warmaise ». Il n'y avait pas d'habitations à cet endroit en 1916, et le site est particulièrement plat et dégagé sur une vaste étendue toute proche de la gare qui connaît une activité quasi permanente. Il n'y a pas d'explication établie à ce toponyme curieux, mais une déformation de « l'orme mort », site d'un arbre mort remarquable, est une explication parfois avancée par les linguistes pour ces noms de lieux présents un peu partout en France.

 

52 Un régiment composé de soldats de divers autres régiments dissous et aux insignes non encore changées ou bien un groupe sans ordre mélangeant plusieurs régiments. L'année 1916, en partie en raison des pertes devant Verdun, est une période de forte réorganisation des régiments, avec un certain nombre de dissolutions de régiments, de divisions, etc. et de reversements dans d'autres unités.

 

53 Engagé dans des actions en Belgique, en Picardie, en Alsace, en Champagne puis en Lorraine de 1914 à 1916, le 3e régiment de dragons voit ses escadrons affectés à plusieurs divisions d'infanterie différentes à l'été 1916 mais ils sont dirigés dans l'ensemble vers la Somme.

 

54 Le terme de « goumiers » sert en principe à désigner les goumiers marocains, qui sont des soldats d'unités d'infanterie légère (appelées « goums ») recrutés parmi la population autochtone marocaine. Il ne sont pas censés avoir agi sur le territoire français pendant la Première guerre mondiale, étant restés au Maroc pour éviter ou réprimer les soulèvements locaux. Il est possible que Luisa évoque plutôt ici des tirailleurs algériens ou tunisiens, surnommés « turcos », dont des unités ont été envoyées en France métropolitaine dès 1914. Dès 1914 sont également envoyés en France des tirailleurs marocains, mais pas des goumiers.

 

55 Le 70e bataillon (et non régiment) de tirailleurs sénégalais. Si l'on prend en compte le 10e régiment d'infanterie coloniale venant, lui d'Indochine, c'est tout l'Empire colonial français qui défile dans le petit village de Luisa en à peine un an ! Un autre bataillon de tirailleurs sénégalais, le 29e, sera en partie présent à Gannes du 29 août au 27 septembre 1916.

 

56 Un peu plus loin, ce qui semble être le même lieu est appelé « le jardin brûlé ».

 

57 Le manuscrit est légèrement endommagé ici et l'encre effacée.

 

58 Selon le monument aux morts de Gannes, les personnes citées sont : (Nestor) David Hochart, mort le 21 septembre 1914 (19 ans, reconnu tué au front) ; (Emile, dit) Adrien Colpaert, 22 octobre 1914 (25 ans, maladie) ; Paul Wasse, 12 janvier 1915 (21 ans, pneumonie) ; .Joachim Wasse, 12 janvier 1915 (40 ans, maladie) ; (Lucien) Gaëtan Wasse, 7 février 1915 (27 ans, maladie) ; (Paul) Augustin Cailleux, 19 octobre 1914 (26 ans, suites de blessures) ; Stanislas Cailleux, 16 septembre 1916 (24 ans, disparu au front) ; Victor Premeureur (sic sur le monument aux morts), 9 janvier 1915 (34 ans, tué à l'ennemi) ; Alexis Courtois, 18 avril 1915 (27 ans, tué à l'ennemi) ; (Charles) Hector Vassel, 1er mars 1916 (27 ans, suites de blessures) ; Mathurin Le Gallie (sic sur le monument aux morts), 27 avril 1916 (32 ans, suites de blessures) ; Cyrille Trannoy, 2 août 1916 (20 ans, suites de blessures) ; (Lambert) Charles Dodé, 12 septembre 1916 (25 ans, tué à l'ennemi) ; Alfred Wadier, 14 août 1917 (19 ans, suites de blessures) ; Jules Fricart (sic sur le monument aux morts, mais graphie à l'état civil : « Fricard »), 23 avril 1917 (34 ans, tué à l'ennemi) ; Amédée Balny, 2 novembre 1914 (32 ans, disparu au front) ; Jean-Baptiste Fournier, 5 février 1918 (33 ans, maladie) ; (Fulgence) Maurice Dupoty, 24 septembre 1918 (31 ans, suites de blessures) ; Lucien Deflers, 11 octobre 1918 (22 ans, suites de blessures). On voit que Louise a tenu cette liste jusqu'en 1918, alors que cette partie du journal a été commencée à l'été 1916. Il y a d'ailleurs un espace laissé libre sous cette liste, avant que le journal ne reprenne là où il est interrompu au feuillet précédent, à l'été 1916. On voit également qu'elle fait la distinction entre les « tués » par l'ennemi (directement ou suite à des blessures) et les « morts » d'autre cause liée à la guerre (souvent de maladie contractée en service). Une seule personne citée sur le monument aux morts pour les années 1914-1918 n'est pas mentionnée par Luisa : Charles Amiot, mais il n'est pas né à Gannes, qui est le village de sa belle-famille (gendarme dans le département, il n'y résidait sans doute qu'épisodiquement). On a précisé entre parenthèses les prénoms lorsque Luisa utilise le nom d'usage, qui est souvent le 2e prénom de l'intéressé.

 

59 Le mot est inséré en interligne supérieure. Il devait sans doute se référer à Joachim plutôt qu'à Gaëtan et a été écrit au mauvais endroit, ces deux personnes portant le même nom de famille (frères).

 

60 Sans doute Octave Honoré Amory (et non « Amaury »), dit Anatole Amory (1873-1915), né à Brunvillers-la-Motte (Oise), peut-être beau-frère de Victor Premereur, qui a épousé Célina Désirée Amory.

 

61 Il était maréchal-ferrant, y compris sous l'uniforme.

 

62 Fulgence Dupoty, mobilisé en 1914, est au front de 1915 à septembre 1918. Blessé à plusieurs reprises, il est versé à l'armée d'Orient et il est le seul mobilisé du village à mourir à l'étranger (Serbie).

 

63 Le sigle G. V. C. A. reste obscur, mais on peut proposer une signification proche de « voitures du corps d'armée » ? Ou bien est-ce à mettre en rapport avec les GVC, gardes des voies de communication, c'est-à-dire les hommes du service (civil mais armé) de surveillance des voies ferrées lors de la guerre ?

 

64 Chapelle de Notre-Dame-du-Bon-Secours, à la sortie de Gannes à l'est. « Derrière la chapelle » signifie sans doute entre la chapelle et la gare, le long de la départementale D. 164.

 

65 On remarquera que Luisa repasse à la 2e personne pour mentionner son fils, et non plus à la 3e comme elle l'a fait dans son journal un court moment. Mais le style à la 3e personne revient vite ensuite.

 

66 Les Lithinés (et non « Lhitinés ») sont une eau minérale effervescente artificielle très populaire à l'époque.

 

67 En raison des phrases sans ponctuation du journal de Luisa, on ne sait à quel événement se rapporte ce 28 septembre 1916 : au retour du 128e régiment d'infanterie, à la cérémonie de décoration militaire, ou bien aux deux ?

 

68 Aussi étonnant que cela paraisse, l'Etat de Vichy (1940-1944) a été précédé par les « Vichy - Etat ». Les boîtes de pastilles Vichy les plus en vogue au début du XXe siècle portaient en effet cette mention car elles étaient faites à partir de l'eau de source de Vichy appartenant à l'Etat.

 

69 « 113 » a été ajouté en « marge » gauche (le texte manuscrit ne comporte presque pas de marges). Cette information sur le 113e a déjà été donnée par Luisa quelques lignes plus haut. C'est d'autant plus étonnant qu'elle était passée au mois de novembre désormais.

 

70 De ne pas voir son fils en permission, puisqu'il est, lui, prisonnier.

 

71 Le mot est bien entendu figuré, s'agissant de soldats affectés à ce logement par les autorités et non de locataires.

 

72 Cette notation curieuse signifie bien entendu « 11 novembre », le 9 renvoyant à l'étymologie latine du nom du mois et non à sa place dans le calendrier moderne.

 

73 On a vu plus haut mentionné une chemise de flanelle, mais le mot « flanelle » lorsqu'il est isolé désigne plutôt en général une ceinture de flanelle, très prisée des hommes de la campagne à cette époque car cette ceinture très large protégeait utilement les reins du froid.

 

74 L'artillerie était en général tractée encore par des chevaux, sans compter leur affectation aux divers transports éventuels.

 

75 « Le Cardonnois », à mi-chemin entre Gannes et Montdidier, à une douzaine de kilomètres de Gannes.

 

76 Yvonne et Thérèse sont deux tantes de Fernand, comme on l'a vu plus haut, et Célina une tante par alliance, bien que veuve désormais.

 

77 Inséré en interligne supérieure.

 

78 Le comité local de la Croix-Rouge, qui envoie des colis aux prisonniers de guerre.

 

79 Fromage de Picardie.

 

80 Peut-être des semelles en caoutchouc à ajuster aux chaussures pour ne pas glisser sur les sols verglacés. Mais plus loin (en août 1917) sont également mentionnés des « pantoufles avec semelles caoutchoue ».

 

81 Le dernier chiffre a été modifié, biffé.

 

82 Catilllon-Fumechon, à 10 km au sud-ouest de Gannes.

 

83 L'une des trois rues principales du village, dans le sens est-ouest, mais c'est plutôt un axe de desserte des habitations, pas un axe de circulation prioritaire. Située presque en doublon de l'axe gare-centre (la rue de la Chapelle), il est par conséquent tentant d'y faire stationner un convoi s'il n'est pas prioritaire pour dégager l'espace de la rue de la Chapelle.

 

84 Village voisin de Gannes, à 2 km au sud, sur l'axe menant à Saint-Just-en-Chaussée.

 

85 Pour « cuisine des sous-officiers ».

 

86 Il faut sans doute comprendre que l'homme en question, bien qu'il soit « riche » (sans doute très relativement), vendait sa force de travail tout de même comme un simple manouvrier à certaines occasions.

 

87 Luisa raconte en effet plus tôt dans son journal que l'année précédente à la même période il y avait eu de nombreux départ de troupes de Gannes.

 

88 Faut de ponctuation, on ne sait si ce « en 1916 » termine la phrase précédente ou commence celle-ci. Nous faisons le choix de la seconde possibilité, qui nous semble plus logique.

 

89 Le crapouillot est le nom générique des mortiers de tranchée. Ce sont des canons courts, trapus, à tir courbe et non droit, permettant d'atteindre les tranchées ennemies par au-dessus. L'Allemagne était dotée de ce type d'artillerie au début de la guerre, mais non la France. Après 1915, l'armé française se dote d'engins analogues de profils et de calibres divers et constitue 4 régiments d'artillerie de tranchée dévolus à cette arme : les 175e, 176e, 177e et 178e régiment d'artillerie de tranchée.

 

90 Le livarot est un fromage du Calvados.

 

91 Dompierre est entre Gannes et Montdidier, plus près du front donc, mais s'agissant de transporter des matières dangereuses comme des munitions, il est sans doute préférable de faire un détour par l'arrière du front plutôt que de les emmener directement dans ce qui est un secteur du front tout proche vers l'est. La ligne Roye-Lassigny est la partie du front où celui-ci, qui suivait grossièrement un axe nord-sud depuis les Flandres, s'incurve nettement vers l'est en direction du Chemin des Dames et Reims. Ce secteur connaît un retrait allemand d'une quarantaine de kilomètres à partir en février-mars 1917 qui éloigne le front jusqu'à Saint-Quentin, sur la ligne Hindenburg (opération Alberich). Les Allemands ravagent systématiquement les villes, les campagnes et toutes les infrastructures dans cette zone pendant leur retraite, déportant même une partie de la population vers leurs lignes arrières. Gannes, par contre, se retrouve moins exposé du fait du recul du front allemand.

 

92 Sans doute une personne plutôt que la ville d'Albert, entre Amiens et Bapaume, dans la Somme, qui est alors sur la ligne de front, dans le secteur tenu par les Britanniques.

 

93 L'infanterie territoriale était composée de fantassins plus âgés (en tre 34 et 49 ans), moins entraînés, auxquels on confiait des tâches secondaires, et qui en principe n'étaient pas affectés en première ligne.

 

94 L'offensive du Chemin des Dames se prépare, d'où ces déplacements d'artillerie. Elle commence le 16 avril 1917 et se prolonge jusqu'en octobre.

 

95 Fernand a déjà reçu une photo de ses deux tantes le 19 novembre 1916.

 

96 Marque de thé « purgatif » déposée en 1890 et dont le symbole était un centaure. On le trouvait en pharmacie.

 

97 C'est le nom d'une personne de la connaissance de Luisa, comme on le voit plus loin.

 

98 L'encre est un peu en surcharge sur le manuscrit, le chiffre n'est pas certain.

 

99 Sans doute les noms de cuisiniers de cette troupe comme a été noté « Gaulthier cuisinier » peu avant.

 

100 Régiment d'active, par opposition aux régiments territoriaux.

 

101 Nous reconstituons la phrase en intégrant de la façon qui nous semble la plus cohérente une ligne placée en interligne supérieure de la phrase principale.

 

102 C'est-à-dire mentionnés dans ce journal.

 

103 Machine à battre le blé, pour séparer le grain de la paille. Les machines à battre se répandent à partir des années 1880. Elles pouvaient atteindre des tailles importantes, mais généralement moindres que nos actuelles moissonneuses-batteuses. Ici, Luisa parle peut-être d'une machine à battre utilisant non plus la force animale ou la vapeur mais fonctionnant au pétrole.

 

104 Le bureau de poste était dans le village voisin d'Ansauvillers.

 

105 Prisonnier de guerre.

 

106 De « baler », « vanner » le grain pour en extraire la balle, la pellicule qui le recouvre. La balle d'avoine peut notablement être récupérée pour l'utiliser dans les matelas et les oreillers à la place de plumes.

 

107 Le père de Fernand, décédé en 1911, dont Luisa a fait refaire un tirage.

 

108 Cette numérotation n'est pas la numérotation actuelle des maisons de Gannes, mais avait un usage sans doute plus militaire que postal (pour aider les militaires à se repérer, par exemple lorsqu'on leur désignait une maison où coucher). Jusque tard dans le XXe siècle d'ailleurs, il a été superflu d'indiquer un numéro lorsqu'on écrivait à un habitant de Gannes : le nom du destinataire et la rue suffisaient.

 

109 La frontière suisse est fermée à tous les belligérants depuis 1914 et jusqu'en 1918. Nous n'avons pas trouvé trace de cette ouverture/fermeture ponctuelle en 1917 relatée par Luisa Gérard. Au contraire, la Suisse se raidit à cette époque contre l'entrée sur son territoire des éléments étrangers (déserteurs et réfractaires, etc.). Mais la phrase, en raison de l'absence de ponctuation, peut aussi bien être : « la frontière franco-suisse est fermée depuis fin octobre ; ouverte pour deux ou trois jours le 2 décembre. ». On peut se demander pourquoi une villageoise de l'Oise se préoccupe de la frontière suisse, mais cela avait son importance pour l'acheminement des colis aux prisonniers.

 

110 Le mot est inséré en interligne supérieure au-dessus de « j'ai envoyé ».

 

111 C'est le même prix au kilo qu'en octobre 1917, mais la quantité est réduite de moitié.

 

112 Pour le 7 décembre 1917.

 

113 Pour le 13 décembre 1917.

 

114 La ferme de la Tour, à l'est de Gannes, la dernière de l'agglomération sur le chemin menant à la gare à l'extérieur du village.

 

115 Manteau militaire bleu horizon. L'envoi de vêtements civils aux prisonniers étaient interdit pour ne pas faciliter les évasions. Mais on voit pourtant parfois Luisa envoyer tout de même aussi des « paletots ».

 

116 Luisa ne mentionne pas ici un régiment qui stationne à Gannes comme les autres, mais un régiment qui est dans la grande ville à quelques kilomètres. C'est que ce régiment était celui de son fils lorsqu'il a été fait prisonnier. En deux ans de guerre meurtrière, il doit y rester bien peu de personnes qui auraient pu connaître Fernand avant sa capture.

 

117 Les bandes molletières faisaient partie de l'uniforme français. Comme l'indique leur nom, elles étaient destinées à être enroulées autour de la jambe, du dessous du genou jusqu'à la chaussure. L'uniforme bleu horizon n'est adopté qu'en août 1915 et n'est pas généralisé avant l'automne 1916 (donc après que Fernand ait été capturé), mais les bandes molletières remplacent les guêtres en cuir dès l'hiver 1914, sur le modèle déjà en usage dans les troupes alpines. L'un de leurs intérêts par rapport aux bottes, par exemple, est qu'elles permettent au fantassin de supporter plus aisément les longues stations debout.

 

118 Ici Luisa a laissé une petite espace blanche, comme si elle reportait à plus tard d'inscrire le numéro de la compagnie du 6e génie, peut-être oublié sur le moment.

 

119 L'offensive allemande du printemps 1918 reprend tout le Noyonnais abandonné en 1916, capture Montdidier et dépasse la ligne de front de 1916. Gannes est menacé mais n'est pas pris, bien que des habitants évacuent par prudence, comme on le voit.

 

120 Village près de Beauvais, sur la route de Beauvais à Clermont-de-l'Oise. C'est à une trentaine de kilomètres de Gannes vers le sud-ouest, directement à l'opposé de l'avance allemande.

 

121 La principale offensive allemande du Printemps 1918, baptisée « Michael », est stoppée le 9 avril dans la région de Montdidier.

 

122 Les Allemands ne sont pas arrivés jusqu'à Gannes en 1918, mais leur avancée a paru irrésistible, et dans ce cas les soldats français s'emparent souvent, dans l'urgence, de ce qui peut leur manquer au quotidien, avec à l'esprit que l'ennemi avançant, il vaut mieux que ces biens soient dans leur sac que dans celui des Allemands quand ils arriveront sur place.

 

123 En août 1918 commence la contre-offensive alliée, dite Offensive des Cent-Jours. Elle débute au niveau du front qui est devant Gannes, sur la ligne Amiens-Montdidier-Noyon (3e bataille de Picardie, 8 août-14 septembre 1918).

 

124 L'encre est assez effacée par endroits dans cette partie.

 

125 L'encre est assez effacée par endroits dans cette partie.

 

126 Le dernier mot est illisible (encre effacée).

 


 

 

 

 

Le village de Gannes par rapport à la ligne de front (trait gras à droite) en juillet 1915.

 

La situation bougera peu jusqu'à l'offensive allemande de 1918 qui avance jusqu'à Montdidier.

 


Bibliographie

  • FARRÉ Sébastien, Colis de guerre : secours alimentaire et organisations humanistaires (1914-1947), Presses Universitaires de Rennes, 2014.

     

  • VAN GASSE Thierry, Gannes : le village de Gannes et son patrimoine, 1998.

 

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