Transcription de texte ancien et notes par Manuscrit & Esperluette

22 juillet 2023

Memoire sommaire des choses les plus notables advenues en la ville de Dieppe durant les troubles et guerres civilles advenues en ce royaulme.

Bibliothèque nationale, cote Français 17294, pages 222r-241v.

Manuscrit original numérisé sur :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9064622v/f243.item

 

 

Vue de Dieppe au XVIIe siècle. Au premier plan, le village du Pollet.

 

Gravure extraite de l'exemplaire manuscrit des

Antiquitez et chroniques de la ville de Dieppe de David Asseline, 1682,

conservé à la Bibliothèque municipale de Dieppe (cote Mss 1)

 



Chronique (protestante) des années de guerre : Dieppe et le pays de Caux pendant la première guerre de Religion (1562-1563)

 

Le présent document est étonnament inédit. Il semble bien connu des historiens de Dieppe et de la Normandie du XVIIe au XIXe siècle (voir bibliographie), mais, autant que nous puissions en juger, il n'a jamais été publié sous la forme que nous transcrivons. S'il paraît connu des historiens de Dieppe et de la Normandie, c'est sans doute en raison de sa grande ressemblance avec des passages de l'Histoire ecclesiastique des églises réformées au royaume de France de Théodore de Bèze1 quand celui-ci parle de Dieppe pour la période de 1562-1563. Mais les deux textes, malgré de grandes ressemblances2 et parfois l'emploi étonnant des mêmes expressions, comportent chacun des détails et des précisions qui ne sont pas dans l'autre texte.

Notre document est donc bien disctinct du récit de Théodore de Bèze, et il est plus complet sur la chronique dieppoise de ces années. C'est un témoignage d'une richesse de détails remarquable sur ce qui se passe à Dieppe et les environs pendant la première guerre de Religion, de 1562 à 1563. On en jugera aux intertitres que nous insérons en gras dans le texte pour une circulation plus aisée dans le texte : plusieurs passages méritent d'être mis en valeur, comme les attaques répétées et détaillées d'Arques-la-Bataille par les huguenots dieppois, leur expédition vers Cany-Barville et leur mise à sac de Veules-les-Roses, l'embuscade de Martin-Eglise, ou bien le dépit de Montgomery devant l'accueil que lui font les bourgeois de Dieppe en décembre 1562, rendu avec des paroles au style direct très vivantes.

Comme le comte de Montgomery, déjà présenté sur ce site3, de grands acteurs passent dans le texte : le roi Charles IX et la reine-mère Catherine de Médicis qui viennent à Dieppe en août 1563, Coligny et plusieurs officiers généraux des deux camps, mais aussi divers capitaines plus obscurs, voire de soldats, qui ne sont pas les moins actifs. L'évolution des mentalités, les sentiments de la population, des bourgeois, des marins, des marchands, mais aussi des réfugiés huguenots des provinces environnantes (Picardie notamment) transparaissent à de nombreuses reprises. On trouve par ailleurs des indications sur les pêches, le traffic maritime, les prix des denrées, etc.

En dehors de la forme de l'écriture, des indices donnent à penser qu'il est rédigé avant 1567 et la deuxième guerre de Religion, c'est-à-dire très près des événements racontés. On a d'abord le titre, qui considère les « troubles » comme n'ayant pas de suite une fois la paix faite, et l'on a également par exemple en fin du texte un jugement assez favorable sur René de Sigogne, alors que celui-ci change d'attitude envers les protestants très précisément à partir de 1567.

L'auteur de ce document, anonyme autant que nous ayons pu en juger4, est en effet clairement partisan. Il appartient au camp des huguenots dieppois modérés, essayant d'avoir un discours mesuré mais ne résistant pas à s'enflammer lors du récit de certains épisodes « guerriers » (« les nôtres »). Son point de vue est donc à considérer avec circonspection, mais il reste un témoignage infiniment précieux sur un épisode particulièrement mouvementé de l'histoire de Dieppe et de tout le pays de Caux.

 

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Memoire sommaire des choses les plus notables advenues en la ville de Dieppe durant les troubles et guerres civilles advenues en ce royaulme.

 

Mars 1562. Dieppe se range dans le camp de Condé

 

Premierement, après que les habitans de lad.5 ville en la plus grande et meilleure partye faisans profession ouverte de la religion reformee, et qui depuys le edict de janvier6 avoient continué paisiblement les presches publicques et aultres exercices de leurd. religion dedans lad. ville suyvant la permission particuliere par eulx poursuyvie et à eulx octroyee par le roy et aulx aultres villes de frontiere7, eurent receu les nouvelles du piteuz et cruel massacre executé par le sieur de Guyse et ceulx de sa compaignye sur les fidelles de Wassy au mois de mars 15618, et avoir entendu les preparatifz et entreprinses qui se machinoyent contre toutes les eglises de France comme l'effect l'a depuys demonstré, se sentans menassez par dessus tous les aultres par ce que dès le temps du roy Henry9 ilz avoient receu et entretenu les ministres portans la parolle de Dieu, et après avoir par quelques annees continué les assemblees secrettes, s'estoient les premiers de ce pays enhardyz de la faire prescher publicquement sans crainte des menaces et dangiers eminentz dont Dieu les avoit tousjours preservez, après aussy avoir oy10 monsieur Virel11, ministre de l'eglise de Paris et ung gentilhomme de monsieur le prince de Condé12 envoyez de sa part aux eglises de Normandye pour faire trouver en dilligence le plus grand nombre de gentilzhommes qu'il seroit possible pour l'accompaigner, lesquelz Virel et gentilhomme vindrent à Dieppe le xxiie dud. mois de mars13, se delibererent de faire guet et porte pour la garde de la ville et de prendre les armes soubz l'auctorité de mond. sieur le prince de Condé que Dieu sembloit avoir suscité en ce temps pour liberateur de son eglise, protecteur du roy et de sa couronne et conservateur de ses edictz, et se joindre et associer à sa ligue saincte14 et luy donner ayde de toute leur puyssance en une si juste guerre.

 

Avril 1562. Dieppe fournit de l'argent au camp protestant et lève des troupes

 

Et de faict au moys d'avril ensuyvant leverent sur eulx cinq mil livres qu'ilz envoyerent à ceulx de l'eglise de Rouen pour avec les deniers par eulx fournyz les faire tenir aud. prince en la ville d'Orleans15. Et si16 fournirent argent et armes à plusieurs gentilzhommes de ce pays qui se delibererent d'aller se joindre avec led. prince. Davantage firent lever et dresser par le cappitaine Valfenieres17 une compaignye de deux cens hommes de pied des enffans de lad. ville, la pluspart fort bien equippez et deliberez en intention de les envoyer à Orleans pour le secours dud. prince, pensans que la guerre civille de nouveau commancee deust ilec18 prendre fin sans que le mal s'espandist si loing qu'il a faict.

 

19-20 avril 1562. Iconoclasme dans les églises de Dieppe

 

La nuyct ensuyvant le dymanche dix neufiesme d'avril 1562 les ymages19 des deux temples20 de lad. ville furent tous abbatuz, bruslez et reduictz en cendre et les aultelz rompuz et renversez par les mariniers et aultres du commung peuple de lad. ville comme divinement poulsez sans resistance d'aulcun et sans qu'il en advinst aulcun trouble ou sedition en ladite ville. Et avec ce furent bruslez plusieurs ornementz, chappes, chazubles et bannieres de grande et riche valeur.

 

Avril 1562. Expédition des protestants dieppois à Ouville-la-Rivière pour défendre Luneray. Iconoclasme à Ouville, au Pollet et à Neuville-lès-Dieppe

 

Le bruict d'un cas tant nouveau fut incontinant espandu partout et lequel print accroissement par ce que le xie dud. moys ceulx de lad. ville aians eu advertissement que la damoiselle d'Ouville21 de la maison de Vieupont avoit receu en sa maison ses freres22 gentilzhommes bien accompaignez en intention de grever23 et offencer les fidelles de l'eglise de Luneray24 prochaine dud. lieu, sortirent jusques au nombre de soixante chevaulx ou environ avec quelques gens de pied et allerent jusques aud. lieu d'Ouville.

Et aians trouvé que lad. damoiselle et sesd. freres s'estoient retirez ne firent aulcun mal à lad. maison tant seullement prindrent et admenerent deux pieces d'artillerye trouvees en lad. maison que lad. damoiselle avoit faict admener du port de Saane25 où elles avoient esté autrefoys mises pour la deffense de la coste et abbatirent les ymages du moustier26 dud. lieu d'Ouville et d'aultres moustiers par où ilz passerent. Et à leur retour en firent aultant à la chappelle des Greves27 estant au Pollet et au moustier de Neufville sur Dieppe28.

 

Mai 1562. Visite à Dieppe du duc de Bouillon, gouverneur de Normandie

 

Peu de temps après, en l'assemblee des manans29 et habitans de la ville en l'hostel commung d'icelle, sur l'advertissement qu'ilz avoient eu que monsieur le duc de Bouillon30, gouverneur et lieutenant general pour le roy en ses pays et duché de Normandye, s'estoit achemyné pour venir en lad. ville et y poser pour cappitaine et gouverneur le seigneur de Richarville31 fut deliberé et conclud que led. sieur duc de Bouillon seroit honnorablement receu selon que sa grandeur et le lieu qu'il tient le meritoit. Et luy seroit faict requeste de la part desd. manans et habitans que durant le temps des troubles qui commançoient à s'eslever en ce royaulme ne leur fust baillé aultre cappitaine et gouverneur que le sieur de Fors32, pouveu par le roy à cest effect soubz l'auctorité de mond. sieur l'Admiral33 cappitaine en chef de lad. ville et chateau d'icelle, consideré qu'il n'avoit faict faulte pour le deposer, qu'il estoit chevalier et gentilhomme d'honneur et de bonne maison possedant grandz biens et revenu et eschanzon34 ordinaire de la maison du roy, et auquel lesd. habitans avoient fience comme ayans congneu et experimenté sa vertu, loyaulté, integrité, sçavoir et experience.

Le quatriesme de may35, led. seigneur duc de Bouillon arriva en lad. ville, au devant duquel sortyt à cheval led. sieur de Fors accompaigné d'un bon nombre des officiers, conseilliers et notables bourgeois de lad. ville pour le recepvoir en tout honneur et reverence. Et furent envoyez par devers luy jusques au lieu de sa repue36 deux bourgeois de lad. ville pour luy supplier qu'il n'admenast avec luy led. sieur de Ricarville pour le dangier qui en pourroit advenir, et qu'il ne seroit en la puissance des gens de bien d'icelle ville d'empescher l'emotion37 du peuple contre led. sieur de Ricarville tenant le party de la maison de Guyse, mesmes pour admonnester icelluy sieur de Ricarville de ne se mectre en tel inconvenient. A laquelle supplication led. sieur de Bouillon inclina voluntiers, et par son conseil se deporta led. sieur de Ricarville de passer plus oultre.

Atant38 s'en vint à Dieppe led. sieur de Bouillon bien accompaigné de gentilzhommes lequel fut rencontré, salué et receu en tout honneur et reverence par led. sieur de Fors et sa compaignye. Et approchant près de la porte de lad. ville sortirent le cappitaine Rouverey39 et le cappitaine Valfinieres qui luy feirent la reverence le genoil à terre. Et entrant en lad. ville passa entre deux rangs de harquebuziers de lad. ville, commanceant dès lad. porte et continuant jusques au chasteau, lesquelz estans jusques au nombre de sept à huict cens, tous d'une voix en lieu de saluer de leurs harquebuzes et en signe de joye de la venue dud. sieur de Bouillon commancerent à chanter psalmes40 jusques à ce que led. sieur de Bouillon fut arrivé et descendu aud. chasteau où il print son logis, lequel fut tout estonné de veoir si grande compaignie en armes41.

Le mesme jour42 les officiers, conseilliers et principaulx bourgeois de lad. ville allerent faire la reverence aud. sieur de Bouillon et parlans par led. procureur et scindicq43 luy remonstrerent et protesterent devant Dieu et les hommes qu'ilz n'avoient esté, n'estoient et ne seroient jamais en autre volonté que de vivre et mourir soubz l'obeissance du roy comme leur prince naturel et souverain seigneur en suyvans en cela les traces de leurs predecesseurs, la fidelité et loyaulté desquelz enves la Couronne de France avoit esté tousjours congneue et experimenté44, se tenans assurez que la majesté du roy ne leur vouldroit commander chose qui peust forcer leurs consciences, disans que ce qu'ilz avoient renforcé la garde ordinaire du guet et portes de la ville n'estoit pour attempter aulcune chose contre son auctorité, mais pour se donner garde de tous aguetz45 et surprinses et la conserver et garder en l'obeissance de Sa Majesté durant sa minorité46 contre la tirannye de ceulx qui, soubz pretexte de religion vouloient pescher en eaue trouble et mectre le royaulme en dangier.

Et quant au faict des ymages abbatues, disoient qu'ilz ne vouloient excuser, et encores moings approuver l'insolence et temerité de ceulx qui avoient commis ce desordre, mais que cela s'estoit faict si soudainement et en moings de deux heures de nuyct par gens incongneuz, qu'il n'avoit esté possible d'y remedier, voire et nonobstant les deffenses faictes au precedent47 par l'auctorité du magistrat48 et les remonstrances dont le ministre49 avoit usé en ses presches publicques pour exhorter ung chacun de n'attempter ung tel faict, louans toutesfois Dieu de ce que par sa providence le cas s'estoit tellement porté qu'il n'en estoit advenu aulcune sedition, effuzion d'une seulle goutte de sang, batterye ne murmure d'homme du monde.

Si supplierent aud. sieur de Bouillon leur vouloir servir de deffense contre les rapportz odieux qu'on pourroit avoir faictz pour les defavorizer envers leur prince, luy qui pour avoir conversé avec eulx et leur avoir commandé continuellement l'espace de demy an durant la guerre derniere des Angloix50, estoit pour tesmoingner leur affection, reverence et naturelle obeissance qu'ilz portoient à la majesté du roy et à ses lieutenans et preposez, luy supplians aussy de leur vouloir laisser pour gouverneur led. sieur de Fors.

Ledit sieur de Bouillon, selon sa naturelle bonté, humanité et faveur accoustumee qu'il a tousjours monstree envers lesd. habitans, leur usa de doulce et gratieuse response. Et après leur avoir loué les graces et vertus que Dieu avoit mises au roy, les exhorta de demeurer en son obeissance, principallement durant sa minorité, et qu'estant parvenu en aage il sçauroit bien remarquer et congnoistre ceulx qui se seroient monstrez envers luy bons et loyaulx serviteurs et subjectz, disant ausd. habitans qu'ilz eussent à luy bailler par escript leurs excuses de ce qui s'estoit faict en lad. ville, et qu'il les feroit entendre au roy, envers lequel il leur serviroit d'escu51 et deffense contre les calumniateurs et malveillans comme il avoit tousjours faict, accordant ausd. habitans leur requeste de leur laisser led. sieur de Fors pour gouverneur.

Le landemain cinquiesme de may52 led. seigneur de Bouillon trouvant maulvais par la persuasion d'aulcuns53 gentilzhommes estans autour de sa personne que durant la nuyct precedente on avoit mis vingt cinq hommes en garde aud. chasteau, combien que led. sieur de Fors s'esforceast de luy oster la maulvaise oppinion qu'il en avoit conceue, disant que c'estoit la garde ordinaire que lesd. habitans faisoient aud. chasteau, partit de ladite ville et s'en alla à Arques54, là où il permist au cappitaine et habitans dud. lieu de prendre trente hommes soldoyez55 des deniers de la recepte ordinaire du roy pour la garde du chasteau dud. lieu pour le doubte qu'ilz disoient avoir de ceulx de la ville de Dieppe.

Le sixiesme du moys56 fut faicte assemblee des manans et habitans de ladite ville pour leur faire entendre le mandement decerné par led. sieur de Bouillon par lequel il estoit enjoinct et commandé ausd. habitans, tant d'une religion que d'aultre, faire guet et porte et faire vuyder tous estrangiers hors de lad. ville et faire publier par les carefours que les bourgeois de lad. ville qui s'estoient absentez eussent à retourner et rentrer en leurs maisons en assurance, sur peyne d'estre privez de leurs privileges, lequel mandement fut le mesme jour publié.

 

Mai 1562. Les protestants dieppois envoient des troupes dans Rouen menacé de siège et affectent l'église Saint-Jacques au culte réformé

 

Le dixiesme dud. moys57 fut mis en deliberation au conseil de lad. ville la requeste faicte par les habitans de Rouen de leur donner secours et ayde pour resister à l'entreprinse de monsieur le duc d'Aumalle58 qui s'estoit achemyné avec son armee pour venir mectre le siege devant lad. ville de Rouen.

Surquoy après avoir entendu la volunté mesmement de mond. sieur de Bouillon estant pour lors à Rouen par luy declaree à deux bourgeois de la ville de Dieppe qu'il avoit mandez à ceste fin, fut conclud qu'il leur seroit envoyé deux cens hommes de pied soubz la conduicte dud. sieur de Rouverey qui estoit la compagnie levee par le cappitaine Valfenieres en intention de l'envoyer à Orleans59 comme il a esté dict. Et fut donné charge aud. cappitaine Valfenieres de faire et dresser60 une autre compagnie de gens de pied, laquelle il feit et composa tant de soldatz des vielles [sic] bandes estans à Calais61 qu'il manda et fit venir en lad. ville, que d'aultres les plus vaillans homme qu'il peust trouver.

Le seizeiesme dud. moys62, veille de la Penthecoste, ceulx de l'eglise reformee prindrent le temple de Saint Jaques63 et commancerent à y faire les presches et aultres exercices de leur religion.

 

Mai 1562. Premières attaques des protestants dieppois contre Arques-la-Bataille et son église. Echec de la tentative d'accord de bon voisinage entre Dieppe et Arques

 

Environ ce temps ceulx d'Arques commancerent à fortiffier et remparer leur temple64 par dedans et y mectre garde de gens armez avec des broches65 et harquebuzes à crocq66, craignans que ceulx de Dieppe n'y allassent pour abbattre les ymages et se deffians mesmes de ceulx de l'eglise dud. lieu d'Arques67, lequelz ilz commancerent à affliger et piller leurs biens, de sorte qu'ilz furent contrainctz se retirer à refuge dedans lad. ville de Dieppe avec ce qu'ilz peurent saulver de leurs biens. Pareillement les soldatz qui avoient esté mis en garnison aud. chasteau d'Arques commancerent à courir par les champs, couper les vivres et empescher qu'on n'en aportast à Dieppe et faire autres actes d'hostilité.

Vray est que aulcuns dud. lieu d'Arques les plus sages et mieulx advisez, prevoyans bien la ruyne qui leur adviendroit de la guerre et inimityé qu'ilz pourroient avoir avec ceulx de Dieppe leur tindrent propos de venir ensemble à quelque bon accord. A quoy ceulx de Dieppe volontairement entendirent, et après en avoir traicté et deliberé et faict plusieurs allees et venues pour cest effect, furent dressez et mis par escript quelques articles de union et concorde contenant en effect et substance que durant ces troubles ilz s'abstiendroient de courir les ungs sur les autres, ne s'entrenuyre, griever ou offenser en maniere quelconque, et que lesd. habitans de Dieppe n'yroient ou envoyroient faire aulcun mal ou dommage au temple dud. lieu d'Arques, parce que pour eviter toute suspition lesd. habitans d'Arques en mectroient hors les forces qui estoient dedans. Bien leur seroit permis d'y mectre des gens durant la nuyct pour prendre garde qu'on n'entreprinst ou attenptast aulcune chose contre led. temple. Se contanteroient aussy de la garde que monseigneur le duc de Bouillon avoit ordonnee pour le chasteau dud. lieu, sans y recepvoir ny mectre autres soldatz ou gens de guerre et feroient rendre à ceulx de l'eglise reformee dud. lieu d'Arques qui s'estoient retirez en lad. ville [de Dieppe] les biens qui leur avoient esté pillez, et leur permectroient de retorner en leurs maisons pour y vivre paisiblement sans aulcun destourbier68 ou empeschement. Ces articles furent accordez et prestz à signer, mais quant ce vint au faire et passer, trois ou quatre des principaulx officiers dud. lieu d'Arques refuzerent à les signer contre ce qu'ilz avoient accordé et permis, de quoy les autres bien marryz69 s'excuserent envers lesd. habitans de Dieppe par lettres qu'ilz leur envoyerent le jour de la Trinité xxiiiie de may oud. an70, auquel jour on avoit faict et celebré la cene71 aud. temple de Saint Jacques.

Le landemain vingt cinq[u]iesme de may72, le cappitaine Valfeniere sortit avant le poinct du jour de lad. ville avec vingt cinq hommes de cheval en intention d'aller aux prairyes dud. lieu d'Arques pour prendre et admener les bestes aumailles73 qui avoient accoustumé d'y pasturer74, et en ce faisant, attirer ceulx d'Arques pour les charger. Lequel fut suivy d'un grand nombre de mariniers et aultres gens de pied de lad. ville, lesquelz ayans esté descouvertz et se voyans frustrez de l'effect de leur entreprinse, allerent contre l'advis dud. Valfenieres jusques aud. lieu d'Arques pour assaillir le temple et yentrer par force là où ilz trouverent forte resistance. Pourquoy manderent à la ville qu'on leur envoyast de l'artillerye, pouldres et bouletz pour battre75 led. temple, ce qui fut faict et leur fut envoyé trois pieces d'artillerye qui furent courageusement traynees par les femmes et approchees dud. temple. Et s'opiniastrerent à le battre jusques vers le soir sans y pouvoir faire bresche. Et cependant par une temerité et folle hardiesse s'exposerent aux coupz d'harquebuzes et de berches76 qui leur estoient tirees par ceulx qui estoient dedans à couvert. Tellement qu'il y eut dix des nostres77 tuez et environ soixante blecez dont il en mourut du depuis quinze. Et ne tuerent que deux ou trois hommes dedans le temple.

Vray est que durant ceste batterye78 tout le peuple du plat pays fut esmeu79 et s'assemblerent plus de deux mil hommes des paroysses circumvoisines80 pour venir au secours de ceulx d'Arques pour empescher lequel secours les gens de cheval qui estoient sortiz de Dieppe estant renforcez jusques à soixante ou soixante dix chevaulx gaignerent la campaigne à grand nombre de gens de pied envoiez de la part de l'eglise de Luneray81. Si coururent après ces paysans, passerent au travers d'eulx et les mirent à vauderoutte82, en tuerent cent ou six vingtz83 et en navrerent84 grand nombre.

Et ce faict, s'en retournerent à Arques pour radmener ceulx de leur compaignye qu'ilz y auroient laissez là où ilz trouverent le seigneur de Fors qui y estoit venu accompaigné de quelque nombre de gens pour faire la retraicte, lequel après avoir faict encores quelque bravade alentour dud. temple s'en retorna faisant ramener l'artillerye et avec luy tous les autres remportans avec eulx trois ou quatre enseignes des compaignyes des paroisses par eulx defaictes.

Et au partir dud. lieu d'Arque y eut ung conseillier de la court de Parlement natif dud. lieu d'Arques regardant par une fenestre d'en hault d'une maison au travers d'une treillye85 qui fut frappé par la teste et mis à mort d'un coup de harquebuze tiré par ung de ceulx de Dieppe qui ne fut congneu. Voylà l'yssue malheureuse d'une entreprinse legierement commancee, mal conduicte et executee, laquelle toutesfois avec le meschief86 qui en advint apporta ce bien à ceulx de Dieppe que de ce jour là les paysans oncques puys87 n'auzerent s'eslever pour donner secours à ceulx d'Arques et faire la guerre à ceulx de Dieppe.

Et voyans ceulx d'Arque que leur temple leur apportoit tant de dommage le quicterent et habandonnerent et se fortiffierent dedans leur chasteau, appelans à leur ayde le sieur de Ricarville pour gouverneur, auquel le sieur d'Aumalle envoya permission pour cest effect et pour lever et mectre dans ledit chasteau tel nombre de soldatz et hargouletz88 qu'il verroit estre requis et necessaire pour la deffence d'icelluy et pour l'envitailler89 aux despens du pays.

 

Mai-juin 1562. Dieppe organise et renforce ses défenses, avec le concours des nombreux réfugiés protestants du pays de Caux et de Picardie

 

D'aultre part les habitans de Dieppe, voians la guerre allumee partout, adviserent à fortiffier leur ville et à mectre la citadelle90 en deffense, laquelle estoit lors aysee à gaigner. Et de ce fut la charge donnee au seigneur de Coudray91, gentilhomme envoyé par monsieur de Senerpont92, continuerent aussy ung fort autresfois commancé sur le Pollet au lieu nommé la Bastille93 soubz la conduicte de Monsieur de Saane94 qui y fit besongner en extreme dilligence.

En quoy lesd. habitans s'employerent continuellement à travailler, remuer terres et porter la hotte, tant hommes que femmes de toutes qualitez jusques aux dames et damoiselles qui n'y espargnerent leur peyne pour monstrer exemple aux aultres.

Et d'aultre costé concluerent de labourer les prairyes prochaines95, y gecter l'eaue de la mer par les escluses de lad. ville pour empescher les approches de ce costé, monterent l'artillerye de lad. ville en grand nombre tant de fer que de fonte, firent amaz et provision de munitions de guerre, oultre ce qu'ilz en avoient, comme de pouldres, bouletz, harquebuzes, picques, corceletz96, morions97 et aultres armes qu'ilz firent apporter, tant d'Angleterre que de Flandres. Et firent apporter d'Angleterre par le congé98 de la royne99 dud. pays deux mil mynes de bled100.

Et si dresserent une compaignie de cinquante chevaulx des gens de la ville dont la conduicte fut baillee au contrerolleur Le Noble101 de lad. ville, avec lequel se joignirent plusieurs gentilzhommes et autres estrangiers qui estoient venuz en lad. ville, oultre une aultre compaignye de semblable nombre d'Escossoys102 entretenue aux despens d'icelle ville.

Et pour fournir à tout ce que dessus s'ayderent de leurs deniers commungs, de l'argenterye des deux temples et d'une partie des cloches, vendirent rentes sur le revenu de la ville, emprunterent deniers et se cottizerent en particulier, de sorte que en six ou sept mois ilz firent despense pour la guerre jusques à plus de soixante mil livres103 oultre le coust, peyne et travail d'un chacun en particulier, tant à s'armer que à besongner104 aux rempars et creuzer les fossez de la citadelle et à faire la garde ordinaire du guet et des portes de la ville que chacun aiant pouvoir105 estoit subject de faire deux foys la sepmaine.

Oultreplus, establirent ung conseil composé de douze106 notables personnages de lad. ville, tous conseilliers et officiers de la maison de ville, officiers de la justice que aultres, lequel fut depuis augmenté de quatre personnes dont seroit chief led. sieur de Fors pour ordonner des affaires qui se presenteroient durant ceste guerre, par l'auctorité duquel conseil furent faictes deffenses à toutes personnes à son de trompe et cric publicq de porter hors de lad. ville aulcuns vins ou aultres vivres, marchandises ne biens quelconques sans le congé dud. conseil.

Et fut faict inventaire des biens des papistes107 qui estoient retirez hors de lad. ville pour les bailler en garde à ceulx qui s'estoient logez en leurs maisons et les rendre en l'estat qu'ilz leur seroient baillez. Or estoient venuz à refuge en lad. ville plusieurs estrangiers fidelles espars par tout le pays, tant hommes que femmes, gentilzhommes, damoiselles et aultres, et mesmes de villes d'Eu108 et de Neufchastel109, pareillement ceulx de l'eglise de la Picardye, comme d'Amyens110, Montereul111, Boulongne112, Conty, Roye, Mondidier113, avec leurs ministres estans jusques au nombre de douze114, lesquelz pour eviter la cruaulté des ennemys tenans la religion contraire-furent contrainctz de quicter et habandonner leurs maisons et heritages après avoir souffert plusieurs opprobres et le ravissement de leurs meubles115 jusques à despouiller plusieurs gentilzfemmes de bonne maison et aultres qui se saulvoient toutes nues en lad. ville, chose pitoyable à veoir, tous lesquelz estrangiers furent accommodez de logis et les pauvres et indigens secouruz, tant des deniers de l'eglise que de l'aumosne publicque et particuliere des gens de bien. Et pour subvenir à telle necessité ceulx de l'eglise d'Anvers116 qui en furent advertiz envoyerent cent escuz117 à l'eglise dud. lieu de Dieppe.

Or fault il recongnoistre la bonté et providence de Dieu en ce que combien qu'on ne vyt jamais la ville tant pleyne de gens qu'elle estoit, et que les officiers d'Arques eussent faict faire deffenses de par le roy par tous les marchez de leur viconté118 d'apporter aulcuns vivres aud. lieu de Dieppe et que les soldatz dud. lieu d'Arques feissent cources119 ordinairement par le pays pour empescher l'apport desd. vivres. Toutesfoys il n'y en eut jamais faulte en leur ville et ne les vyt on passé à longtemps à plus raisonnable pris, et principallement le vin qui ne coustoit que deux solz le pot120 et II s. vi d.121 le meilleur, là où il coustoit quatre solz le pot aud. lieu d'Arques et y en avoit faulte122 par tout le pays circumvoisin, en ce pareillement que la peste qui avoit esté en lad. ville ès annees precedentes et continue jusques à l'hyver prochain precedent123 cessa tout à coup et ne veyd on durant l'esté lors courant aulcune personne mallade de peste ny d'autre malladye en la ville.

 

Juin 1562. Mouvements de troupes entre Dieppe et Rouen

 

Après que monsieur d'Aumalle eut levé son camp de devant le fort du mont Saincte Catherine lez Rouen124 et en fut allé jusques à Moustierviller125 et Herfleu[r], ceulx de Rouen renvoyerent à Dieppe la compaignie de gens de pied qui leur avoit esté envoyee. Et mesmement y arriva le sieur de Lanquetot126 sur la fin du moys de juing127 avec sa compaignye de quatre vingtz chevaulx qui fut payee par lesditz habitans de la somme de dix huict cens livres128 pour demeurer en leur service l'espace d'un moys pour le doubte qu'on avoit de la venue dud. sieur d'Aumalle comme le commun bruict estoit partout qu'il vouloit venir assieger lad. ville de Dieppe.

Et de faict il s'achemyna pour ce faire et print à Fescamp129 quelques canons qu'il fit remonter pour admener avec luy. Et fit on faire forces pains à Arques, Longueuille, Bourg de Dun130 et ailleurs pour la munition131 de son camp. Mais ceulx de lad. ville ne le redoubterent guieres ains132 se preparerent et delibererent de bien le recepvoir et se deffendre et mirent en prison quelques papistes dont ilz avoient desfience, firent faire les monstres133 de tous leurs gens de guerre et aultres, tant habitans de la ville que estrangiers portans armes et mesmes de ceulx de l'esglise de Lunerey134 qui s'estoient retirez en lad. ville avec ce qu'ilz avoient peu admener et apporter de leurs bestiaux, grains et autres biens, et au surplus donnans ordre à ce qui estoit requis et necessaire.

Et le jour que les monstres se faisoient vindrent deux hommes en lad. ville envoyez de la part du sieur d'Aumalle vers led. sieur de Lanquetot pour le praticquer135 par belles promesses, mais il leur fist responce qu'il n'estoit si meschant136 qu'ilz pensoient et que s'ilz voulloient attendre la veue desd. monstres ilz verroient de quelles armes il estoit deliberé de combattre led. sieur d'Aumalle pour luy en faire rapport.

Toutesfois, la grace à Dieu, lesd. habitans ne furent en ceste peyne de soustenir le siege, ains en furent delivrez sans leur faict et comme par miracle parce que comme led. sieur d'Aumalle estoit à Pavilly ou Barantin137 pour venir le landemain à Arques, là où on avoit desjà faict ses logis, sur l'issue de son souper, estant encores à table, luy vindrent nouvelles que ceulx de Rouen estoient sortiz et tenoient le Pont de l'Arche138 assiegé qui estoit le lieu de sa retraicte139, pourquoy se deportant de son entreprinse partyt tout souldain et s'en alla toute la nuyct pour secourir ledit Pont de l'Arche, tout ainsy que Saul poursuyvant David au desert de Maon et le tenant assiegé à l'entour d'une montagne aiant receu nouvelle que les Philistins s'estoient espanduz et gectez sur son pays, se desista de sa poursuitte pour aller au devant desd. Philistins140.

Le sieur de Lanquetot aiant entendu que led. sieur d'Aumalle avoit torné bride pour retorner vers Rouen, se doubtant bien que de rechief il y yroit mectre le siege devant icelle ville, appella le conseil de la ville de Dieppe et remonstra que son honneur luy commandoit de retorner à Rouen pour raison de la charge qui luy avoit esté donnee en icelle ville, mais quant à sa compaignie s'il plaisoit à ceulx de Dieppe la retenir elle estoit à eulx pour ung moys puysqu'ilz l'avoient payee. Le conseil, veu la mutuelle obligation des deux villes qui combattoient pour une cause commune, ne feist difficulté de laisser aller lad. compaignie avec led. sieur de Lanquetot.

Qui plus est, après que led. sieur d'Aumalle pour la seconde fois eut mis le siege devant Rouen, les habitans de Dieppe estans requis par ceulx qui estoient dedans Rouen, redoubtans ceste venue plus que la premiere pour ce que led. sieur d'Aumalle avoit augmenté ses forces et admené grand nombre de danrés, pouldres, bouletz et aultres munitions, leur envoyerent toutes leurs deux compaignies pour les secourir, esperans pareil secours d'eulx si la necessité se presentoit. Et voyant qu'il n'y leur restoit que les deux compaignyes de gens de cheval, firent lever et dresser une autre compaignie de gens de pied, dont la conduicte fut baillee au cappitaine Montlandrin141.

 

Juin ou juillet 1562. Escarmouche de Falencourt

 

Durant ce siege vint advertissement de Calais que le cappitaine Guyon estant au camp avec monsieur d'Aumalle avoit envoyé querir des armes en l[a]dite ville de Calais, pour raison de quoy les gens de cheval de lad. ville le [laissé en blanc] jour de juillet142 feirent sortye pour aller au devant et les prendre. Et après avoir chevauché ung jour et une nuyct et s'estre enquis d'un costé et d'autre du passage desd. armes, feirent tant qu'ilz les surprindrent par une nuyct en une hostelerye de Falencourt143 estant sur le chemin à huict ou dix lieues de Dieppe144, là où ilz trouverent neuf soldatz qui avoient charge de conduyre lesd. armes, dont les [sic] cinq se saulverent et les autres furent prins et admenez à Dieppe avec trois charettes chargees de cinquante deux corceletz completz145, vingt six moryons et de quelque nombre de harquebuzes et picques outre les harquebuzes desd. soldatz, qui fut une belle prinse.

Et le jour mesme une compaignie desd. gens de cheval qui estoient allez d'un autre costé trouverent sur le chemyn le lieutenant de la compaignie d'hommes d'armes du sieur de Villebon146 monté sur une hacquenee147 et accompaigné de ses grandz chevaulx, lequel aiant apperceu courir après luy lesd. gens de cheval descendyt de dessus sad. hacquenee, monta sur ung de ses grandz148 chevaulx et se saulva de vitesse quictant ses autres chevaulx et hacquenee qui furent prins et admenez à Dieppe.

 

23 juillet 1562. Expédition des Dieppois contre le Tréport

 

Après ce que led. sieur d'Aumalle eut levé led. siege sans avoir peu rien gaigner ains avoit souffert grande perte de ses gens, lesd. cappitaines de Rouverey et Valfenieres retournerent à Dieppe avec leurs compaignies, dont ilz avoient perdu grand nombre de bons soldatz qui avoient esté tuez aud. siege, lequel retour fut le xxie juillet oud. an149, et ne furent guieres en repos.

Car après avoir entendu que ceulx du Tresport150 avoient arresté quelques pouldres à canon que l'on apportoit d'Angleterre aud. lieu de Dieppe, ilz partirent avec leurs compaignies le xxiiie dud. mois151 ensemble cent ou vixx hommes152 de cheval pour aller aud. lieu du Tresport distant de sept lieues dud. lieu de Dieppe. Et aiant trouvé que lesd. pouldres avoient esté portees en la ville d'Eu estant à demye lieue153 loing dudit Tresport, s'en retornerent après avoir pillé l'abbaye dud. lieu de Tresport154 et abbattu les ymages estans en icelle et depuis ceulx de la ville d'Eu estans sommez et requis par ceulx de Dieppe rendirent lesd. pouldres à ceulx qui les avoient chargees en Angleterre pour les apporter par deça.

 

2 août 1562. Expédition des Dieppois contre Cany-Barville, escarmouche et pillage de Veules-les-Roses

 

Le second jour d'aoust155 lesd. compaignies et plusieurs habitans de lad. ville, tant à cheval que à pied, sortirent pour faire quelque enterprinse sur le bourg de Cany156, ung des sieges royaulx du baillage de Caux157 estant à sept lieues loing de Dieppe pour ce que ceulx dud. lieu de Cany entre les autres s'estoient appertement declarez ennemys mortelz des fidelles158.

Mais telle enterprinse fut empeschee par ceulx de Veulles et de Sainct Valery en Caux159 prochains dud. Cany, ce qui reus[s]yst à leur grand dommage et confusion car aians concité160 tous les villages circumvoisins pour se mectre en armes, amasserent bien jusques à deux mil hommes pour faire teste aux nostres. Mais ilz furent incontinant mis à vauderoutte par vingt cinq avantcoureurs161 des nostres, dont y en demeura ung qui fut tué et s'estant la pluspart de leur compaignye retiree vers la falaize et coste de la mer, y en eut plusieurs lesquelz de craincte de tumber ès mains des nostres se precipiterent de hault en bas de la falaise, dont les ungs furent tuez et les autres bien blecez162. Et les principaulx d'entre eulx furent admenez prisonniers à Dieppe et led. bourg de Veulles pillé par les nostres et les ymages de leurs moustiers abbattuz et mesmes des autres villages par où ilz passerent.

Par ce moyen fut rompue l'entreprinse d'aller aud. lieu de Cany, mais ceulx dud. lieu n'y gaignerent que l'attente de la punition et vengeance qu'ilz avoient merité des tortz et oultrages par eulx faictz aux fidelles. Car peu de temps après les nostres y retornerent et rav[a]gerent tellement led. bourg qu'il ne demeura rien des meubles qui peuvent estre rapportez sans charroy163, et y fut tué l'advocat du roy164 aud. siege.

 

12 août 1562. Deuxième expédition des Dieppois contre Arques-la-Bataille. Escarmouche de Martin-Eglise et d'Archelles

 

Le douziesme dud. mois d'aoust165 le cappitaine Rouverey estant sorty avec quelque nombre de soldatz trouva moien d'attirer les soldatz d'Arques jusques à Martin Eglise, village prochain166 où led. de Rouveray avoit faict une embuscade là où lesd. Arquoys furent si bien frottez et poursuyviz jusques à Archelles167 qu'il y en demeura cinq de mortz sur la place, du nombre desquelz estoit le cappitaine Lalande168, lieutenant dud. sieur de Ricarville audit chasteau d'Arques, et quelques prins dont y en mourut deux puys après sans y avoir eu des nostres aulcun mort ne blecé.

 

14 août 1562. Troisième expédition des Dieppois contre Arques-la-Bataille

 

Le xiiiie dud. mois d'aoust169, la compaignye d'hommes d'armes de monsieur d'Aumalle arriva aud. bourg d'Arques pour conduyre les deniers de la recepte des tailles comme l'on disoit, dont les nostres, advertiz, delibererent de les aller trouver et partirent sur la mynuict, estans bien jusques au nombre de huict cens hommes, tant de pied que de cheval, aians tous la chemise vestue par dessus leurs armes, dont l'infanterye tint le chemyn d'en bas et la cavallerye le chemyn d'en hault170, pensans par ce moien surprendre lesd. hommes d'armes et les enclore dedans led. bourg.

Mais estans lesd. hommes d'armes advertiz par signes de feu que noz ennemyz domesticques firent171, dedans la ville, sortirent hors du bourg attendans noz gens de cheval au passage, lesquelz ilz chargerent et en myrent aulcuns en fuytte, les autres courageusement passerent au travers d'eulx et en blesserent plusieurs de leurs pistolles. Mais il y eut cinq des nostres tuez et n'y en demeura qu'un d'entre eulx que l'on disoit apartenir de paranté ou affinité à monsieur de Guyse dont le cheval fut admené à Dieppe. Cependant nostre infanterye qui n'avoit congnoissance de lad. rencontre172 feit quelque ravage aud. bourg.

 

Août 1562. Les Dieppois appellent la reine d'Angleterre à l'aide. Elle envoie des troupes. On chasse des catholiques de la ville

 

Environ ce temps173 led. sieur de Fors estant mallade d'une jambe assembla au chasteau le conseil de la ville et quarante ou cinquante des principaulx bourgeois, ausquelz il proposa qu'il avoit entendu de bonne part les desseings du sieur de Guyse de venir mectre le siege devant Rouen, où il admeneroit toutes les forces du roy, et lequel mesme il y feroit venir en personne avec la royne sa mere et le roy de Navarre174 pour se couvrir de leur manteau comme il avoit faict jusques alors en toutes ses entreprinses et que son intention estoit de venir jusques devant Dieppe fust devant ou après.

Parquoy175 estoit besoing ausd. habitans de pourveoir à leurs affaires et bien considerer que leurs forces n'estoient suffisantes pour resister au camp du roy sans le secours d'aultruy, et qu'il ne failloit esperer le secours de monsieur le Prince176 pour ce que son armee ne seroit de longtemps preste de se mectre en campaigne, qu'ilz eussent doncq à adviser s'ilz vouldroient pas bien requerir l'ayde de la royne d'Angleterre, tant de gens que d'argent, et luy envoyer marchandises de la ville pour assurance de l'argent qu'elle leur pouvoit prester à leur necessité plustost que s'abandonner en proye à ung si cruel ennemy que led. sieur de Guyse, duquel ilz ne debvoient attendre ny esperer aulcun mercy177.

 Ce propos estonna fort lesd. habitans, lesquelz neantmoings demeurerent fermes en ceste oppinion d'attendre plustost ce qu'il plairoyt à Dieu leur envoyer que d'appeller les Angloyx à leur ayde pour les introduire à leur ville, de paour178 qu'ilz ne demeurassent maistres de la ville pour la perpetuelle reproche que lesd. habitans en pourroient encourir, eulx et leur posterité. Bien furent d'advis de demander ayde à la royne d'Angleterre de toutes les commoditez qu'ilz pourroient avoir de son pays, et qu'on y envoiast des marchandises de la ville pour sur icelles recouvrer de l'argent et luy supplier que son bon plaisir fust leur donner seur avres179 et lieu de refuge en son royaulme si les choses succedoient si mal pour eulx qu'ilz fussent contrainctz de s'y retirer.180

Or il estoit assez congneu partout que monsieur le vidame de Chartres181 estoit passé en Angleterre pour demander secours à la royne dud. pays pour monseigneur le prince, laquelle royne envoya en France une protestation par elle faicte touchant le secours qu'elle avoit deliberé d'envoyer, et fut icelle protestation premierement envoyee aud. lieu de Dieppe et leue devant le peuple en plaine assemblé de ville.

Pareillement vindrent devant Dieppe trois grandes roberges182 d'Angleterre et ung flouyn183 qui poserent l'ancre à la radde, dedans l'une desquelles roberges estoit le visadmiral d'Angleterre184 qui descendyt à Dieppe et fut honnorablement receu et festoyé par le sieur de Fors et aulcuns habitans de la ville.

Et pour ce que les cappitaines Rouvray et Valfenieres tindrent quelque propos avec monsieur de Morvillier185 passant par Dieppe et qui naguieres avoit commandé à Rouen, et avec monsieur de Gamaches186 qu'on ne debvoit recepvoir lesd. Angloix en la ville de Dieppe pour craincte qu'ilz ne la voulsissent tenir par force, et qu'il n'y eut moien de les mectre dehors, led. sieur de Fors adverty de telz propos, et auquel aussy les hayneux et malveuillans desd. Rouverey et Valfenieres avoient faulcement donné à entendre qu'ilz brassoient quelque trahison contre la ville les feit constituer prisonniers aud. chasteau le vingt neufiesme dud. moys d'aoust187, et ne fut ce jour là permis à leurs compaignyes de sortir hors du logis.

Et pour ceste cause les bourgeois de la ville renforcerent la garde et firent pendre la nuyct des lanternes aux fenestres des maisons pour donner clarté aux rues. Et depuis furent leurs compaignyes baillees à conduyre au cappitaine Monlandrin et au cappitaine Couldray188. Mais Dieu voulust qu'avec le temps leur innocence fut congneue.

 Le xxve d'aoust189, aulcuns papistes les plus suspectz furent chassez de la ville, leur permectans emporter leurs biens qui ne pouvoient servir durant ung siege et retenans les autres par bon inventaire, dont y en eut plusieurs qui revindrent, promectans vivre et mourir avec les autres pour la deffense de la ville, et aulcuns d'eulx firent profession de l'Evangile190. Mais la fin a demonstré en la pluspart que ce n'estoit que par ypocrisie.

 

17 septembre 1562. Quatrième combat à d'Arques-la-Bataille, incendie et pillage de l'église et du bourg

 

Le xviie de septembre191 la compaignye de cent hommes de cheval naguieres dressee par le sieur de Belleville192 fut rencontree par les nostres au dessus d'Arques193, laquelle pour son coup d'essay y faict assez mal son prouffict, car il y en eut quinze de lad. compaignie tuez, et Adrian Le Conte194, ennemy juré de l'Evangile qui s'estoit retiré de Dieppe aud. lieu d'Arques et ung sien oncle prins et admenez prisonniers et le reste vivement et de si près chassé et poursuivy par les nostres jusques sur le pont du chasteau d'Arques que peu s'en faillut qu'ilz n'entrassent pelle mesle dedans led. chasteau où lad. compaignye feit sa retraicte sans qu'il y eust ung seul des nostres tué en lad. rencontre.

Le landemain195 sortyt grand nombre de soldatz et habitans d'icelle ville pour aller à Arques querir et apporter dedans les basteaux qu'ilz firent mener pour cest effect le boys à brusler estant aux rives dud. lieu, auquel voyage ilz mirent le feu au comble du moustier196 dud. lieu fort somptueuz et magnificque197, lequel comble fut entierement bruslé, les ymages dud. moustier abbattuz et les vittres belles et riches toutes brisees et cassees. Et si myrent le feu à la porte du belle198, qui s'estendyt jusques à quelques maisons prochaynes qui en furent bruslees. Et ne laisserent rien aud. bourg de tous les meubles qu'ilz y trouverent, faisans par ce moien la vengeance de la perte des nostres advenue au premier assault dud. moustier dont a esté parlé cy dessus.

 

Septembre-octobre 1562. Nouveaux mouvements de troupes entre Dieppe et Rouen assiégé et nouvelle arrivée de troupes anglaises à Dieppe

 

Plusieurs autres sortyes et cources furent faictes par les nostres, jusques à cinq et six lieues à l'environ de Dieppe199, tant pour faire despendre les cloches des moustiers que autrement endommager noz ennemys. En quoy faisant fut estroictement deffendu de ne mesfaire aulcunz en corps ny en biens aux laboureurs qui n'avoient prins les armes contre nous. Et si les soldatz s'estoient aulcunesfoys desbordez à leur faire tort, il leur en estoit faict raison et justice. Et à ceste fin furent commis trois personnages du conseil pour recepvoir les plainctes qui en seroient faictes, ouyr les partyes et en faire rapport aud. conseil.

Le dernier jour dud. moys de septembre200 qui fut tost après led. siege mis par monsieur de Guyse devant la ville de Rouen, là où le roy estoit venu en personne avec la royne sa mere, le roy de Navarre et monsieur le connestable, lesd. cappitaines Rouverey et Valfenieres furent delivrez et mis hors de prison au moyen de la poursuitte que firent le cappitaine Gordes et le cappitaine Mouvins201 estans venuz exprès pour cest effect de lad. ville de Rouen.

Et le mesme jour partirent tous sur les dix heures du soir avec monsieur de Briquemault202 estant lors à Dieppe où il estoit venu de Rouen, et une compaignye de gens de cheval dud. lieu de Dieppe pour aller secourir ceulx de Rouen, et menans avec eulx des chevaulx chargez de pouldre à canon. Mais le landemain led. sieur de Bricquemault retorna avec quelques gens de cheval qui s'estoient escartez pour l'obscurité de la nuyct, lequel sieur de Bricquemault peu de temps après se fyt porter dans ung basteau au Havre de Grace203.

Le tiers jour d'octobre204 arriverent à Dieppe trois compaignyes d'Angloix estans jusques au nombre de cinq à six cens205, fort bien armez et en bon equipage206, envoyez par la royne d'Angleterre à la poursuitte des deputez de monsieur le Prince207 pour secourir les fidelles estans en lad. ville, lesquelz furent receuz par le sieur de Fors par le consentement des habitans de la ville voyans l'extreme et urgente necessité et qu'ilz auroient bien le moyen de s'en desfaire et les mectre hors quant le temps le requerroit, parce qu'ilz ne leur permirent se saisir des fortz de lad. ville.

Et le landemain208 fut faicte la cene au temple Saint Jacques en grand nombre de personnes, où assisterent les cappitaines angloix, ausquelz fut faict ung bancquet honnorable en la maison de ville.

Du depuys on envoya au secours de Rouen deux cens hommes de pied choysiz sur les compaignies dud. lieu de Dieppe avec la compaignie d'Escossoys estant à cheval et six vingtz209 harquebuziers à pied des vielles bandes d'Escosse qui naguieres s'estoient desrobez de leur pays et estoient venuz à Dieppe.

 

Octobre 1562. Escarmouches autour de Dieppe avec des contingents de l'armée royale

 

Durant ce siege sept à huict cens reistres210 de la compaignie du comte de Raingrave211 estoient ès environs de Dieppe, pillans aussy bien le papiste que le huguenot212, et n'aprocherent jamais de Dieppe sans estre escarmouchez, et lesquelz se monstrerent le xve jour dud. mois d'octobre213 assez près du fort de la citadelle, ausquelz on tira plusieurs coups d'artillerye. Et lors sortirent quelques Ecossoys à cheval avec leurs lances legieres pour les escarmoucher et quelque nombre de soldatz, tant françoys que angloix, et ung Escossoys. Et d'une part et d'aultre y en eut plusieurs blecez et deux chevaulx desd. reistres furent trouvez mortz sur la place où avoit esté donnee l'escarmouche.

En ce temps aussy le sieur d'Annebault214 estoit logé aux champs pres lad. ville avec sa compaignie d'hommes d'armes, et alla led. sieur d'Annebault à la source de nostre fontaine215, dont il couppa ung cahot216 ou canal pour nous oster la commodité de l'eaue venant à lad. ville. Mais Dieu voulut que, pensant qu'il n'y eust qu'un cahot, il laissa le second en son entier217, qui nous fournist d'eaue à suffisance.

 

17 octobre 1562. Défaite près de Pavilly de troupes de secours dieppoises envoyés au secours de Rouen

 

Le xviie d'octobre218 lesd. habitans, advertiz de la necessié de ceulx de Rouen qui avoient perdu grand nombre de bons soldatz et gens de bien durant ce siege leur envoyerent pour le dernier secours qu'ilz leur pouvoient deux compaignies de gens de pied qui leur restoient, dont estoient cappitaines le sieur du Couldray et le sieur de Monlandrin, lesquelz partirent sur les dix heures du soir mais furent rencontrez près des boys de Pavilly à deux ou trois lieues de Rouen219 par la compaignye de monsieur de Danville220 bien informé de leur venue.

Et y eut grand nombre desd. soldatz taillez en pieces, autres prins prisonniers, tant par ceulx du camp que par les paysans, et les autres mis en fuytte qui eschaperent avec leurs cappitaines et revindrent à Dieppe quasi tous devalisez par lesd. paysans, et furent revestuz aux despens de la ville en laquelle rencontre furent prins trois ministres qui estoient partiz de Dieppe avec lesd. compaignyes, dont l'un eschappa. Puys après ung autre nommé Maistre Euvrard, qui avoit esté aultrefoys ministre pour les Françoys en l'eglise de Londres et du depuis en l'eglise d'Amyens fut gecté et noyé dedans une revyere et quant à l'aultre on n'a peu sçavoir comme il est mort.

 

Fin d'octobre 1562. Négociations des Dieppois avec le pouvoir royal

 

Le xxiie jour d'octobre221, le sieur de Bois d'Ennebourg222, accompaigné d'un aultre gentilhomme et d'un trompette du chasteau d'Arques arriva à la porte de la ville, demandant à parlemanter avec les habitans d'icelle, disant estre envoyé de la part de la royne mere avec lettres de creance. Surquoy par l'advis et deliberation du conseil, le sieur de Fors avec aulcuns dud. conseil et les cappitaines angloix sortirent hors de lad. ville pour ouyr ledit sieur de Bois d'Ennebourg en sa creance, dont le jour mesme fut faict rapport par led. sieur de Fors en assemblee generalle desd. habitans, qui estoit que ladite dame demandoit ausd. sieur de Fors et habitans de lad. ville qu'ilz eussent à rendre lad. ville ès mains du roy, leur offrant en ce faisant les conditions accordees par led. seigneur à ceulx de Rouen, dont il portoit le coppye, pareilles comme il disoit à celles de Bourges223, disant que ceulx de Rouen estoient prestz de les accepter.

Surpuoy après avoir ouy le sieur de Hermesey224, chef des compaignies angloises, lequel remonstra qu'il n'avoit esté envoyé de la part de la royne sa maistresse que pour la deffense desd. habitans [de Dieppe] et qu'il ne les voulloit empescher d'adviser à leurs affaires et pourveoir à leur salut, mais prioyt qu'on l'advertist de bonne heure si on vouloit faire aulcun accord touchant la reddition de lad. ville affin que saulvement225 il se peust retirer avec ses compaignyes. Surquoy fut conclud d'envoyer le procureur de lad. ville par devers lad. dame en la compaignye dud. sieur de Bois d'Ennebourg, à laquelle dame après luy avoir remonstré la fidelité et obeyssance desd. habitans, il supplioyt luy donner le sauf conduict pour entrer en la ville de Rouen pour entendre si ceulx de lad. ville estoient prestz de composer et accepter lesd. conditions, en quoy faisant et non autrement il les accepteroit. Et suyvant ceste resolution, après avoir accordé avec led. sieur de Bois d'Ennebourg qu'il laisseroit pour hostage en lad. ville le gentilhomme admené avec luy, led. procureur partyt pour aller par devers lad. dame estant au camp devant Rouen, luy portant lettres dud. sieur de Fors.

Et après qu'il les eut presentees à lad. dame elle luy refuza sauf conduict d'entrer à Rouen et luy remonstra que ceulx de Dieppe ne se debvoient abuzer sur une vaine fience qu'ilz avoient en ceulx de Rouen, et qu'ilz se donnassent bien garde de s'opiniastrer226 comme eulx s'ilz aymoient leurs vyes et celles de leurs femmes et enffans, et qu'ilz verroient bientost de quoy avoit servy à ceulx de Rouen leur opiniastreté, et que si ceulx de Dieppe refuzoient maintenant d'accepter les conditions à eulx offertes, qu'ilz n'esperassent d'y retorner après. Et atant renvoya led. procureur et led. sieur du Bois d'Ennebourg avec lettres addressees ausd. habitans dont la teneur s'ensuyt :

 

« Messieurs, aiant entendu par vostre procureur de ville la bonne volunté que vous avez de rendre au roy monsieur mon filz l'obeissance que vous luy debvez, je ne vous veulx celer que j'en ay receu ung grand contantement, mais pour ce qu'il fault venir promptement à l'effect et execution de voz parolles, je vous envoye le double de la capitulation faicte avec ceulx de Bourges pour la reddition de lad. ville ès mains du roy mond. sieur et filz, suyvant laquelle il fault que vous luy rendiez lad. ville de Dieppe, monstrans en cela combien vous luy estes obeissans et fidelles subjectz et serviteurs et que vous ne voulez poinct perdre l'heureux repos et les grandz privileges227 et libertez dont vous avez jouy soubz l'obeissance de ceste Couronne pour vous asservir miserablement soubz la puissance de l'estrangier et mectre en proye les vyes et les biens de vous, voz femmes et voz enffans, chose que vous regarderez de mectre en consideration affin de vous laisser plustost persuader de la raison et de ce qui est du debvoir de vostre fidelité que de la passion de ceulx qui pour servir à leurs particulieres ambitions ne cherchent que de vous mectre au peril et hazard de vostre ruyne. Et sur ce, Messieurs, je prie Dieu qu'il vous ayt en sa très saincte garde. Escript au camp près Rouen le xxie d'octobre 1562. ».

 

A laquelle lettre lesdictz habitans donnerent response qui fut portee par ledit sieur du Bois d'Ennebourg telle que ensuyt :

 

« Madame, nous vous avons faict suffisamment entendre que nous tous n'avons esté, ne sommes et ne serons jamais en autre volunté que de vivre et mourir au service et obeissance du roy comme nostre prince naturel et souverain seigneur ordonné de Dieu pour nous commander, et sçavons bien que la ville de Dieppe luy apartient, et l'avons tousjours gardee comme ses predecesseurs roys se sont fiez à nous de la garder et esperons encores la garder pour luy et soubz son auctorité comme ses très humbles et loyaulx subjectz. Et n'est poinct nostre intention ny ne sera jamais de nous asservir à ung estrangier pour nous destorner de la subjection de nostre prince naturel. Parquoy, Madame, nous vous supplions très humblement de vous assurer sur nostre fidelité et croyre que ce que nous faisons n'est poinct pour prendre les armes ny user de rebellion contre nostre roy, mais seullement pour conserver sa ville soubz son obeissance principallement devant sa minorité et au temps que nous voyons noz biens et noz vyes exposez en proye si nous nous soubzmectons à la mercy de ceulx qui contreviennent aux edictz du roy suyvant lesquelz nous desirons estre maintenuz et conservez en la protection et sauvegarde du roy et de vous, Madame. De Dieppe, le xxiiiie d'octobre228. »

 

Les piteuses nouvelles de la prinse de Rouen advenue le xxvie dud. moys et du sac d'icelle229 estonnerent fort les habitans de ladite ville de Dieppe, se voyans d'un costé destituez de leurs freres qu'ilz avoient envoyees [sic] à Rouen et ne leur rester que bien peu de soldatz avec les Angloix ausquelz ilz n'avoient pas trop de fience, et d'aultre costé estans hors d'espoir du secours opportun de monsieur le prince de Condé veu les lettres que mond. sieur l'Admiral avoit naguieres escriptes aud. sieur de Fors que l'armee de monsieur le Prince n'estoit encore prestes de se mectre en campaigne.

Et pour ce que le bruict vint soubdainement que l'artillerye du roy marchoit pour venir assieger lad. ville et que tout à coup arriva led. sieur de Bois d'Ennebourg avec ung trompette pour sommer lesd. habitans de rendre la ville au roy fut tenu conseil en la presence des cappitaines, tant angloix que autres, et aulcuns gentilzhommes s'estans retirez en lad. ville pour sçavoir qu'il estoit de faire et si on attendroit le siege. Et après avoir eu l'advis desd. cappitaines et gentilzhommes et autres gens de guerre qui dirent que lad. ville estant aussy desgarnye qu'elle estoit n'estoit pour resister au camp du roy, fut conclud de renvoyer ledit procureur de ville par devers la royne avec le sieur de Saint Pierre230, gentilhomme esleu d'entre les autres pour accorder et mectre la ville ès mains du roy et faire retirer les Angloix moyennant les conditions par cy devant offertes, et par ce qu'il plairoit à Sa Majesté leur octroyer qu'ilz puissent continuer librement la predication de l'Evangille et aultres exercices de leur religion.

Et vint bien à propos que le sieur de Basqueville231 arriva en lad. ville le jour de lad. deliberation, estant envoyé de la part de la royne pour exhorter lesd. habitans de n'attendre le peril evident qui les menassoit s'ilz attendoient la venue du camp du roy, lequel sieur de la Basqueville voulut bien tant faire pour eulx qu'il s'en alla avec les deleguez de lad. ville et avec led. sieur de Bois d'Ennebourg pour leur ayder envers la royne à impetrer232 ce qu'ilz demandoient. Si partirent tous ensemble et presenterent au roy les articles qui ensuyvent en forme de requeste :

 

« Les habitans de la ville de Dieppe supplient très humblement au roy de les advouer et tenir pour bons et loyaulx subjectz et très obeissans serviteurs de Sa Majesté, comme de leur part ilz protestent devant Dieu et les hommes qu'ilz n'ont jamais esté, ne sont et ne seront en autre volunté que de vivre et mourir en son service avec telle fidelité, reverence et obeissance que vrayz subjectz doibvent à leur roy et prince naturel, lequel ilz recongnoissent et ont tousjours recongneu pour leur souverain magistrat233 à eulx ordonné de la main de Dieu.

 Qu'il plaise aud. seigneur declarer qu'il a tenu et tient lad. ville, manans et habitans d'icelle en sa protection et sauvegarde, leur donnant seurté et promesse de les conserver en leurs corps et biens avec jouyssance de leurs privileges sans aulcunement les rechercher ny forcer la liberté de leurs consciences pour le faict de la religion et exercice d'icelle, tant du passé que de l'advenir. Et affin de les mieux contenir en l'honneur et craincte de Dieu et obeissance du roy, qu'ilz puissent ouyr la predication de l'Evangille par ung ministre suyvant qu'il a pleu au roy et à son Conseil le permectre par les edictz qui ont esté publiez et passez par les parlementz.

Que led. seigneur desclare qu'il ne veult ne entend que l'on impute aulcune chose aux gouverneurs, conseilliers, officiers de la justice et aultres manans et habitans de lad. ville de quelque qualité et condition qu'ilz soient à cause des troubles de la religion, soit pour portz d'armes ou autres actions generallement quelconques qu'on leur vouldroit reprocher pour le passé en quelque sorte ou maniere que ce soit et sans qu'ilz soient comprins aux arretz de la court ny quelconques edictz du roy faictz par cy devant ne qu'il leur soit besoing obtenir autre plus specialle ne particuliere declaration.

Que les gentilzhommes et aultres subjectz du roy, soient [sic] officiers de Sa Majesté ou d'autre qualité, [qui se sont]234 retirez en lad. ville comme à refuge pour la seurté de leurs personnes, soient traictez de mesme faveur et protection sans estre forcez en leurs consciences ny troublez pour l'exercice de la religion, et que les vouloir et declaration du roy soient publiez en lad. ville et par tout le baillage de Caux, avec deffense de plus faire aulcunes aggressions, cources, pilleryes, seditions, meurtres, oultrages, ny quelconques actes de guerre pour le faict de la religion, sur peyne de la vye. Et qu'il plaise au roy donner temps de faire vuyder les Angloix estans en lad. ville. »

 

Au dessoubz desquelz articles fut escript l'accord du roy tel que ensuyt :

 

« Le roy accorde le contenu en la presente requeste, reservé les presches que Sa Majesté n'entend plus avoir lieu en son royaulme en autre forme que celle qui s'observe en son eglise. Bien vivront ilz en liberté de conscience en leurs maisons sans estre aulcunement recherchez.

 Et quant à la retraicte des Angloix elle235 entend qu'elle se face dedans dymanche236 pour tout le jour, et au demeurant entend avoir la response resolue desd. habitans pour tout demain affin que le landemain elle puisse depescher en la ville et citadelle dud. Dieppe monsieur le Mareschal de Montmorancy237 qui s'y achemynera cependant238. Faict à Rouen le penultime239 d'octobre 1562. » Sygné Charles, et plus bas Bourdin240.

 

Le landemain, dernier jour d'octobre241, lesd. articles ainsy accordez furent apportez et presentez ausdictz habitans par led. sieur de Basqueville avec lettres de la royne baillees aud. procureur de ville dont la teneur ensuyt :

 

« Messieurs, je vous renvoye ce porteur242 avec la resolution que le roy monsieur mon filz a prinse sur le contenu ès articles qu'il luy a presentez et les remonstrances243 qu'il luy a faictes de vostre part. En quoy vous verrez que sa bonté s'est si avant estendue que vous aurez grande occasion d'en louer Dieu et de recongnoistre par une prompte et humble obeissance la grace dont le roy mond. sieur et filz use envers vous en cest endroict, laquelle, pour l'amityé que je vous porte, et le desir que j'ay à vostre conservation, je vous prie vouloir accepter et ne vous laisser persuader de ceulx qui ne cherchent que vostre ruyne et perdition. Car quant à la seurté qui vous est accordee par lesd. articles, je la vous feray expedier telle qu'elle vous sera necessaire, et jusques à la faire emologuer244 par la court de Parlement ainsy que je l'ay dict à ce porteur. Priant Dieu, Messieurs, qu'il vous ayt en sa saincte garde. Escript à Rouen le penultime octobre 1562. »

 

Lesquelz habitans, avec ung merveilleuz regret et deplaisir de ce que les presches leur estoient deffenduz, voyans que leur reffuz ou resistance ne prouffiteroit de riens et en esperance qu'avec le temps, par la grace de Dieu, elles245 leur seroient restituees, signerent lesd. articles qui furent renvoyez au roy, lequel d'habondant246 accorda ausd. habitans autres articles qui ensuyvent :

 

« Premierement, que les cappitaines et soldatz, gentilzhommes et autres, tant de la ville de Neufchastel que des environs de Dieppe, et mesmes aulcuns bourgeois de la ville d'Eu qui ont esté à Dieppe pour la deffense d'icelle et porté les armes, tant en lad. ville que aillieurs, depuis le commancement de ces troubles, sont comprins et entenduz audit traicté et accord, encores que aulcuns d'eulx se fussent trouvez au premier siege de Rouen et que le roy leur permect avec toute seureté eulx retirer en leurs maisons avec mainlevee247 de leurs biens et heritages et sans les troubler ne molester en leurs personnes et biens et permis aux gentilzhommes de porter pistolles248 pour resister aux volleurs qui les vouldront offenser et pour le service du roy sans en abuser.

Item, affin d'eviter le trouble et confuzion qui adviendroit entre le peuple avec une infinité de procès et aultant de querelles et vengeances particulieres, il a pleu au roy mectre soubz le pied et abolir la memoire de toutes pilleryes et cources faictes les ungs sur les autres, et des brisementz de temples, bruslementz, abbattementz d'ymages, et enlevement de cloches et ornementz, et que l'on n'en puisse susciter aulcun procès ne chercher recompance de part ou d'aultre ny satisfaction ou reparation des meurtres et oultrages qui ont esté faictz de tous costez.

Item, led. sieur249 a declaré, voulu et ordonné que les fraiz et mises que ladite ville a faictz durant ces troubles pour la deffense, fortiffications, munitions et reparations d'icelles soient passez et allouez en la Chambre des comptes sur les deniers de lad. ville avec commission pour le tout visiter et apprecier, ensemble examiner la declaration et compte desd. fraiz.

Tous lesquelz articles ont esté leuz, publiez et enregistrez en la court de Parlement, ouy le procureur general du roy en vertu des lettres patentes donnees par le roy en son Conseil le iiii novembre oud. an. »

 

Novembre 1562. Fuite de dirigeants protestants dieppois pour l'Angleterre. Arrivée du maréchal de Montmorency à Dieppe. Il nomme le sieur de Ricarville capitaine du château de Dieppe. Pacification de la ville

 

Durant que l'on traictoit led. accord et incontinant après icelluy, plusieurs estans en lad. ville de Dieppe, ne s'assurans du tout a telles promesses, les autres malcontans dud. appoinctement250 se retirerent au pays d'Angleterre, du nombre desquelz estoit led. sieur des Fors, le cappitaine Ribault251 et plusieurs gentilzhommes et damoiselles, monsieur de Sainct Pol252, ministre de l'eglise dud. lieu, et quelques autres ministres et grand nombre de peuple. Aultres bourgeois de lad. ville se retirerent à Amiens et autres lieux du pays de Flandre et là se tindrent quelque temps, attendans la fin de ceste tragedye. Toutesfois si led. sieur de Fors fust demeuré il eust esté continué et entretenu en son estat et en avoit led. procureur apporté lectres du roy à ceste fin addressantes aud. sieur de Fors.

Et quant aud. sieur de Montmorancy il arriva et entra en lad. ville le second jour du mois de novembre253 avec sa compaignie d'hommes d'armes l'enseigne desployee, deux compaignyes françoyses de gens de pied et deux compaignies d'Allemantz, à laquelle veue tout le plat pays fut esmeu, pensant qu'on deust saccager la ville. Mais contre leur espoir procedant de maulvaise affection, led. sieur de Montmorancy se monstra doulx, gratieulx254, et favorable aux habitans de ladite ville, lequel pour l'execution de sa charge se saisyt de l'artillerye et munitions d'icelle dont il fit porter la pluspart au chasteau, là où il posa cappitaine le sieur de Ricarville auquel il ordonna lever une compaignye de trois cens hommes de pied pour la garde dud. chasteau qui seroient soldoyez255 aux despens du roy et laissa en lad. ville pour gouverneur le sieur de Basqueville, suyvant les lettres que le roy luy en escripvist, luy ordonnant une compaignie de cent hommes de pied qui seroit entretenue aux despens de lad. ville.

Il feit aussi dire la messe par son chapellain au temple Sainct Jacques par deux ou trois jours qu'il sejourna en lad. ville. Et après avoir donné ordre en l'outreplus256 à ce qui luy sembloit requis et necessaire pour l'establissement de la paix et tranquilité de ladite ville et exhorté les habitans de se contenir en l'obeissance du roy et de se comporter et vivre paisiblement les ungs avec les autres sans entrer en disputes, querelles ou contentions257 pour le faict de la religion, s'en retourna avec les compaignies qu'il avoit admenees et feyt retirer les reistres du comte Reingrave qui estoient logez aux villages circumvoisins de lad. ville, et mesmes la compaignye du seigneur d'Annebault.

Et sur ce que lesd. habitans luy remonstrerent le regret et desplaisir qu'ilz portoient d'avoir esté privez des presches publicques et aultres exercices de leur religion, chose qui pourroit donner occasion à plusieurs de tumber en atheisme et contemnement258 de Dieu et estre cause de faire quicter et habandonner la ville par la pluspart des habitans et mesmement par les maronniers259 qui en sont en grand nombre, lesquelz se pourroient retirer et estre bien venuz en Angleterre dont se pourroit ensuyr260 la ruyne et desolation de la ville au grand prejudice et dommage du roy et de son royaulme, luy suppliant à ceste cause que son bon plaisir fust d'estre moyen envers la Majesté du roy et de la royne de leur restituer la liberté de leur religion qui seroit le vray moien de les faire vivre en paix soubz la craincte et obeissance de Dieu et du roy. Il les exhorta gratieusement261 d'endurer et avoir patience pour quelque temps, et qu'ilz envoiassent homme avec luy pour presenter requeste ausd. Majestez du roy et de la royne aux fins que dessus, et qu'il leur ayderoit en ce qu'il pourroit262.

A quoy ne faillirent lesd. habitans, recommandans ceste affaire aud. sieur de Basqueville qui le convoya jusques à Rouen, là où la royne après avoir entendu la requeste et remonstrance desd. habitans et la bonne volunté enquoy led. sieur de Montmorancy les avoit trouvez, les voulut bien gratiffier jusques là que de leur permectre la predication de la parolle de Dieu et autres exercices de leur religion secrettement et en petites compaignies. Et combien qu'elle n'en voulust rien bailler par escript, elle dit touteffois aud. sieur de Basqueville en la presence du roy auquel elle pria d'en avoir souvenance qu'il n'empescheast lesd. habitans en ce que dessus, et qu'il ne luy en seroit rien reproché ny ausd. habitans pourveu qu'ilz se continssent paisiblement en l'obeissance du roy sans trouble ne sedition et sans donner empeschement à l'exercice de la religion catholicque romaine à ceulx qui vouldroient vivre suyvant icelle.

Cela apporta grand joye et contantement ausd. habitans suyvans la religion reformee et vint bien à propos que les ministres qui estoient eschappez du sac de Rouen et plusieurs habitans d'icelle ville se vindrent rendre comme à sauveté en lad. ville de Dieppe, laquelle il sembloit bien que Dieu avoit reservé pour leur refuge. Et fut faicte une cueillette263 extraordinaire par les anciens264 de l'eglise pour subvenir aux necessitez de ceulx dud. lieu de Rouen qui n'avoient moyen de pouvoir vivre.

Si firent faire presches en lieux privez et sur le soir par chacun jour par lesd. ministres suyvant lad. permission en quatre endroictz de lad. ville, là où les fidelles divisez en huict quartiers allerent tour à tour affin que les assemblees fussent plus petites et par ce moien continuerent l'exercice de leur religion. Et en cet estat vesquirent265 soubz le gouvernement dudit sieur de Basqueville jusques au vingtiesme de decembre, durant lequel temps ne se presenta ung seul presbtre266 pour la messe, combien que led. sieur de Basqueville suyvant le debvoir de sa charge s'offrist aux tresoriers des paroisses et aux principaulx habitans de la religion romaine de leur donner assistence et les garder d'empeschement s'ilz vouloient faire dire messe et leur service accoustumé dedans les temples.

 

20 décembre 1562. Assassinat du sieur de Ricarville au château de Dieppe. La ville retombe aux mains de chefs protestants refusant la paix avec le roi

 

Led. vingtiesme decembre267, par ung dymanche matin, led. sieur de Ricarville estant sorty du chasteau à une estable prochaine où il alloit veoir ses chevaulx accompaigné d'un homme seullement, fut meurdry et mis à mort par quatre soldatz qui feignirent aller veoir led. chasteau, lesquelz a l'instant tirerent ung coup d'artillerye estant sur la platteforme du pied dud. chasteau, au son duquel coup accourut une grande compaignie de soldatz estans en une maison de lad. ville prochaine dud. chasteau, conduictz par le cappitaine Gascon268 et le sieur de Catheville Malterre, gentilhomme voysin de lad. ville269, lesquelz aians praticqué les soldatz dud. sieur de Ricarville prindrent led. chasteau et tost après descendirent dudit chasteau et marcherent en armes par les rues de lad. ville, cryant tous d'une voix « vive l'Evangille ! », assurans les habitans de lad. ville qui sortoient de leurs maisons qu'on ne leur vouloit aulcun mal faire et que ce qu'ilz faisoient estoit pour le service de Dieu et du roy et par l'adveu de monsieur le Prince, qui fut cause qu'on ne leur donna aulcune resistence.

Vray est que led. sieur de Basqueville se myt en debvoir de prendre les armes et aucluns des habitans de lad. ville pour resister à telle entreprinse. Mais led. sieur de Basqueville ne fut suivy d'aulcuns de ses soldatz qui avoient esté praticquez par led. cappitaine Gascon et sieur de Catheville, comme ceulx dud. sieur de Ricarville. Parquoy fut contrainct mesmes lesd. habitans se voyans menassez d'estre mis à mort s'ilz se mouvoient de se retirer et fut tost après led. sieur de Basqueville prins en son logis270 par led. cappitaine Gascon et mené prisonnier aud. chasteau et le jour mesme renvoyé sur sa foy271 en sond. logis pour y tenir prison.

Et se saysit led. cappitaine Gascon des clefz de la ville et fyt faire criz publicqz par les carefours d'icelle de par le roy et de monsieur le Prince pour estre obey en icelle ville. Ceste surprinse sembla à plusieurs tant de ladite ville que estrangiers estans en icelle estre miraculeusement advenue et executee car encores que le comte de Reingrave en eust au precedent adverty led. sieur de Ricarville et de Basqueville et qu'icelluy sieur de Basqueville et les principaulx de lad .ville eussent faict tout debvoir de descouvrir une telle entreprinse, et pensoient bien avoir pourveu qu'elle ne fust executee, et que mesmes toute la nuyct precedente ilz eussent faict la ronde par toute lad. ville et adverty led. sieur de Ricarville de se tenir sur ses gardes, auquel ilz offrirent entrer avec luy en garde aud. chasteau, ce qu'il refuza, se tenant bien assuré et ne redoubtant rien.

Et encores voyant lesd. quatre premiers soldatz comme aiant quelque desfience d'eulx usa de ces termes à celluy qui estoit avec luy : « voyez vous bien ces rustres, ils seroient aussy bien gens de vouloir tuer ung cappitaine que gens que vous veistes oncques ! »272. Si toutesfois il ne peust eviter ce meschief273 ny empescher que lad. entreprinse ne fust tout à ung moment executee comme dit est. Parquoy ceulx là d'un costé la prindrent comme venant de la main de Dieu, estimans que la fin en seroit heureuse et reusiroyt à son honneur274 et à l'advancement de l'Evangille.

 

Décembre 1562. Les Dieppois modérés cherchent à reprendre contact avec le pouvoir royal. A leur tour certains de ces modérés quitent la ville pour l'étranger

 

D'aultre costé, la pluspart des habitans de lad. ville le prindrent comme un desastre advenu sur eulx, craignans d'encourir la hayne et indignation de la Majesté du roy et de la royne, et qu'il ne leur fust reproché d'avoir violé la foy promise à celluy à qui ilz debvoient toute obeissance, combien qu'il n'y eust aulcunement de leur faict, intelligence275 ou consentement à ung si malheureux acte, duquel ilz advertirent incontinant la royne par lettres contenans à la verité le discours du faict dessusdict, deplorans leur calamité et supplians à Sa Majesté de ne se laisser persuader qu'il y eust en ce de leur faulte, veu qu'il n'estoit vraysemblable qu'ilz eussent voulu estre si ingratz que d'oublier le benefice276 dont le roy avoit usé en leur endroict, ne si maladvisez que de se vouloir priver d'un si heureux repos dont Sa majesté les avoit faict joyssans pour rentrer aux troubles, perilz et inconveniens dont ilz estoient naguieres eschappez et changer leur liberté en miserable servitude, assurans lad. dame qu'elle trouveroit la verité estre telle s'il luy plaisoit en faire informer.

Et de faict les conseilliers de lad. ville et plusieurs aultres des principaulx habitans pour faire preuve de leur innocence quicterent et habandonnerent ce qu'ilz avoient de plus chier et precieulx en ce monde c'est assçavoir277 leurs maisons, biens, femmes, enffans et leur patrie pour aller demeurer en pays estrangés comme en Flandres et ailleurs.

Le xxiiie dud. mois278, le seigneur de Villebon lieutenant du roy au gouvernement de Normandye estant à Rouen escripvyt lettres ausd. habitans, leur mandant qu'ilz luy feissent entendre la verité dud. faict qu'il disoit ne pouvoir penser estre advenu par leur faulte, veu le bon traictement que le roy leur avoir faict et qu'ilz donnassent ordre en la plus grande dilligence qu'ilz pourroient de faire remectre le chasteau entre les mains du roy, aultrement qu'il voyoit la ruyne de lad .ville et que l'arrivee du roy, qui avoit gaigné la bataille contre monsieur le Prince279 où il avoit esté prins prisonnier et la plus grande partie de ses gens taillez en pieces, n'estoit pas loing d'eulx280 et seroient281 tous esbahyz qu'ilz la verroient à leurs portes, ausquelles lettres lesd. habitans donnerent response satisfactoire282 s'excusans dud. faict et remonstrans qu'il n'estoit en leur puissance faire remectre led. chasteau entre les mains du roy, pour ce que eulx mesmes estoient soubz la puissance et mercy de ceulx qui l'avoient surprins et le detenoyent par force.

Le landemain, veille de Noel283, vindrent lettres en lad. ville de la part du procureur d'icelle estant lors en Court consernant lesd. nouvelles de la prinse de monsieur le Prince et routte284 de son armee, surquoy lesd. habitans prindrent occasion de s'efforcer persuader ausd. cappitaines Gascon et sieur de Catheville qui se vanterent d'avoir faict lad. entreprinse par l'adveu de mond. sieur le Prince de remectre led. chasteau entre les mains dudit sieur de Basqueville pour le garder pour le roy et le laisser commander en lad. ville comme il faisoit auparavant. En quoy faisant ilz ne feroient chose contraire à leur debvoir attendu que led. sieur de Basqueville favorisoit la religion285 et estoit homme pour rendre compte dudit chasteau au roy et à mond. sieur le Prince, et si delivreroient lesdictz habitans de la ruyne qui autrement les menaçoit de près. Et pour les faire à ce condescendre leur offrirent et soubz main leur firent offrir grande somme d'argent mais ce fut en vain et par ceste voye n'y peurent rien gaigner.

 

Décembre 1562. Meurtre du soldat Martin. Accueil peu enthousiaste de Dieppe envers le comte de Montgomery

 

Le jour de Noel le cappitaine Gascon et ceulx de sa faction reprindrent le temple et y firent prescher les ministres ainsy qu'on avoit faict auparavant lesd. accordz.

La nuyct ensuivant286 ilz tuerent d'un coup de harquebuze ung vaillant soldat de lad. ville nommé Jaques Martin en hayne de ce qu'il avoit apporté les nouvelles de la Court de la prinse de mond. sieur le Prince et qu'ilz avoient entendu qu'il estoit delegué de la part desd. habitans pour retorner en lad. Court advertir le roy et la royne de ce qui estoit advenu en ladite ville, et lequel Jacques Martin avoit esté prins au camp de monsieur d'Aumalle287, courageusement combattant et longuement detenu prisonnier dont il avoit esté naguieres delivré et fut regretté de tous ceulx de la ville.

Le dymanche prochain, qui fut le xxviie dud. moys288, le comte de Montgomery289 estant party du Havre de Grace290 avec trois compaignyes françoyses de gens de pied et grand nombre de gentilzhommes qui le suyvoient arriva en lad. ville. Et receurent lesd. habitans lettres du sieur de Beauvais291, gouverneur aud. lieu du Havre par lesquelles il les prioyt de ne se donner poinct de peyne de ce que monsieur de Briquemault, led. comte de Montgomery et luy292 avoient tasché de remectre lad. ville en l'obeissance du roy soubz l'auctorité de monsieur le Prince protecteur de sa minorité293 pour la tirer de la main de ceulx de Guyse294 et que ce qu'ilz en avoient faict n'estoit que pour le service de Dieu et du roy, assurant que ceulx qui avoient faict l'entreprinse sur Ricarville ne seroient poinct desadvouez mais recongneuz comme bons serviteurs de la Majesté du roy, et que lesd. habitans ne sçauroient rien faire qui apportast tant de mescontantement à mond. sieur le Prince que de leur pourchasser desplaisir, et dont il se vangeroit cy après, disant sçavoir certainement quoyque les ennemys fissent leur estat d'avoir obtenu la bataille par la prinse de mond. sieur le Prince que toutesfois ilz auroient eu du pire295.

Deux jours après296 led. sieur de Montgomery feit assembler lesd. habitans en la maison de ville, ausquelz il remonstra les causes de sa venue qui estoit pour faire service à Dieu et au roy et pour garder la ville en l'obeissance dud. seigneur contre ceulx qui abuzans du manteau de Sa Majesté ne taschoient que à accroistre leur grandeur, supprimer et abolir le vray service de Dieu et mectre ce royaulme en combustion, demandant ausd. habitans si sa venue leur estoit pas aggreable et que si autrement estoit, il sçavoit bien le lieu d'où il estoit party pour y retorner. A quoy lesd. habitans, qui n'avoient deliberé ce qu'ilz debvoient respondre, ne sçachans ce qu'on leur debvoit proposer, demanderent temps d'un jour pour luy donner response, dont il fut irrité et leur dict en collere : « Commant demandez vous delay pour me dire si je suys le bienvenu si vous me desdaignez et ne me voulez obeyr volontairement je vous feray bien obeyr par force ! » Et leur dict que pour proveoir aux affaires de la ville il failloit proceder à l'election de nouveaux conseilliers au lieu de ceulx qui s'estoient absentez et qu'on eust à luy meubler le chasteau là où il entendoit se retirer, ce qui fut puys après faict, et fut ledit sieur de Basqueville envoyé prisonnier au Havre de Grace.

Lesd. habitans, se voyans ainsy privez de leur liberté et estre constrainctz de porter le joug dud. conte de Montgomery, ne peust aultre chose faire que luy supplier vouloir entretenir la navigation libre, tant pour le commerce de la marchandise que pour la pescherye et laisser vivre lesdictz habitans avec leurs voysins en la plus grande paix qu'il seroit possible sans faire aulcunes cources, invasions et actes d'hostilité tant par mer que par terre, ce qui leur fut par luy promis mais n'en fut rien tenu.

 

Décembre 1562-janvier 1563. Poursuite des négociations en sous-main des modérés de Dieppe avec des agents du pouvoir royal

 

En ces jours là le comte de Reingrave estant à Moustierviller qui naguieres avoit escript aud. sieur de Basqueville que les Dieppoys s'estoient mis en peyne perpetuelle de s'estre revoltez et qu'ilz ne se pouvoient saulver qu'ilz ne fussent entierement destruictz et exterminez si le roy y envoioyt son armee, par quoy comme aymant entierement la religion297 et estant protecteur d'icelle le prioyt bien fort de vouloir moyenner dilligemment vers eux qu'ilz se recongneussent298 et rendissent la place au roy, leur promectant qu'ilz n'en auroient aulcun desplaisir en leurs personnes ny en leurs biens et qu'il les feroit mectre en plaine liberté de leurs consciences, envoya lectres ausd. habitans de ce mesme propos299.

Et oultre leur escripvoit que si led. sieur comte de Montgomery vouloit rendre la place, il l'assureroit de le faire remectre en tous ses biens et estatz300 et luy faire donner tel party par le roy et la royne qu'il auroit cause de s'en contanter. Et pour assurance luy bailleroit ses deux nepveuz en hostage, priant ausd. habitans d'envoyer par devers luy deux ou trois d'entre eulx pour conferer avec eulx de chose qui concernoit leur honneur, bien et prouffict, lesquelles lettres lesdictz habitans communiquerent aud. sieur de Montgomery qui n'en tint pas grand compte et dist qu'il ne se fyeroit à telles promesses.

Neantmoings lesd. habitans ne cesserent de conferer de cest affaire avec aulcuns gentilzhommes estant autour de sa personne qui le gouvernoient, lesquelz, après plusieurs propos sur ce tenuz par diverses foys, dirent ausd. habitans qu'ilz trouvoient bon que suyvant lesd. lectres ilz deputassent deux ou trois d'entre eulx pour aller par devers led. comte de Reingrave sans toutesfois en advertir led. comte de Montgomery, se faisans fortz qu'il ne le trouveroit maulvais.

Et proposerent aud. comte de Reingrave que le vray moyen de gaigner led. sieur de Montgomery estoit de luy faire escripre par la royne et luy promectre le restablissement de sa personne en ses honneurs et estatz et luy laisser la garde de lad. ville et chasteau pour le roy, et pour ce faire luy donner estat avec quelques compaignies entretenues. Et furent deleguez pour cest effect trois desd. habitans après avoir obtenu saufconduict du cappitaine Castelan301 estant au chasteau d'Arques envoyé par led. comte de Reingrave pour y commander.

Deulx desquelz deleguez s'en allerent à Moustierviller vers led. sieur comte de Reingrave et l'aultre vers monsieur le Mareschal de Vielville302 estant à Rouen que l'on disoit s'estre achemyné avec les forces du roy pour venir mectre le siege devant Dieppe. Lequel sieur Mareschal, après avoir ouy led. delegué en sa charge et entendu l'estat de la ville et comme les choses y estoient passees, luy dist que autrefoys il avoit esté causé de garder lesd. habitans de Dieppe de tumber en ung grand peril qui leur estoit prochain du temps du roy Françoys dernier303 et que volontiers il leur ayderoit à les retirer de celluy où ilz estoient tumbez, mais qu'ilz se voulsissent ayder eulx mesmes et feit aller led. delegué avec luy à Caudebec304 là où il alla trouver led. comte de Reingrave la veille de la Feste des roys305.

Et après avoir conferé et deliberé ensemble sur cest affaire led. sieur Mareschal dict aud. delegué que led. sieur comte de Reingrave escripvoit aud. sieur comte de Montgomery ce qu'ilz avoient resolu et qu'il eust à luy dire de bouche de la part dud. sieur Mareschal qu'il sçavoit bien qu'il estoit son parant306 et son amy, et d'aultant qu'il l'aymoit il le prioyt bien fort qu'il ne laissast passer une si belle occasion qui se presentoit pour le remectre en la grace du roy et de la royne, et qu'il l'asseuroit que ce qui luy seroit promis luy seroit tenu, exhortant led. sieur Mareschal led. delegué au nom desd. habitans de faire leur debvoir et s'ayder à se mectre hors de la captivité où ilz estoient, et que soubz cest espoir luy et led. sieur comte de Reingrave se deporteroient307 d'envoyer leur forces devant Dieppe et les envoyroit devant le chasteau de Tanquerville308 comme ilz firent.

Lesd. deleguez estans retornez firent le rapport aud. sieur de Montgomery de ce qu'ilz avoient faict en leur voyage, lequel fit semblant d'estre mal contant de ce qu'ilz en avoient faict à son desceu309, et qu'il ne failloit prendre tant de peyne d'appoincter à luy310 sans avoir appoincté à monsieur le Prince, sans lequel il n'entendoit à quelque party311 qu'on luy vouldroit offrir.

 

Janvier 1563. Action de Montgomery à Dieppe. Nouvelles troupes anglaises. Montgomery ravage le pays de Caux. Expédition de Montgomery à Eu

 

Peu de temps après led. sieur de Sainct Pol estant en Angleterre repassa la mer au mandement dud. sieur de Mongomery pour exercer le ministere en son eglise.

Led. sieur de Montgomery dressa encores trois compaignies de gens de pied et une compaignie de chevaulx legiers pour lesquelles entretenir il fit assiette312 sur lesd. habitans de la somme de quinze mil livres tz.313, dont ilz se sentirent excessivement grevez et furent rigoureusement314 contrainctz à la payer, les ungs par la vente et exploitation de leurs biens, et aulcuns reveschez par emprisonnement de leurs personnes et logement de soldatz qu'ilz estoient tenuz de nourrir et sallarier jusques au plain payement de leurs taxes. Il feit aussi prendre et vendre les biens d'aulcuns papistes qui s'estoient absentez de lad. ville et les marchandises d'aulcuns estrangiers, toucha les deniers de la gabelle315 du roy et de l'imposition foraine316, ensemble ceulx de la rec[e]pte de la viconté apartenant à monsieur le cardinal de Bourbon317, seigneur temporel de lad. ville à cause de son archevesché de Rouen, et fist employer les deniers commungs de lad. ville à la fortiffication d'icelle.

Oultre cela luy furent envoyez du Havre de Grace deux compaignyes d'Angloix entretenues par la royne d'Angleterre avec toutes lesquelles compaignies led. sieur de Montgomery feit plusieurs sortyes, courses et ravages par tout le pays circumvoisin et archediacre318 plusieurs temples et en print les cloches et aultant de presbtres qu'il pouvoit prendre les admenoit prisonniers les mectant à rançons excessives jusques à viiic et mil escuz pour ung seul319. Il fyt forte guerre à ceulx d'Arques jusques à mener le canon devant le chasteau dud. lieu et a une foys surprint deux compaignyes de gens de pied picardz estans logez dedans le bourg, dont il y en eut plusieurs de tuez et taillez en pieces, les autres mis en fuytte et leurs armes pillees.

Il alla aussy à Assigny ou320 conté d'Eu321 distant de trois à quatre lieues de Dieppe, où il assaillit une maison forte apartenant au sieur du lieu322 et enleva grand nombre de grains, comme de mil à douze cens mynes323 qu'il trouva aux greniers de lad. maison. Il entreprint davantage d'aller jusques en la ville d'Eu estant à sept lieues de Dieppe, y mena deux gros canons dont il battyt la muraille l'espace de deux ou trois heures, esperant intimider et contraindre les habitans d'icelle ville à venir à quelque composition. Mais comme telle entreprinse fut legierement deliberee et executee contre le conseil de ceulx qu'il appella et contre le gré et volunté desd. habitans qui s'efforcerent l'en destourner, aussy elle succeda mal et à son deshonneur. Car il fut contrainct s'en retorner sans rien faire et ramener ses gens fort laz et affamez, n'aiant faict provision de vivres et laissa ung canon devant lad. ville qu'il ne peust ramener pour ce que les renes rompirent pour le maulvais chemyn à cause d'une pluye continuelle qu'il fyt tout le long du jour.

Oultreplus, il feit la guerre par mer qui fascha plus lesd. habitans que chose quelconque par telles incursions, pillages et actes d'hostilité, il rendyt la ville de Dieppe odieuse à tout le pays, de sorte que chacun n'en desiroit que la ruyne, combien que les habitans d'icelle ne luy aydassent en ceste guerre, synon d'aultant qu'ilz en estoient contrainctz par force.

 

7 mars 1563. Echec d'une tentative de trahison à Dieppe

 

Et de faict les gens de guerre estant à Arques firent complot et entreprinse soubz l'adveu et auctorité de monsieur le Mareschal de Brissac324, lieutenant du roy en ce pays avec les reistres et gens de pied allemandz du comte de Reingrave, de surprendre et saccager lad. ville et pour y parvenir trouverent moien de longue main de praticquer aulcuns cappitaines et soldatz estans dedans lad. ville, dont ung nommé Carrel sergent major qui fermoit et ouvroit les portes d'icelle fut suspitionné, le cappitaine La Mulle, le cappitaine Hocqueton325 et le portier ordinaire de lad. ville.

Et pour mieulx executer leur entreprinse attendirent le temps et l'opportunité que led. sieur comte de Montgomery fust party et embarqué pour aller à Caen trouver monsieur l'Admiral326 qui estoit là arrivé avec son armee, laissant led. sieur comte en son lieu le sieur de Presles pour commander en lad. ville, qui fut au commancement du moys de mars327.

Et se tenoient les ennemys si assurez de venir à chief de leur conspiration que le jour mesmes qu'ilz s'efforcerent de l'executer le bruict fut espandu partout jusques à Rouen, Neufchastel, Eu et Abbeville que lad. ville de Dieppe estoit prinse et mise à sac, tellement que de tous costez les gens y accouroient pour venir au pillage.

Mais Dieu, qui s'estoit tousjours monstré protecteur de lad. ville, continuant sa faveur accoustumee, la delivra de ce peril qui estoit bien le plus grand et le plus apparant où elle ayt esté durant ces troubles. Car il suscita des gens de bien qui descouvrirent les menees, ruses et finesses des ennemys jusques à sçavoir le nombre de gens, les moyens qu'ilz debvoient tenir, le propre jour qu'ilz pretendoient assaillir lad. ville et les endroictz par où ilz vouloient venir, dont lesd. habitans aians bon et certain advertissement, mirent la main aux armes pour se deffendre, ce qu'ilz n'avoient faict depuis le temps que led. sieur de Montgomery estoit venu en lad. ville, misrent de nuyct centinelles à cheval hors de lad. ville, se tindrent bien sur leurs gardes et firent si bon guet que les ennemys qui s'estoient assemblez et venuz tant de Rouen que de Neufchastel et Eu avecq ceulx d'Arques et lesd. reistres et Allemans à pied faisans jusques au nombre de plus de huict mil hommes venans en trois bandes par trois divers endroictz et approchans lad. ville et la citadelle pour la surprendre par une nuyct une heure ou deux devant le jour, pensant trouver le guet endormy et les portes ouvertes, trouverent en teste sur les murailles de la ville, boulevartz328 et rampars de la citadelle lesd. habitans tous en armes avec les autres gens de guerre. Nul desquelz voyant le courage desd. habitans ne feyt autre semblant que de vouloir vivre et mourir pour la deffense de lad. ville. Si furent lesd. ennemys après le jour apparu descouvertz et saluez à coupz d'artilleryes, tellement qu'ilz n'ozerent approcher plus près que la portee du canon. Et après s'estre monstrez et pourmenez quelque temps, usans de criz et exclamations de derision et mocquerye contre ceulx de lad. ville, s'en retournerent avec leur courte honte et furent lesd. sergent major et aultres suspitionnez de la trahison et vendue329 de lad. ville constituez prisonniers et leur proces faict extraordinairement. Mais ilz n'en peurent estre convaincuz330.

 

Mars 1563. Plaintes des Dieppois auprès de l'Amiral de Coligny au sujet de Montgomery. Ils obtiennent gain de cause

 

Peu de temps au precedent lesd. habitans envoyerent deux notables personnages d'entre eulx par devers mond. sieur l'Admiral estant à Caen auquel lesd. deleguez presenterent lettres missives de la part desd. habitans avec leurs tres humbles recommandations et leur service, et suyvant la charge à eulx donnee et les memoires à eulx baillez par escript luy remonstrerent :

Premierement que lesd. habitans avoient pour lors plus de quarante vaisseaulx en divers voyage de marchandise et qu'ilz consistoi[en]t331 non seullement la pluspart de leurs biens mais aussi la meilleure force de leurs hommes en grand nombre de marchans et marriniers estans dedans, de sorte que la perte de tant d'hommes et de biens et de navires, si elle advenoit, feroit une bresche à la ville de Dieppe presque irreparable.

Et pour ce que monsieur le comte de Montgomery avoit fait equipper ou bien donné congé d'equiper et armer quelques navires en guerre, lesquelz s'ilz executoient leur entreprinse pourroient estre cause que tout ce grand nombre de vaisseaux seroit prins ou arresté332 et par mesme moyen la mer close et inaccessible à toute trafficque333 de marchandise, ce qui venoit aussy plus mal à propos d'aultant que la saison de la pescherye des maquereaux estoit prochaine334, pour laquelle est necessaire envoyer querir le sel en Brouage335, ce qui seroit quasi impossible si on rendoit les Bretons ennemys, comme desjà on en avoit prins aulcuns avec ce qui aultant en adviendroit il des Gascons et Flamans pour la traicte des vins et des bledz dont la necessité estoit presente en lad. ville et n'en pouvoit on recouvrer ne tirer d'ailleurs.

A ces causes, et que la pescherye et la [sic] marchandises336 sont les deux principalles commoditez dont lad. ville est substantee337 et entretenue et lesquelles defaillantes s'ensuyvroit la totalle ruyne desd. habitans et d'infiny pauvre peuple circumvoysin luy supplioyent que son bon plaisir fust faire cesser toute hostilité et pillerye par la mer, à ce que la marchandise et la pescherye peussent demeurer libres ausd. habitans en leurs cours accoustumé et très necessaire.

Secondement, luy supplioyent que aiant esgard à la petite puissance de lad. ville et à la despense excessive qu'elle avoit faict en ceste guerre, enquoy leur avoit costé pour l'esté passé plus de soixante mil livres338 et puys339 trois mois encores plus de vingt mil340 avec ce que chacun y estoit privé de la jouyssance de son revenu et les marchantz empeschez de trafficquer il luy pleut de les soulager de la grande charge de gens de guerre, et des taxes excessives qui à ceste occasion s'imposoient sur eulx.

Finablement luy remonstrerent les excès, pilleryes, extortions et meurtres qui par chacun jour commectoient plusieurs soldatz tant dedans la ville que ès environs sur ceulx mesmes qui ne firent oncques actes d'ennemys contre la religion, ce que redondoit341 non seullement au grand scandal de l'Evangille, lequel ilz faisoient servir de pretexte à leurs iniquitez, mais aussy à la grande diminution des vivres et commoditez dont la ville avoit accoustumé d'estre fournye du pays cicumvoisyn, lequel par ce moien estoit demeuré pillé et desert, la ville odieuse à tous ses voysins et Dieu publicquement offensé dont n'estoit faict aulcune justice.

A quoy pour l'heure mond. sieur l'Admiral ne fyt autre response synon qu'il les avoit entenduz et que à chacun poinct en brief il leur satisferoit, ce qui fut differé jusques après la prinse du chasteau de Caen. Et depuis ayant esté adverty par lesd. deleguez de la trahison que l'on vouloit commectre sur lad. ville de Dieppe et du meurtre malheureusement commis à la personne de Nicolas Felle, principal canonnier de lad. ville, par l'enseigne342 du cappitaine Vouilly à ceste seulle occasion que led. Felles reprenoit ung soldat du tort qu'il faisoit à ung pauvre marchant auquel il vouloit oster deux chevaulx.

A cause de quoy lesd. habitans furent si irritez que peu s'en faillut qu'il ne s'en ensuyvist ung merveilleux discord. Il depescha lesd. deleguez usant de telle response en effect et substance :

 

« Messieurs, estant de besoing que monsieur le comte de Montgomery soit retenu par deça pour le gouvernement de Caen et aultres affaires de plus grande consequence, je ne veulx pas laisser la ville de Dieppe despourveue d'un bon et suffisant chief, parquoy j'ay esleu par l'advis et conseil des seigneurs estans icy le cappitane Gausseville343, present, pour gouverneur d'icelle pour gentilhomme propre et très suffisant à telle charge, avec lequel demeureront seullement deux compaignyes françoyses de gens de pied et quelque nombre de hargoulletz que les habitans de la ville pourront faire d'entre eulx mesmes, auquel cappitaine Gausseville je commande de contenir les soldatz en toute bonne discipline, ne leur permectre aulcun excès, pillerye ou extortion et des delinquans executer severe justice, vous traicter doulcement et paisiblement et de vostre part reciprocquement j'entendz que vous luy soyez bien obeyssans bien payans les soldatz affin qu'ilz n'aient nulle excuse vers la justice si estans bien payez ilz retornent à leurs excès et pilleryes.

Et brief que de tout vostre pouvoir ayez à vous employer à la deffense de ceste cause de Dieu et du roy sans faire comme plusieurs villes lesquelles aians espargné une partie de leurs biens à se maintenir en ceste saincte entreprinse ont perdu en fin le tout avec la liberté de l'Evangille la vye de leurs hommes, l'honneur de leurs femmes et l'espoir de leurs enffans. Vous sçavez que moy, mes freres344 et tant d'aultres grandz seigneurs ne sont pas en meilleure condition que vous mesmes. Ilz y exposent leurs vyes tous les premiers et puys tous leurs biens, de sorte que nul d'entre eulx ne se peult vanter d'un poulce de terre. Cependans courans avec eulx en ung mesme dangier vous debvez fortiffier comme eulx en l'equité de la cause et en l'espoir du secours du Celeste [sic], lequel en fin nous appert si manifestement que nous ne sçaurions nyer les miracles evidentz de Dieu que de jour en jour se faict à l'honneur et advancement de son Eglise et à la ruyne et confuzion de ses ennemys. Et les principaulx chiefz des adversaires sont mortz miraculeusement la pluspart345, les autres nos prisonniers346, les autres mallades347 et en desespoir de leur santé. La meilleure part de Normandye et la plus forte est nouvellement reduicte et le reste est en chemyn de pareil espoir.

Brief, la faveur de Dieu envers nous est pour le jourd'huy si apparante par la continuelle prosperité de noz affaires348 que outre l'espoir que nous avons de l'aultre vye, nous pouvons certainement n'en brief349 attendre plus que suffisante recompance en ce monde, mesmes de si peu de biens qui sont par nous despensez, quictez ou perduz en la suytte de si juste cause. Parquoy que chacun s'efforce plus que jamais comme desjà approchans du bout de la course ceulx qui ont bien faict continuant de bien en mieulx, et ceulx qui se sont portez froydement se rechauffans, de sorte que mesme ville ne soit plus que mesme corps, et si quelques membres s'en sont auclunement separez, se reunissent pour leur propre conservation350. En quoy faisant ne vous faillira jamais tout l'ayde351 et services que je vous pourray faire comme je me suys par cy devant tousjours monstré principal appuy et vray protecteur de vostre ville352. »

 

Voylà ce que respondyt monsieur l'Admiral et donna charge ausd. deleguez de dire de sa part ausd. habitans. Et pour ce qu'il n'avoit sonné mot353 de la guerre qui se faisoit par mer354, lesd. deleguez luy voulurent bien ramentevoir cest article. A quoy respondyt qu'il entendoit bien y donner quelque bon ordre et faire que la marchandise et la pescherye demeureront aultant qu'il seroit possible en leur cours accoustumé mais qu'il n'en avoit encores communicqué avec les seigneurs, ce qu'il alloit faire et en manderoit en brief ausd. habitans certaine resolution.

Suyvant ceste depesche355 lesd. deleguez s'en retornerent avec led. sieur de Gausseville, cappitaine de Fescamp, lesquelz arriverent à Dieppe le propre jour que les ennemys s'estoient presentez devant la ville pour la surprendre, qui fut le vii de mars356. Et le neufiesme dud. mois357 led. sieur de Gausseville en l'assemblee commune des conseilliers, manans et habitans de lad. ville fut receu d'un commun accord pour commander tant en la ville que au chasteau suyvant les lettres de monsieur l'Admiral qu'il presenta et furent levés en lad. assemblee pour raison de quoy monsieur de Presles358 se delibera s'embarquer et mener à mond. sieur l'Admiral les compaignyes de gens de guerre estans en lad. ville, y laissant seullement deux compaignyes et mena avec luy madame la contesse de Montgomery359 avec grandz biens que led. sieur comte son mary avoit amassez durant le temps qu'il fut à Dieppe que l'on estimoit à plus de quarante mil livres360 et lequel avoit faict faire une chesne d'or pesant douze cens ducatz361 qu'il appelloit sa Geneve362 et ung buffet de vaisselle d'argent.

 

Avril 1563. Proclamation de la paix. Nouvel incident iconoclaste à Dieppe. Nouvelles négociations de Dieppe avec le pouvoir royal

 

Après le partement dud. sieur de Presles, la ville fut gouvernee par led. sieur de Gausseville jusques à ce que les nouvelles de paix furent apportees par monsieur de la Curee363, gentilhomme ordinaire de la Chambre du roy, qui arriva en lad. ville le mardy des festes de Pasques xiiie d'avril364, envoyé de la part de mond. sieur le Prince avec lettres dud. sieur comte de Montgomery et passeport de monsieur le Connestable, lequel fut receu à grand joye pour les bonnes nouvelles qu'il apportoit de la paix tant desiree.

Toutesfois pour le doubte que aulcuns avoient qu'il ne fust venu pour oster les temples à ceulx de la religion reformee, les soldatz estans en lad. ville et le commun peuple se mirent à casser et briser toutes les vittres desd. temples qui estoient fort belles et riches et à rompre les clostures des chappelles365 et y eussent continué à demolyr et abbattre lesd. temples si led. sieur de la Curee, lesd. cappitaine Gausseville et les gens de bien de la ville n'y eussent resisté.

Le lundy xve jour d'avril366 led. sieur de la Curee feit publier l'edict de la paciffication par les carrefours de lad. ville et donnerent ordre lesdictz habitans que les Angloix se retirerent de lad. ville, lesquelz s'en allerent au Havre de Grace. Pareillement fut donné congé aux compaignies françoyses et après led. sieur de la Curee aiant promis ausd. habitans de continuer l'exercice de leur religion dedans le temple jusques à ce que par le roy autrement en eust esté ordonné et assigné autre lieu ausd. habitans suivant l'edict, il s'en alla à Rouen par devers monsieur le Mareschal de Brissac auquel il fyt rapport de la prompte obeyssance qu'il avoit trouvee ausd. habitans, de quoy mesme il advertyt la royne.

Le xviiie dud. mois367 lesd. habitans receurent lettres dud. sieur Mareschal de Brissac pour recepvoir le cappitaine La Grange368 pour commander en ladite ville et au chasteau d'icelle menant avec luy une compaignie de gens de pied pour y tenir garnison, ce que ne voulurent consentyr lesd. habitans, non pas tant pour le desir de maintenir et garder leurs privileges que pour craincte du tumulte et sedition qui en eust peu advenir, aiant entendu que les soldatz dud. cappitaine La Grange estoient mal conditionnez menans avec eulx un train de putains et que aulcuns d'iceulx qui estoient entrez dans lad. ville avoient usé de menaces de chasser les ministres hors de lad. ville et touché l'honneur de mond. sieur le Prince et de monsieur le Chancelier369,dont ilz firent faire information qu'ilz envoyerent à mondit sieur le Mareschal de Brissac, luy supplians de differer à envoyer ledit cappitaine La Grange avec sad. compaignie jusques après avoir entendu sur ce le bon plaisir du roy par devers lequel ilz avoient envoyé.

Et ce pendant, affin qu'ilz ne demeurassent sans gouverneur, d'aultant que le cappitaine Gausseville se vouloit retirer par devers monsieur l'Admiral, qu'il luy plaist leur envoyer led. sieur de la Curee, ce que leur octroya ledit sieur Mareschal. Et lequel sieur de la Curee venu en lad. ville feit tant pour eulx que après avoir escript en leur faveur tant à la royne que à monsieur le Prince et aultres seigneurs du Conseil, il luy fut mandé par la royne qu'il demeurast en lad. ville pour y commander.

Et finablement impetrerent du roy nonobstant la resistance dud. sieur Mareschal de Brissac, que led. cappitaine La Grange ne viendroit à Dieppe, et d'avantage que bien que monsieur de La Malleraye370 eust esté depesché et se fust achemyné jusques à Charlemesnil371 distant de deux lieues seullement de lad. ville372, là où lesd. habitans avoient envoyé aulcuns d'entre eulx pour le recepvoir à gouverneur et luy presenter leur service et obeyssance.

 

7 août 1563. Venue du roi Charles IX et de la Cour à Dieppe. Pacification de la ville et rétablissement du culte catholique. Le protestant pressenti pour être capitaine du château est écarté pour un catholique, René de Sigogne. Les protestants se voient assigner un lieu de culte

 

Neantmoings il fut contremandé373 et leur fut laissé pour gouverneur led. sieur de la Curee faisant profession ouverte de l'Evangille se tenans bienheureux de jouyr d'un tel bien que la ville de Dieppe estoit seulle entre toutes les evangelicques de ce royaulme ayant gouverneur de sa religion. Et lequel sieur de la Curee les exempta de soldatz, se contantant seullement d'avoir vingt hommes pour sa garde qu'il choisyt en lad. ville et leur dura cest heur jusques à la venue et nouvelle entree du roy en lad. ville qui fut le viie jour d'aoust mil vC Lxiii374.

Car après que le roy eut reprins et reduict en son obeyssance sa ville françoyse de Grace375 occupee et detenue par les Angloix, la royne sa mere manda aud. sieur de la Curee que le roy voulloit venir faire son entree en la ville de Dieppe et qu'il eust à advertyr lesd. habitans de se preparer à le recepvoir sans grande pompe ne despense superflue, et que Sa Majesté ne demandoit que le bon cueur et obeissance de ses subjectz. A quoy lesd. habitans firent debvoir en telle promptitude et allegresse qu'encores qu'ilz n'eussent que trois ou quatre jours de loysir376 ilz dresserent theatre, mirent en place grand nombre d'artillerye pour saluer le roy et firent sortir unze ensegnes377 de gens de pied en armes au devant de Sa Majesté en bon ordre et forme de bataillon, qui donna esbahyssence aux gens de la Court de veoir ung si grand nombre de gens aguerys sortir d'une si petite ville et dont le roy se contenta fort et fut receu à grand joye par autre bon nombre de citadins à cheval en toute reverence, humilité, subjection et obeyssance deue à Sa Majesté, luy presentans à la porte ung poisle378 de veloux rouge frangé de soye de mesme couleur porté par quatre anciens conseilliers d'icelle ville.

Ne fault oblyer que les ennemys et malveillans de lad. ville et de l'Evangille avoient faict courir ung bruict partout que le roy ne venoit à autre fin et intention que de faire la vengeance de la revolte comme ilz l'appeloient de lad. ville de Dieppe et de la mort du cappitaine Ricarville. Et pour irriter le roy contre lad. ville et la rendre plus odieuse la chargerent de calumnye, impostures et mensonges, faisans semer le bruict que lad. ville se preparoit et mectoit en armes pour faire resistence à Sa Majesté et luy fermer les portes et qu'on avoit tué ung procureur du roy379 en lad. ville. Qui plus est le roy estant à disner à une lieue de lad. ville le jour qu'il feyt sad. entree luy fut faict rapport qu'on avoit tué son mareschal des logis380, ce qu'il congneut bien estre faulx.

Desquelz faulx bruictz lesd. habitans ne s'estonnerent oncques, aiant en eulx le tesmoignage de bonne conscience et se confiens en leur innocence et à la bonté et clemence du roy. Et ne laisserent à se monstrer fermes et constantz en la profession de l'Evangille, laquelle ilz firent ouvertement, tant de bouche que de faict devant ceulx mesmes qui en estoient adversaires, qui furent contrainctz de leur en donner louange. Et ne cesserent à faire presches publicques au temple, mesmes devant les gens de la Court, jusques aud. jour que le roy feit son entree.

Le landemain viiie jour par ung dymanche381 le roy et la royne sa mere allerent en grand magnificence au temple de Sainct Jacques accompagnez de monsieur d'Orleans382, messieurs les Cardinaulx de Bourbon383 et de Guyse384, messieurs le duc de Montpensier385 et prince de La Roche sur Yon386, monsieur le Connestable, messieurs les Mareschaulx de Montmorancy387, de Brissac et de Bourdillon388, le sieur de Boisy389 et aultres chevaliers de l'ordre, les gentilzhommes de la Maison du roy portans leur bec de faulcon390 et les archers de la garde dud. sieur. Et là fut restablye la messe et chantee en grande solennité. Neantmoings ceulx de la religion reformee ne laisserent à pourchasser envers le roy qu'il leur fust baillé l'un des deux temples de lad. ville391 pour l'exercice de leurd. religion.

Et à ceste fin led. jour à l'issue du disner du roy, après luy avoir faict la harangue et le present d'un grand plat et d'un vaze d'argent doré, et avoir donné tant à luy que à la royne, mond. sieur d'Orleans et plusieurs aultres seigneurs plusieurs perroquetz, guenons et sagouyns392 luy fut presenté requeste par escript par le procureur qui portoit la parolle pour eulx. Les papistes au contraire avoient presenté requeste pour estre restabliz en leurs temples et pour faire deposer de leurs estatz les officiers et conseilliers de lad. ville estans de lad. religion reformee et estre gouvernez à l'advenir par gens de leur religion, faisans plusieurs plainctes des tortz et oultrages et ravissementz de leurs biens qu'ilz disoient leur avoir esté faictz durant les troubles passez. Sur quoy led. jour mesme lesd. officiers conseilliers et aultres de la religion reformee en bon nombre furent appellez au Conseil tenu par le roy et la royne presens les seigneurs cy dessus nommez et l'evesque de Valence393 et eulx ouyz sur la requeste desd. papistes dirent qu'ilz estoient prestz d'eulx justifier desd. plainctes de y respondre en la presence des plaintifz.

Si fut commandé ausd. sieur de la Curee present les envoyer querir, ce qu'il fyt. Et toutesfois ne se comparut aulcun après les avoir longuement attenduz, par quoy fut respondu ausd. habitans sur leur requeste tant par le roy que la royne qu'il n'y avoit ville en France à qui le roy accordast plus voluntiers ung temple pour l'exercice de lad. religion que à lad. ville de Dieppe, congnoissant bien que la plus grande partye desd. habitans et les principaulx suyvoient lad. religion en la liberté de laquelle il vouloit bien les entretenir suyvant son edict de la paciffication des troubles, mais desirant qu'icelluy edict fust gardé en tout et par tous selon sa forme et teneur, il ne leur pouvoit octroyer aulcun temple394 affin que cela ne fust tiré à consequence pour les autres villes et ne donnast ouverture de rompre le edict à ceulx mesmes qui sont de religion contraire395. Par quoy se debvoient contanter d'avoir ung lieu en lad. ville hors les temples qui leur seroit assigné par led. sieur Mareschal de Brissac. Au demeurant que son vouloir estoit que tous les officiers et conseilliers demeurassent en leurs estatz, et mesmement que led. sieur de la Curee leur demeureroit pour gouverneur, leur commandant de luy obeyr et se contenir paisiblement et en toute modestie sans empescher les autres en l'exercice de la religion catholicque romaine. Et qu'en se monstrant envers luy bons et obeyssans subjectz il se monstreroit tousjours bon prince envers eulx, les entretiendroit en leurs libertez et privileges et les gratiffieroit en tous396 leurs affaires, leur declarant toutesfois que son intention estoit de mectre une compaignie de gens de pied en garnison en lad. ville non pour les charger aulcunement397 mais pour la deffense de lad. ville durant la presente guerre contre les Angloix398, et laquelle compaignie seroit entretenue à ses despens. Aussy qu'il vouloit que la citadelle fust desmolye parce qu'il avoit trouvé par son Conseil qu'il estoit impossible de la faire forte et la deffendre contre l'ennemy pour raison de l'assiette399 d'icelle, mais qu'il ne cousteroit rien ausd. habitans pour lad. demolition et qu'il entendoit que les pierres des boulevertz de lad. citadelle fussent employees à faire une gectee au havre400 de lad. ville.

Lesd. habitans estoient fort joyeulx que led. sieur de la Curee leur demeuroit pour gouverneur mais pour aultant qu'il se monstra trop affectionné aud. conseil envers ceulx de la religion reformee. Et sur ce que la royne luy commandoit qu'il eust à contenir le peuple en l'obeissance du roy et en union et concorde tant d'un costé que d'aultre sans respect de401 la religion, il usa de ces motz qu'il se faisoit bien fort qu'il n'adviendroit aulcun trouble ou sedition en lad. ville de la part de ceulx qui estoient là presens. Et quant à ceulx de la religion contraire, qu'il les garderoit à son pouvoir de toute offense qu'on leur vouldroit faire et les conduyroit s'ilz avoient besoing de son assistence pour maintenir leur religion jusques à huict ou dix pas près du temple mais qu'il ne passeroit poinct plus oultre et n'yroit jamais à la messe402 puysque le roy luy octroioyt de vivre en la liberté de sa conscience. On fut tout esbahy que le jour mesme ce conseil fut changé de le laisser gouverneur en lad. ville et y fut estably en son lieu ledit sieur de La Mailleraye, visadmiral de France et ordonné que le sieur de Sigongne403, cappitaine des gens de pied avec sa compaignie seroient en garnison en lad. ville.

Mais la grace à Dieu led. sieur de La Mailleraye, encores qu'il tienne le party de la religion romaine, a usé de telle prudence et modestie au faict dud. gouverneur, et led. sieur de Sigongne en son absence, qu'ilz ont donné occasion à tous lesd. habitans tant d'une religion que de l'autre de s'en louer et se tenir très heureux de recepvoir leurs commandementz, car jusques ici on a vescu aussy paisiblement soubz eulx en lad. ville que l'on pourroit desirer, sans qu'on y ayt veu aulcun trouble, division ou querelle, soit à cause de la religion ou desd. soldatz.

Le dixisesme jour dud. mois led. sieur Mareschal de Brissac requis par lesdictz habitans de leur assigner lieu en lad. ville pour l'exercice de lad. religion reformee donna la charge aud. sieur de La Mailleraye de veoir et visiter les lieux les plus commodes de lad. ville et en faire rapport au Conseil privé du roy404, ce qu'il feit et sur ce fust arresté aud. Conseil tenu le mesme jour avant le partement du roy et publié par les carrefours de lad. ville ce qui s'ensuyt :

 

« De par le roy. Désirant Sa Majesté l'entretenement405 de l'edict par luy dernierement faict pour la paciffication de son royaulme, bien et repos de ses bons et loyaulx subjectz et pour lequel tant mieulx establir en ceste ville de Dieppe il a prins la peyne d'y venir, en laquelle pour l'effect dessusd. il a ordonné ce qui s'ensuyt. Premierement, veult et entend Sad. Majesté que toutes injures et offenses faictes et advenues durant les troubles passez soient oubliees, deffendant à tous s'entrereprocher aulcune chose du passé, dire ne provocquer injure ne offense de faict ne de parolle sur peyne de la vye, mais vivre ensemble comme amys, parans, et concitoyens en amytié et toute reconciliation, que les temples soient remis en mains des ecclesiasticques pour en user et y faire l'exercice de leur religion accoustumee et jouyr aussy de tous leurs biens, maisons, et possessions sans empeschement quelconque et sans que ceulx de la religion pretendue reformee puissent faire aulcun presche èsd. temples ny aultre exercice de leur religion pour lequel exercice faire Sadite Majesté leur a ordonné et ordonne la maison et place de la Charité406 satisfaisant par eulx aux charges qui sont dessus, dont il entend qu'ilz puissent semblablement user librement sans aulcun empeschement, le tout selon le contenu oud. interdict et pour aultant qu'il a esté par Sad. Majesté proveu que ung chacun puisse librement se retirer et vivre en sa maison en quelque lieu qu'elle soit et là jouyr de ses biens, est enjoinct très expressement à toutes personnes venues en ceste ville pour le faict de la religion et à l'occasion desd. troubles qu'ilz aient dedans huict jours après la publication de ces presentes à se retirer d'où il est et à tous vagabondz et gens sans adveu407 aussy vuyder lad. ville dedans led. temps sur peyne de la hart408. En ce non comprins les marchans estrangiers et autres facteurs409 qui peulvent avoir affaire pour leur trafficques que Sad. Majesté entend estre benignement traitez et recueilliz410 en ceste ville et y pouvoir librement faire leurs commerces sans aulcun empeschement en faisant par eulx entendre et declarant au gouverneur de lad. ville la cause de leur demeure en icelle. Donné à Dieppe le dixiesme jour d'aoust, l'an mil vC soixante trois411. Signé par le roy. De L'Aubespine412. »

 

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Notes

 

1 Théodore de Bèze (1519-1605), important théologien protestant.

 

2 Il serait trop long de les énumérer. On citera à titre d'exemple une trame du récit extrêmement proche, un même nombre précis de morts et blessés à telle escarmouche, une même liste de villes citées exactement dans le même ordre, etc. Quelques erreurs manifestes par rapport à notre document rencontrées sur des détails dans les passages sur Dieppe en 1562-1563 dans le texte de Théodore de Bèze amènent à penser que sur ce sujet Bèze est moins fiable que la chronique que nous transcrivons ici.

 

 

4 Plusieurs hypothèses sont possibles, comme les frères Guillaume et Jean Daval, mais elles sont à confirmer.

 

5 « Led. » : abbréviation de « le dit », pour signaler qu'une personne, un lieu, etc. a déjà été cité dans le texte. Dans la transcription, nous laissons la forme abbrégée en raison de sa très grande fréquence qui peut être lassante pour le lecteur moderne. De même pour « lad. », « ausd. », « lesd. », « dud. », etc. Lorsque le « t » final est bien tracé, on a transcrit sous la forme « ledit ».

 

6 Edit de janvier 1562, ou Edit de tolérance de Saint-Germain, qui est rapidement refusé par les protestants autant que par les Guise (masacre de Wassy en mars 1562).

 

7 La Normandie, en raison des côtes par où l'ennemi pouvait venir, était considérée comme province de frontière.

 

8 Le massacre de protestants par le duc de Guise à Wassy, en Lorraine est l'événement déclencheur de la première guerre de Religion. Il a lieu en mars 1562, et non 1561 comme il est écrit ici en raison du calendrier alors en vigueur fixant le début de l'année à la fête de Pâques et non au 1er janvier.

 

9 Henri II. Le fait que l'auteur ne prend pas la peine de faire la différence avec Henri III est un indice non absolu mais recevable que le texte est rédigé à une date antérieure à l'accession de celui-ci au trône, à savoir 1574.

 

10 « Oy » : entendu.

 

11 Matthieu Virel, ou Virelle, auteur d'un Dialogue de la religion chrestienne (1558 selon certains, mais on trouve plutôt des 1582, 1586, etc.), ministre protestant très actif dans les années 1560 dans la constitution de communautés protestantes dans une grande partie de la France.

 

12 Louis Ier de Bourbon-Condé, prince de Condé, principal chef protestant à ce moment.

 

13 22 mars 1562. Lorsque l'année n'est pas mentionnée par le texte, nous reprécisons la date en note.

 

14 Il n'est bien entendu pas question ici de la Sainte Ligue catholique qui voit le jour bien plus tard. Le mot de « ligue » a ici le sens commun d'association, protestante en l'occurrence.

 

15 Le prince de Condé assiège Orléans en avril 1562. Il prend la ville le 30.

 

16 « Si » : ainsi. Le mot est très fréquent dans le texte.

 

17 Ce serait un dénommé René de Provanes, sieur de Vallefrenières. Il est peut-être ce capitaine d'un régiment d'infanterie qui meurt en 1569 d'une arquebusade lors du siège de Bourg près de Bordeaux par le baron Armand de Pile (Jeand de Serres (éd.), Mémoires de la troisième guerre civile et des derniers troubles de France, 1571).

 

18 « Ilec » : alors, à ce moment-là.

 

19 « Les ymages » : les tableaux, statues, et autres représentations de saints, de la Vierge, etc., à l'intérieur comme à l'extérieur des églises. L'iconoclasme protestant est virulent lors de ces premières années des guerres de Religion et vise particulièrement les statues assimilées à des idoles païennes.

 

20 « Temples » : l'auteur appelle indifféremment « temples » ou « moustiers » les églises (bâtiment) catholiques. Lorsqu'il emploie le mot « église », c'est la plupart du temps avec le sens de communauté (ecclesia) des fidèles, donc des réformés, et non de bâtiment.

 

21 Aujourd'hui Ouville-la-Rivière, à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest de Dieppe. La demoiselle en question est peut-être Marguerite Le Roux, dame d'Angerville-la-Bailleul, fille de Guillaume Le Roux, seigneur d'Ouville-la-Rivière et de Nicole de Vieuxpont, qui est la sœur de Jean II de Vieuxpont, baron de Vieuxpont. Elle se marie en 1570. Louis de Vieuxpont, baron du Neufbourg, est gouverneur de Dieppe avant d'être remplacé par le sieur de Fors dont il est question ensuite. Nous n'avons pas trouvé trace de « frères », si c'est à prendre au sens biologique, de la demoiselle.

 

22 Nous ne trouvons pas trace de ses frères dans la généalogie de la demoiselle.

 

23 « Grever » : gêner, causer des dommages.

 

24 A une trentaine de kilomètres de Dieppe en poursuivant vers le sud-ouest après Ouville-la-Rivière. C'est une ville-phare de la présence protestante en pays de Caux encore aujourd'hui.

 

25 La rivière Saâne passe à Ouville-la-Rivière avant de se jeter dans la mer dix kilomètres plus loin, aujourd'hui entre Quiberville-sur-mer et Sainte-Marguerite-sur-Mer. Il est probablement question ici d'un très modeste port de grève à cette embouchure de la Saâne. Le château dit d'Ouville aujourd'hui n'est pas le seul château présent au XVIe siècle sur le territoire actuel de la commune, mais il est quant à lui situé à proximité immédiate de la Saâne.

 

26 « Moustier » : couvent, monastère, ou bien parfois seulement son église ou l'église paroissiale à proximité, ce qui est, comme on l'a dit, l'usage du mot que fait l'auteur du texte.

 

27 Notre-Dame-des Grèves, remplacée ensuite par une église plus vaste au Pollet, comme son nom l'indique au bord de l'eau des bassins du port. Le Pollet est aujourd'hui un quartier de Dieppe qui n'est pas sur le chemin du retour Ouville-Dieppe, au contraire, mais c'est là, plus qu'à Dieppe, qu'habitaient les pécheurs et marins (il est dit quelques lignes plus haut que la troupe dont il est question ici est composée de « mariniers »), d'où le « à leur retour ».

 

28 Neuville-lès-Dieppe, tout proche du quartier du Pollet, mais plus éloigné de la mer. Notre-Dame-des Grèves et le couvent des Capucins proche étaient entre Le Pollet et Neufville. La forme « Neufville-sur-Dieppe » est la plus courante au Moyen Age et à la Renaissance.

 

29 « Manans » : synonyme de « habitants ».

 

30 Henri Robert de La Marck (1539-1574), prince de Sedan et duc de Bouillon. Il est gouverneur de Normandie mais à la période qui nous occupe il se déclare pour la Réforme et perd son poste pour cette raison. Dans notre texte on le voit bienveillant envers les protestants de Dieppe mais encore investi – et habité – de l'autorité du roi, qu'il représente.

 

31 On sait peu de choses de ce capitaine, qui joue un rôle important dans le récit, comme on verra. La graphie habituelle est « Ricarville », c'est d'ailleurs celle utilisée dans la suite du document. Sur l'origine de ce nom, on pense au site de Ricarville-du-Val, entre Neufchâtel-en-Bray et Dieppe, mais à notre connaissance rien ne prouve qu'il était bien détenteur de ce fief. Il aurait eu un domaine à 3 ou 4 lieues de Dieppe, ce qui correspondrait à peu près.

 

32 Charles Poussard (1504-1584), seigneur de Fors, Saint-Trojan et Lignières, gouverneur de Dieppe et vice-amiral des côtes de Normandie. Les titres de « capitaine et gouverneur », parfois réunis en une personne, parfois distincts, ne suivent alors pas de règles fixes, notamment en cette période de troubles. On peut être capitaine du château de Dieppe sans être le gouverneur de la ville par exemple, mais tel capitaine du château a tôt fait de se revendiquer gouverneur s'il en a la possibilité. C'est ce qui semble être arrivé pour le sieur de Fors et pour son successeur René de Sigogne (à une période postérieure à notre document). Si le capitaine du château résidait en principe au château en question, ce n'était pas forcément le cas pour le gouverneur, qui pouvait résider en ville, dans une demeure privée, ou bien ne pas résider sur place du tout. Cette question de capitaine/gouverneur et de savoir qui exerce l'autorité à Dieppe est primoridale dans tout le document, et de nombreux noms de postulants ou de titulaires apparraissent au fil du récit.

 

33 Gaspard de Coligny (1519-1572), amiral de France, l'un des chefs les plus importants des protestants. Le titre d'amiral de France correspondait toutes proportions gardées à celui de ministre de la Marine, et donnait une grande autorité sur les ports.

 

34 Officier à qui l'on confie la responsabilité de servir à boire au roi à la cour. Cela ne signifie pas forcément que c'étaient des fonctions qu'exerçait encore le seigneur en question à la période qui nous occupe ; il pouvait les avoir exercées ou en avoir seulement reçu le tite sous un monarque précédent et continuer à s'en prévaloir.

 

35 4 mai 1562.

 

36 « Repue » : repas, étape pour prendre un repas.

 

37 « Emotion » : soulèvement, troubles.

 

38 « Atant » : là-dessus, alors.

 

39 Le nom de ce capitaine est le plus souvent écrit « Rouvray », et c'est la graphie utilisée dans le document ensuite. C'est un toponyme assez répandu, signifiant « lieu planté de chênes rouvres », et il est difficile d'en savoir plus sur le personnage d'après son seul nom.

 

40 « Psalmes » : psaumes, chants de la Bible traduits en français qui tiennent une grande place dans la religion protestante.

 

41 On comprendra que l'accueil est non conventionnel et peut être considéré par le duc de Bouillon comme irrespectueux, voire hostile, les soldats manifestant par leurs chants leur attachement à la foi protestante face à un représentant du roi (fut-il protestant déclaré ou non lui-même) dans un contexte de soulèvement protestant contre le pouvoir royal.

 

42 4 mai 1562.

 

43 « Scindicq » : pour « syndic ». Le procureur syndic (appelé ici « procureur et syndic ») représentait la communauté au sein des Etats de Normandie notamment, lorsqu'il fallait discuter l'impôt. Il semble qu'il se nommait Jean Levasseur.

 

44 « Experimenté » : éprouvé.

 

45 « Aguetz » : embuscade, piège.

 

46 Charles IX n'est déclaré majeur que l'année suivante, le 17 août 1563 (il a alors 13 ans), quelques mois après le mal reçu et mal accepté édit de pacification d'Amboise (mars 1563). Bien que déclaré majeur, c'est sa mère, Catherine de Médicis, qui continue d'exercer le pouvoir en son nom. Les protestants essaient de maintenir une fiction d'obéissance au roi, déclarant se rebeller contre l'entourage du roi et non contre le roi lui-même.

 

47 « Au precedent » : auparavant.

 

48 Le « magistrat » désigne le corps de ville, nous dirions aujourd'hui le conseil municipal. Voir notre publication sur le magistrat de Cambrai en 1582 : https://manuscrit-esperluette.jimdofree.com/cambrai-magistrat-1582/.

 

49 Ministre du culte réformé. Le terme de « pasteur » s'imposera progressivement plus communément.

 

50 L'Angleterre de Marie Tudor entre en guerre contre la France aux côtés de l'Espagne de 1557 à 1559. Elle y perd Calais, anglais depuis la guerre de Cent ans et repris par le duc de Guise en 1558.

 

51 « Leur serviroit d'escu » : leur servirait de bouclier.

 

52 5 mai 1562.

 

53 « Aulcuns » : lorsque le mot est au pluriel, il est en général synonyme de « certains ».

 

54 La ville d'Arques-la-Bataille, avec son puissant château médiéval, est la grande rivale de Dieppe durant la première guerre de Religion. Henri IV y remporte une victoire importante lors de sa conquête du pouvoir en 1589, ce dont le nom de la ville porte témoignage depuis. Elle est située à moins de 10 kilomètres au sud-est de Dieppe, en amont de la rivière Arques.

 

55 « Soldoyez » : payés, touchant une solde.

 

56 6 mai 1562.

 

57 10 mai 1562.

 

58 Claude II d'Aumale arrive à Rouen, tenue par les protestants, le 28 mai 1562. Il commence le siège de la ville mais avec trop peu d'hommes jusqu'à ce qu'il soit rejoint en septembre 1562 ar l'armée royale dirigée finalement par son frère François de Guise. La ville est prise d'assaut et pillée par les troupes de Guise en octobre 1562, malgré les renforts plus ou moins réguliers envoyés par les protestants de Normandie. Diverses péripéties de notre récit vont tourner autour de la question de ce siège de Rouen.

 

59 Comme nous l'avons dit, le prince de Condé a pris Orléans le 30 avril 1562, mais les protestants qui tiennent la ville sont sous la menace d'y être assiégés à leur tour par les troupes de François de Guise. Le siège commence bien au début de 1563, mais l'assassinat de François de Guise en mars y met fin.

 

60 « Dresser » : organiser, si ce n'est lever et organiser.

 

61 Le capitaine Valfenières est sans doute lui-même un vétéran de la prise de Calais en 1558 pour battre ainsi le rappel de ces soldats d'expérience. La gloire de la prise de la ville grâce à l'habile assaut du duc de Guise retentissait encore dans tous les cœurs de sodlats français, bien que les protestants soient désormais en 1562-1563 les alliés de l'Angleterre et les ennemis des Guise.

 

62 16 mai 1562.

 

63 L'église Saint-Jacques, principale église de Dieppe.

 

64 Notre-Dame-de-l'Assomption, encore aujourd'hui la très belle église paroissiale d'Arques-la-Bataille.La fortification de l'église d'Arques est rendue nécessaire du fait de son éloignement du château, qui ne peut la défendre directement.

 

65 « Berches » : à rapprocher sans doute de « broches », terme général pour tous types de lances, piques, etc.

 

66 « Harquebuze à croc » : arme à feu portative mais très lourde, dont on appuyait pour cette raison le canon sur une fourche plantée dans le sol pour tirer.

 

67 « Se deffians mesmes de ceulx de l'eglise dud. lieu d'Arques » : les habitants d'Arques se méfient de ceux parmi eux qui sont huguenots, qui doivent se réfugier à Dieppe.

 

68 « Destourbier » : obstacle.

 

69 « Marryz » : déçus.

 

70 24 mai 1562. Le jour de la Trinité est le premier dimanche après la Pentecôte.

 

71 La Cene est le dernier repas du Christ. Sa célébration a une place éminente dans le culte protestante, bien que pouvant différer selon les églises. Il s'agit ici de la célébration d'un office protestant dans la principale église de Dieppe alors affectée à ce culte.

 

72 Dans Théodore de Bèze (voir bibliographie en fin de page), on lit « 25 mars », mais c'est une erreur manifeste.

 

73 « Bestes aumailles » : le gros bétail. On a une troupe de 25 cavaliers accompagnant un troupeau de vaches et bœufs allant paître en champ ouvert en territoire potentiellement ennemi. Bref, un western.

 

74 Tout l'espace entre Dieppe et Arques, villes très proches, était constitué d'un fond de vallée plus ou moins marécageux, impropre à la culture mais qui convenait très bien au pâturage du gros bétail.

 

75 « Battre » : tirer au canon contre.

 

76 « Berches » : sans doute un synonyme de « flèches », à rapprocher du verbe « berser », tirer des flèches, bien que l'époque soit clairement à la préférence pour les armes à feu.

 

77 L'auteur change de ton. Le camp auquel il appartient n'est pas spécialement dissimulé depuis le début du texte, mais le ton reste assez neutre jusqu'à cette mention « les nostres » pour désigner les protestants (ou les Dieppois, ce qui à ce moment de l'histoire revient au même). Il reprend ensuite une relative neutralité de ton mais « les nostres » reparaît parfois.

 

78 « Batterye » : cannonade.

 

79 « Fut esmeu » : se souleva.

 

80 « Circumvoisines » : circonvoisines, des alentours.

 

81 Là encore, le terme « église » signifie la communauté des fidèles protestants, en l'occurrence de Luneray. Tous les partisans du secteur, catholiques comme protestants, semblent se ruent selon l'auteur à la bataille d'Arques pour renforcer leur camp respectif.

 

82 « Les mirent à vauderoutte » : les mirent en déroute.

 

83 « Six vingtz » : cent vingt.

 

84 « Navrerent » : blessèrent.

 

85 « Une treillye » : pour « treillis », grillage d'une fenêtre. Le mot n'est pas censé être féminin.

 

86 « Meschief » : méchef, accident fâcheux.

 

87 « Oncques puys » : jamais depuis.

 

88 « Hargouletz » : l'argoulet est arquebusier à cheval, équipé comme un chevau-léger, mais avec le maniement de l'arquebuse alors que le chevau-léger utilise des pistolets.

 

89 « L'envitailler » : le ravitailler, fournir au château les vivres nécessaires.

 

90 La « citadelle » ne comprend pas seulement le château de Dieppe encore existant, mais un système de défense en bastion à l'ouest de celui-ci, pour résister à une attaque venant du plateau entre Pourville et Dieppe.

 

91 Gentilhomme qui n'est cité que pour ses qualités de bon ingénieur. Plus loin il est question épisodiquement des compagnies confiées à un « capitaine du Couldray » qui est peu-être le même mais ne nous renseigne guère plus (le nom est un toponyme assez banal – lieu planté de couldres ou noisetiers – qui peut susciter beaucoup d'homonymies).

 

92 Jean de Monchy (c. 1505- meurt entre 1563 et 1570), seigneur de Senarpont, baron de Vismes. Il joue un rôle déterminant dans la prise de Calais aux Anglais par le duc de Guise en 1558, devient lieutenant général du roi en Picardie jusqu'à sa mort, et se convertit au protestantisme à Dieppe en 1559 en présence du réformateur écossais John Knox de retour de Genève.

 

93 Le Pollet est à l'autre extrémité de Dieppe par rapport au château, séparé par l'estuaire et les bassins du port. A la fin de la guerre de Cent ans, un fort avait été construit là par les Anglais, qui avait été pris par le jeune dauphin qui deviendra Louis XI.

 

94 Sans doute Jean de Clamorgan (c. 1480-1566), seigneur de Saane et de Saint-Pierre-Eglise, converti à la Réforme, marin, capitaine de navire et géographe, auteur d'un traité de chasse et d'un traité sur la construction et l'avitaillement navals.

 

95 « Prochaines » : proches. Ici, le terme « labourer » a sans doute plus un sens de « défricher », voire « creuser », car labourer (au sens moderne) des terres pour les inonder ne semble pas d'une très grande pertinence.

 

96 « Corceletz » : la partie de l'armure qui protège le buste. Il peut être porté seul, indépendament d'autre équipement de protection métallique.

 

97 « Morion » : casque caractéristique des armées du XVIe siècle et du début du XVIIe.

 

98 « Congé » : autorisation, permission.

 

99 « Royne » : reine. C'est la graphie quasi exclusive du mot à l'époque.

 

100 « Deux mil mynes de bled » : la mine est une unité de mesure qui variait selon les villes du royaume. On peut estimer que 2 000 mines font entre 100 et 150 tonnes de blé.

 

101 « Contrerolleur » : personne chargée de certains registres administratifs (rôles), de leur vérification. Il s'agit donc en principe d'une personne bien éloignée de toute fonction militaire, mais à qui l'on confie ici une compagnie (on dirait aujourd'hui un escadron) de cavaliers en raison de la guerre civile et surtout parce qu'il semble être gentilhomme : on sait qu'il était sieur de Grosmesnil (sans doute la commune de ce nom au sud de Dieppe, entre Rouen et Saint-Saëns).

 

102 Rappelons que l'Ecosse est un royaume indépendant à l'époque, pour lequel Dieppe était le port de transit le plus important vis-à-vis de la France. Le pays est alors dirigé par la catholique Marie Stuart, mais elle y est en butte à l'influence extrêmement forte et bientôt exclusive de la Réforme dirigée par John Knox, et il n'est pas étonnant que des contingents écossais « indépendants » viennent soutenir les protestants dieppois. Du reste il n'est pas dit que les « Ecossais » dont il est question ici viennent directement d'Ecosse : depuis l' « Auld Alliance » contre l'Angleterre pendant la guerre de Cent Ans, ravivée par le mariage de François II et de Marie Stuart (1559), nombre d'hommes d'armes écossais servent alors en France auprès du roi, et des gentilshommes écossais ont reçu des terres en France. Le comte de Montgomery, dont il sera question plus loin, était lui-même le fils d'un gentilhomme écossais venu servir François Ier et il était capitaine de la garde écossaise du roi Henri II lors de l'affaire malheureuse du tournoi de 1559.

 

103 « Soixante mil livres » : somme importante, équivalant à 4 ou 5 millions d'euros d'aujourd'hui (pour simplement donner un ordre d'idée).

 

104 « Besougner » : besogner, travailler.

 

105 « Aiant pouvoir » : ayant pouvoir, étant en état de le faire.

 

106 Théodore de Bèze (cf. bibliographie) écrit « seize ».

 

107 « Papistes » : catholiques. Le mot est péjoratif. L'auteur n'emploie que celui-là à l'encontre des catholiques, ou bien « ceux de la religion contraire ».

 

108 A une trentaine de kilomètres au nord-est de Dieppe, en suivant le littoral.

 

109 Neufchâtel-en-Bray, à une quarantaine de kilomètres au sud-est de Dieppe, en direction de Beauvais.

 

110 Amiens est à une centaine de kilomètres à l'est de Dieppe.

 

111 Montreuil ou Montreuil-sur-Mer (Somme) si l'on suit la logique de l'énumération de villes du texte, car Montreuil (Seine-Saint-Denis) relève d'une autre aire géographique. Montreuil-sur-Mer est dans l'arrière-pays d'Etaples, mais, comme pour Boulogne-sur-Mer dont la ville est peu éloignée (50 kilomètres, 100 kilomètres de Dieppe), les réfugiés sont sans doute venus via la mer (en suivant la Canche dans un premier temps). Il est également possible qu'il s'agisse de la ville de Moreuil, proche d'Amiens et située dans le même bassin de la Somme que les villes de Conty, Roye et Montdidier citées ensuite, mais c'est moins probable.

 

112 Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) est à cent cinquante kilomètres de Dieppe, au nord de Montreuil.

 

113 Conty, Roye et Montdidier sont trois villes du même bassin de la Somme au sud d'Amiens. Roye est la plus éloignée de Dieppe (150 kilomètres). On voit que la population protestante qui émigre à Dieppe avait des caractères communs, dépendant parfois des mêmes seigneurs (Conty et Roye par ex.).

 

114 Le chiffre de douze ministres du culte protestants est intéressant car au delà de l'énumération des villes qui précède (au nombre de huit), il donne une idée du nombre de communautés de différentes provenances qui convergent vers Dieppe. On notera que la ville d'Aumale, fief des Guise, s'interpose entre les villes du bassin d'Amiens citées et Dieppe, si l'on vient par route. Il est donc fort probable que les protestants fuyant ces zones de Picardie aient suivi les affluents de la Somme près desquels sont construites leurs villes puis la Somme elle-même jusqu'à la mer comme les éventuels Montreuillois ont suivi la Canche. L'idée qu'il s'agit de groupes organisés autour de leur pasteur et non d'individus ou de familles gagnant Dieppe de façon éparse renforce l'hypothèse.

 

115 « Meubles » : pas seulement le mobilier, mais tout objet déplaçable. Le mot revient à plusieurs reprises dans le texte dans les passages parlant ni plus ni moins que de pillages généralisés.

 

116 La très riche ville d'Anvers, aux Pays-Bas, n'est pas encore engagée dans la lutte contre la Couronne d'Espagne, qui ne commence qu'en 1566. Ce n'est donc qu'au titre de leur communauté religieuse ou à titre privé que les protestants d'Anvers aident ceux de Dieppe. Chez Théodore de Bèze (cf. bibliographie), c'est la ville d'Amiens qui envoie cent écus, dans un passage similaire, ce qui n'est pas impossible mais est sans doute une erreur manifeste, puisque Amiens est mentionné comme origine de réfugiés et non ville à communauté protestante puissante. Le fait que Amiens soit mentionné peu avant est sans doute la raison de la mauvaise lecture du nom d'Anvers par Bèze.

 

117 Cent écus sont l'équivalent d'un peu moins de 25 000 euros de nos jours.

 

118 En Normandie la vicomté est une circonscription administrative. Dieppe et Arques étaient deux vicomtés disctinctes.

 

119 « Cources » : expéditions, raids.

 

120 Le pot, ou quade, ou cade, est une unité de mesure valant 2 pintes, soit approximativement 2 litres (1,829 litres pour le pot d'Arques). Deux sous le pot, soit un sol le litre est un prix bas mais normal. On remarquera que le pot d'Arques était une unité de mesure qui s'appliquait à toute la Normandie voire à une très grande partie du nord de la France, car le vicomte d'Arques avait traditionnellement la charge des poids et mesures en Normandie.

 

121 2 sous 6 deniers. Un denier valant 1/12 de sol, un prix de 2 sous 6 deniers équivaut à 2,5 sols.On passe donc de prix variant entre 1 sol le litre à 1,25 sols le litre pour le vin de meilleure qualité. Ce serait en effet un prix très raisonnable quand le vin à cette époque, s'il est cher, peut atteindre 2 ou 3 sols (ou sous) le litre par endroit, comme on le voit ensuite dans le prix donné pour Arques (4 sols le pot, soit 2 sols le litre). La Normandie, comme toutes les provinces de France alors, produisait du vin, mais Dieppe avait l'avantage sur Arques de pouvoir plus facilement s'approvisionner par mer ailleurs (et sûrement en meilleur vin que du vin normand...).

 

122 « Et y en avoit faulte » : il en manquait.

 

123 L'hiver 1561-1562.

 

124 Aujourd'hui la Côte Sainte-Catherine, jadis emplacement d'une petite citadelle défendant l'accès sud-est de Rouen. S'en emparer était un préalable indispensable pour mettre vraiment le siège devant Rouen. N'ayant pas assez de troupes, Aumale lève le siège du fort. Selon Théodore de Bèze, cela advint vers le 12 juin 1562.

 

125 Montivilliers et Harfleur sont deux villes défendant l'approche terrestre et fluviale de la ville du Havre.

 

126 Jean Basin, sieur de Lanquetot.

 

127 Juin 1562.

 

128 C'est l'équivalent de 150 000 euros d'aujourd'hui.

 

129 Fécamp est à mi-chemin entre Dieppe et Le Havre. Aumale venant de la région du Havre, au sud, Dieppe peut sembler être son objectif.

 

130 Le Bourg-Dun et Longueil sont deux localités sur la route de Fécamp à Dieppe, à mi-chemin entre Saint-Valery-en-Caux et Dieppe. Longueil est voisin d'Ouville-la-Rivière déjà cité. De là, on peut passer directement à Arques en contournant Dieppe par le sud pour avoir une bonne base arrière pour le siège de Dieppe.

 

131 « La munition » : désigne ici les stocks de nourriture du camp militaire. Le pain « de munition » se gardait plus longtemps que le pain quotidien.

 

132 « Ains » : mais.

 

133 « Monstres » : défilé, revue militaire pour contrôle des effectifs et des équipements ou pour parader.

 

134 Luneray, localité déjà citée.

 

135 « Praticquer » : établir des contacts, voire négocier, convaincre, soudoyer.

 

136 « Meschant » : ici, sens de méprisable, corrompu.

 

137 Pavilly et Barentin sont deux villes voisines aux approches de Rouen lorsqu'on vient de Fécamp via Yvetot. C'est faire un grand détour par le sud que de prendre cette route si la destination est vraiment Arques-la-Bataille. Aumale avait sans doute déjà pris sa décision bien avant d'arriver à Pavilly ou Barentin.

 

138 Pont-de-l'Arche (Eure), au sud de Rouen. C'était un lieu important et fortiffié de franchissement de la Seine en amont de Rouen.

 

139 Les passages sur le fleuve sont rares et Pont-de-l'Arche permet à Aumale de communiquer avec l'armée bien plus importante de son frère le duc de Guise qui assiège alors Orléans, voire de faire retraiter son armée vers lui en cas de besoin.

 

140 Allusion au Livre de Samuel I, 23. 23-28. Le roi Saül poursuit David dans le désert montagneux de Maon ou Maône, et est bien prêt de le capturer mais il apprend que l'armée des Philistins a fait irruption pendant ce temps dans son royaume et il abandonne la poursuite pour se tourner contre elle.

 

141 Parfois écrit « Monlandin » (plus loin dans ce texte), et dans d'autres chroniques « Montlandin », « Molendrin », « Malendrin » ou même « Landry ». A rapprocher de « Montlandry », fief associé à celui de la Vaupalière proche de Rouen au XVIIe siècle ?

 

142 Juillet 1562.

 

143 Fallencourt (seine-Maritime), à moins d'une centaine de kilomètres au nord-est de Rouen et à 150 kilomètres de Calais. Le convoi d'armes a sans doute franchi la Bresle à Blangy-sur-Bresle, puis fait étape à Fallencourt à la sortie de la forêt d'Eu, avant de poursuivre vers Rouen par Neufchâtel-en-Bray. Il pouvait à ce niveau ou bien plutôt à la ville suivante de Foucarmont encore envisager de bifurquer plutôt vers la ville d'Aumale.

 

144 Fallencourt est à une quarantaine de kilomètres de Dieppe, soit en effet une dizaine de lieues.

 

145 « Corceletz completz » : les corselets capturés comportaient sans doute en plus du plastron (partie avant) non seulement la partie arrière (la dossière) mais également les tassettes protégeant jusqu'aux cuisses. Des protections également métalliques pour les bras et avant-bras sont peut-être incluses mais c'est moins sûr.

 

146 Jean d'Estouteville, chevalier, sieur de Villebon, Beaurepaire, etc., bailli et capitaine de Rouen et Thérouanne, gouverneur de Picardie, lieutenant-général en Normandie et Picardie, mort en 1565. Catholique ferme, ancien compagnon de Montluc, il ne peut pourtant s'opposer à la mainmise protestante sur Rouen en 1562.

 

147 « Hacquenee » : cheval de monte aisée, souvent une jument et souvent de taille moyenne, utilisé comme on le voit ici pour voyager, par opposition aux « grandz chevaulx » mentionnés ensuite, qui servent, eux, pour le combat, et vont aussi plus vite : le lieutenant de Villebon en voyant l'ennemi arriver abandonne à la hâte sa haquenée pour un cheval de bataille (plus cher mais aussi plus propre au combat... ou plus rapide pour fuir).

 

148 Le « g » de début de mot illustre très bien que la lettre « g » est tracée par l'auteur comme un « j » moderne et que des mots comme « compagnie » par exemple sont bien écris la plupart du temps sous la forme « compaignie » (le « i » avant le « g » est bien un « i » et non une partie de la boucle – inexistante – du « g »).

 

149 21 juillet 1562.

 

150 Le Tréport, sur le littoral à une trentaine de kilomètres (7 lieues, comme il est dit plus loin) au nord-est de Dieppe. C'est le port abrité le plus proche de Dieppe dans cette direction.

 

151 23 juillet 1562.

 

152 Cent ou cent vingt (6 vingts).

 

153 « A demy lieue » : à peine à deux kilomètres. En réalité, la distance Eu-Le Tréport devait être comme aujourd'hui d'une bonne lieue complète (4 kilomètres).

 

154 L'abbaye Saint-Michel du Tréport. Elle a beaucoup décliné dès avant la guerre de Cent ans et est dévastée, pillée ou brûlée à plusieurs reprises avant de voir sa fin définitive avec la Révolution.

 

155 2 août 1562.

 

156 Aujourd'hui Cany-Barville, entre Fécamp et Saint-Valery-en-Caux, à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Dieppe. La distance de sept lieues qui apparaît un peu plus loin est un peu sous-estimée.

 

157 En Normandie les vicomtés sont des circonscriptions administratives des bailliage. En 1503 la vicomté de Caux, ou de Caudebec comprenait les sergenteries de Caudebec, Bolbec, Baons-le-Comte, Cany, Grainville et Canville.

 

158 « Des fidelles » : comprendre ici, des protestants.

 

159 Veulles-les-Roses et Saint-Valery-en-Caux sont deux localités sur la route qui longe le littoral pour aller à Cany-Barville. Cany se trouvant plus à l'intérieur des terres (son débouché maritime est Veulettes-sur-Mer) on voit ainsi la route suivie par les protestants dieppois, qui préfèrent un trajet plus long que la distance à vol d'oiseau, mais plus simple, comme aujourd'hui, que de passer par Luneray etc.

 

160 « Concité » : excité.

 

161 « Avantcoureurs » ou avant-coureurs : éclaireurs, sans doute ici (et comme souvent) à cheval.

 

162 Ce sont sans doute les falaises entre Veules-les-Roses et Sotteville-sur-Mer qui furent témoins (et causes) du drame.

 

163 Seuls les objets trop volumineux, qui ne peuvent être transportés sans gros mode de transport, sont laissés sur place.

 

164 Les avocats du roi, nommés par le souverain, étaient les adjoints du procureur.

 

165 12 août 1562.

 

166 Le village de Martin-Eglise est en effet tout proche d'Arques, au nord, mais le terrain entre les deux sites est propice aux marécages, en raison des cours d'eau de la Varenne, de l'Eaulne, de la Béthune et de l'Arques, et la particularité a sans doute été utilisée à dessein par le capitaine dieppois pour son embuscade. L'escarmouche a semble-t-il eu lieu sur la route menant d'un village à l'autre, coincée entre la pente douce montant vers forêt ou forestière elle-même peut-être à l'époque, à l'ouest, et les marais des rivières Eaulne et Béthune à l'est. L'escarmouche a donc eu lieu approximativement en contrebas de l'endroit où est érigé le monument appelé « la pyramide » qui commémore la victoire d'Henri IV sur le duc de Mayenne en ces lieux une génération plus tard (Arques-la-Bataille, 15-29 septembre 1589).

 

167 Archelles est la partie du bourg d'Arques qui est à l'entrée en venant de Martin-Eglise. C'est en amont de la Béthune par rapport au lieu de l'escarmouche, mais de l'autre côté de la rivière par rapport à Arques : on voit donc que la troupe arquoise en reflux vers son village est séparée de celui-ci par la rivière et a donc sans doute du mal à y trouver refuge. Le manoir d'Archelles date de cette période mais s'il était achevé il est tencore trop loin en amont de la Béthune par rapport au pont pour jouer un rôle, car c'est le pont permettant de se réfugier à Arques qui devait être l'objectif premier des fuyards, et non le manoir.

 

168 On trouve ailleurs « Delalande » ou « La Landre ».

 

169 14 août 1562.

 

170 Deux chemins partaient vers le sud à partir de la porte principale de Dieppe au pied du château : l'actuelle très escarpée avenue Gambetta menant à la côte qui domine Dieppe au sud, et l'actuelle rue du Général Chanzy qui suit la vallée par Bouteilles et mène tout droit à Arques-la-Bataille. On peut estimer que la tactique était dangereuse, car si elle permettait en effet de prendre Arques en tenaille, la communication entre l'infanterie et la cavalerie était rendue impossible par le très fort dénivelé et la distance entre le « chemin d'en haut » et le « chemin d'en bas » pendant une très grande partie du trajet, comme on va le voir.

 

171 L'auteur accuse ici des habitants de Dieppe d'être de connivence avec l'ennemi catholique et d'avoir prévenu celui-ci au moyen de signaux de feux ou de fumée, ce qui n'est pas d'une probabilité très évidente. La trahison est toujours l'excuse la plus facile à trouver en cas d'échec militaire.

 

172 Comme on l'a vu, la cavalaerie et l'infanterie sont trop loin l'une de l'autre.

 

173 Août 1562.

 

174 Antoine de Bourbon (1518-1562), père de Henri IV.

 

175 « Parquoy » : en conséquence de quoi.

 

176 Louis Ier de Bourbon-Condé, prince de Condé, déjà mentionné mais pas sous cette forme. Il ne va presque plus être nommé autrement que « monsieur le Prince » dans le reste du texte.

 

177 « Aulcun mercy » : aucune pitié. « Merci » peut être féminin ou masculin à l'époque.

 

178 « Paour » : peur.

 

179 « Seur avres » : des ports sûrs pour accoster librement.

 

180 Nombre de protestants dieppois ou réfugiés à Dieppe dans un premier temps choisissent en effet de partir en Angleterre lors de la première et deuxième guerre de Religion.

 

181 Jean II de Ferrières (1520-1586), seigneur de Maligny et vidame de Chartres, maître d'oeuvre du traité d'Hampton Court (1562) qui livre le Havre aux Anglais.

 

182 « Roberge » : type de bateau de guerre anglais (parfois écrit « ramberge »).

 

183 « Flouyn » : flouin, petit bateau ponté mais à faible tirant d'eau pouvant naviguer à la voile ou à la rame et naviguer sur les rivières et en mer le long des côtes peu exposées.

 

184 Sans doute Edward Clinton, premier comte de Lincoln, Lord High Admiral d'Angleterre, car la charge de vice-amiral d'Angleterre est une charge précise, qui n'est pas pourvue en 1562, et ce depuis 1558 et la mort du dernier titulaire. Avant que Ambrose Dudley, comte de Warwick, n'aille occuper le Havre fin octobre 1562, Edward Clinton aurait fait une tentative pour aider les protestants du Havre et aurait donc bien navigué dans la Manche à la date mentionnée ici.

 

185 Jean de Lannoy (mort en 1569), chevalier, seigneur de Morvilliers, Gannes, Paillart etc., gouverneur de Boulogne et du Boulonnais. Il fait partie des huguenots désapprouvant l'accord avec l'Angleterre.

 

186 Sans doute Nicolas Rouault (ap. 1527- av. 1583), seigneur de Gamaches, Thiembronne et Bouchavannes, baron de Longroy. Huguenot, il est sauvé par le roi pour sa fidélité lors de la Saint-Barthélemy.

 

187 29 août 1562.

 

188 Peut-être le même personnage que le « sieur de Coudray » que l'on a vu préalablement chargé des travaux d'ingénierie pour renforcer la citadelle.

 

189 25 août 1562.

 

190 « Aulcuns d'eulx firent profession de l'Evangile » : certains se convertirent au protestantisme.

 

191 17 septembre 1562.

 

192 S'il s'agit bien d'un gentilhomme du pays, comme la plupart des protagonistes cités, on peut penser qu'il s'agit de Belleville-sur-Mer, à une petite dizaine de kilomètres au nord-est de Dieppe.

 

193 L'auteur entend sans doute désigner ainsi les hauteurs entre Calmont et Gruchet au nord-ouest d'Arques, qui dominent la ville.

 

194 Nous ne trouvons trace que d'un Adrien Le Comte capitaine de navire dans les environs en 1555.

 

195 18 septembre 1562.

 

196 On l'a vu, « moustier » est utilisé pour désigner les églises. C'est donc bien le comble de l'église paroissiale d'Arques qui est ici incendié.

 

197 « Somptueux et magnifique » n'a pas forcément de valeur esthétique et peut seulement signifier des dimensions un peu impressionnantes. A contrario l'auteur parle cependant ensuite de la beauté des vitraux brisés. Mais quelle que soit la valeur esthétique de ce qui est détruit à Arques, qui devait être grande, cette valeur esthétique elle-même peut être condamnable pour les iconoclastes.

 

198 « Belle » : comprendre sans doute « baile », palissade en bois extérieure d'un ouvrage de défense.

 

199 De 20 à 25 kilomètres autour de Dieppe. C'est tout l'arrière-pays de Dieppe, dessinant un arc de cercle autour de la cité qui s'arrête au territoire autour de cités d'un peu d'importance comme Saint-Valery-en-Caux, Eu-Le Tréport et Neufchâtel-en-Bray à 30 ou 40 kilomètres de là.

 

200 30 septembre 1562.

 

201 Ou « Monnins », « Monvins » ou « Mounins », mais nous ne trouvons pas trace de personnage avec l'un de ces noms dans ce contexte.

 

202 François de Beauvais de Briquemault (c. 1502-1572), seigneur huguenot voisin, vassal et ami de Coligny. Il est alors le gouverneur de Rouen assiégé. Soldat intrépide lors des guerres d'Italie, il commet des exactions sans nombre lors des guerres de Religion.

 

203 Nom de la ville du Havre au XVIe siècle, le mot « havre » signifiant simplement « port ».

 

204 3 octobre 1562.

 

205 Comme aujourd'hui, une compagnie d'infanterie, commandée par un capitaine, regroupait entre 100 et 150 soldats. Les 500 ou 600 Anglais représentent donc l'ensemble de la troupe débarquée, en trois compagnies bien étoffées de 160 ou 200 hommes chacune.

 

206 « En bon equipage » : bien équipés.

 

207 « A la poursuitte des deputez de monsieur le Prince » : dans la continuité des offres toutes récentes (traité d'Hampton Court, 20 septembre 1562) des envoyés du prince de Condé aux Anglais. Condé demandait les secours des Anglais contre la livraison des ports français du Havre et de Dieppe, avec pour objectif éventuel de négocier leur restitution contre Calais (dont la perte alors récente resta longtemps très amère pour l'Angleterre).

 

208 4 octobre 1562.

 

209 « Six vingtz » : cent vingt.

 

210 « Reistres » : reîtres, cavaliers mercenaires allemands, le plus souvent équipés à la légère (pistolets).

 

211 Jean-Philippe Ier de Salm (1520-1566), dit le comte de Rhingrave ou le comte rhingrave. Prince allemand servant comme mercenaire avec ses troupes pour la couronne de France, bien que luthérien lui-même.

 

212 Les soldats du comte rhingrave servant le roi de France mais sans doute luthériens comme leur maître avait ainsi tous prétextes pour dépouiller et malmener tout individu sur leur route.

 

213 15 octobre 1562.

 

214 Jean d'Annebault (1527-1562), baron de Retz, seigneur de Machecoul, fils de l'amiral Claude d'Annebault (voir notre publication du document nommant celui-ci capitaine de Dieppe : https://manuscrit-esperluette.jimdofree.com/annebault-dieppe-1545/). Il meurt à la bataille de Dreux en décembre 1562.

 

215 Dans la première moitié du XVIe siècle, à l'époque où Dieppe est florissante, un remarquable aqueduc à travers la colline du Petit-Appeville, au sud-ouest, a été creusé, à partir d'une source située au lieu-dit le Gouffre, à Saint-Aubin-sur-Scie. Auparavant, les puits creusés dans la ville ne fournissaient qu'une eau insuffisante et saumâtre. La fontaine principale où aboutissaient ces canalisations souterraines était la fontaine de la Barre, près de la porte du même nom, au pied du château.

 

216 « Cahot » : le mot est propre à la Normandie, c'est une conduite en pierre pour l'eau.

 

217 Des découvertes archéologiques fortuites ont révélé que la canalisation était en effet constituée, du moins dans certaines portions, de deux conduites jumelles.

 

218 17 octobre 1562.

 

219 Pavilly est à 20 kilomètres au nord-ouest de Rouen, à mi-chemin entre Rouen et Yvetot.

 

220 Henri Ier de Montmorency, baron de Damville (1534-1614), connétable de France sous Henri IV.

 

221 22 octobre 1562.

 

222 Un membre de la famille du Bosc, seigneur de Bois d'Ennebourg (localité à quelques kilomètres à l'est de Rouen). On trouve souvent la graphie « d'Annebourg ».

 

223 La ville de Bourges est reprise par l'armée royale aux protestants le 1er septembre 1562. Les assiégés eurent la vie sauve contre l'enrôlement dans l'armée royale, dont les troupes menées par Guise pour assiéger Rouen.

 

224 Edward Ormesby, chef des 600 Anglais débarqués à Dieppe.

 

225 « Saulvement » : en sûreté.

 

226 « S'opiniastrer » : s'entêter.

 

227 Les privilèges d'une ville pouvaient être fiscaux, mais il pouvait s'agir également d'être dispensé de l'obligation de loger des soldats chez l'habitant, ce qui avait un coût mais pouvait surtout être l'occasion de frictions et de brutalités. Cet aspect est discrètement évoqué à quelques reprises dans le document.

 

228 24 octobre 1562.

 

229 Le 26 octobre 1562, après une semaine de bataille sur une partie du rempart, une brèche est faite et les troupes royales se répandent dans la ville de Rouen. Malgré une promesse de double paie si la troupe évitait le pillage, la reine mère voulant épargner dans l'intérêt de son fils la deuxième ville la plus riche du royaume, la ville est pillée, y compris les églises, et une partie des habitants est massacrée.

 

230 Nicolas Augustin de Saint-Pierre.

 

231 Charles Martel (avant 1526- avant 1566), seigneur de Basqueville, ou Bacqueville (Bacqueville-en-Caux). Seigneur du pays qui se convertit au protestantisme à Dieppe en 1559 en présence de John Knox ainsi que Sénarpont et devient ainsi le principal seigneur protestant de la région. Il est laissé par le duc de Bouillon à Rouen pour diriger la ville aux mains des huguenots en 1562, mais c'est un modéré soucieux d'éviter les désordres et de rester fidèle au roi. Il s'échappe de Rouen avant la prise de la ville par l'armée royale et on le voit même ici jouer un rôle d'envoyé de la reine mère pour rendre Dieppe à l'obéissance du roi.

 

232 « Impetrer » : solliciter.

 

233 « Magistrat » : quand le terme ne désigne pas le conseil municipal, comme nous l'avons évoqué plus haut, il peut désigner tout type de fonction publique, mais en parlant du roi c'est assez curieux et rare.

 

234 Il est écrit « que ce soit », mais c'est manifestement une erreur du copiste.

 

235 Le « elle » se rapporte à « Sa Majesté », le roi donc.

 

236 La réponse royale est datée du 29 octobre. Le roi laisse jusqu'au dimanche 1er novembre au soir aux Anglais pour quitter la ville, avant que le maréchal de Montmorency n'arrive le lendemain 2 novembre pour reprendre possession de la ville.

 

237 Anne de Montmorency (1493-1567), maréchal de France.

 

238 « Cependant » : pendant ce temps.

 

239 « Penultime » : pénultième, avant-dernier (jour), 29 octobre 1562.

 

240 Jacques Bourdin, seigneur de Vilaines (ou Villaines, il s'agit en fait de Villennes-sur-Seine, Yvelines), mort en 1567, secrétaire d'Etat.

 

241 30 octobre 1562.

 

242 « Porteur » : porteur de lettres. Mot extrêmement courant à l'époque dans les lettres pour désigner la personne qui les transmet. C'était souvent une mission très ponctuelle, comme ici, et non une fonction en soit.

 

243 « Remonstrances » : exposé, mais sans le sens réprobateur aujourd'hui attaché au mot. Présenter des remontrances au roi était présenter une argumentation, une requête, sans lui reprocher quoi que ce soit pour autant. Du moins pas directement.

 

244 « Emologuer » : homologuer, confirmer, rendre exécutoire.

 

245 « Elles » : se rapporte aux prêches, mais le mot n'est pas spécialement reconnu comme féminin à l'époque non plus qu'aujourd'hui.

 

246 « D'habondant » : d'abondant, de plus, en outre.

 

247 « Mainlevee » : levée d'une saisie ou autre action exercée par l'autorité souveraine à l'encontre d'une personne et de ses biens.

 

248 Porter l'épée est permis aux gentilshommes depuis une époque médiévale reculée, mais porter des pistolets pouvait être considéré comme un signe d'une situation de guerre. En août 1563, le roi décide que seules les armées royales sont autorisées à détenir des armes à feu.

 

249 On parle toujours du roi ici.

 

250 « Appoinctement » : accord, arrangement.

 

251 Il s'agit de Jean Ribault (1520-1565), le capitaine et explorateur dieppois qui fonde en 1562 une colonie française en Floride. Revenu à Dieppe en pleine guerre de Religion la même année, protestant, il y participe avant de partir peu après, comme on le voit ici, en Angleterre. Mis à la tête d'une deuxième expédition qui part de Dieppe en 1565, il est exécuté en Floride par les Espagnols qui détruisent la colonie comme protestant (il n'y a pas d'état de guerre entre la France et l'Espagne alors).

 

252 François de Saint-Paul, ministre venu de Montélimar vers 1560 et qui joue un rôle important dans l'implantation du culte protestant à Dieppe.

 

253 2 novembre 1562, soit dès le lendemain du jour fixé aux Anglais pour qu'ils évacuent la ville.

 

254 « Gratieulx » : pour « gracieux », bienveillant.

 

255 « Soldoyez » : payés.

 

256 « En l'outreplus » : au surplus.

 

257 « Contentions » : tensions, luttes.

 

258 « Contemnement » : mépris.

 

259 « Maronniers » ou « marouniers » : comprendre « mariniers », les marins.

 

260 « Ensuyr » : ensuivre.

 

261 « Gratieusement » : avec bienveillance.

 

262 Anne de Montmorency était résolument catholique et résolument dans l'armée royale qui combat alors les protestants, mais Gaspard de Coligny, l'un des chefs huguenots majeurs, était son neveu, et dans ces années de guerre religieuse le maréchal sauve des protestants à plusieurs reprises de l'exécution en intervenant auprès du roi.

 

263 « Cueillette » : une quête, un appel aux dons.

 

264 Les responsables de la discipline au sein de la communauté des fidèles, dans le calvinisme. Ce sont le plus souvent des conseillers des divers conseils de la ville.

 

265 « Vesquirent » : vécurent.

 

266 « Presbtre » : prêtre. L'auteur énonce que les prêtres, chassés de Dieppe par les huguenots pendant « les troubles », ne se pressent pas de revenir.

 

267 20 décembre 1562.

 

268 On lit parfois ailleurs « Gaston », mais il semble que « Gascon » qui est ici soit plus fiable. C'était un capitaine de Montgommery.

 

269 Jacques de Malderrée, sieur de Catteville (le village de Catteville à une quinzaine de kilomètres au sud de Dieppe). Il est compromis dans une affaire de complot pour reprendre Dieppe aux catholiques en 1569 et exécuté.

 

270 Bacqueville résidait Grand'Rue à Dieppe.

 

271 « Sur sa foy » : prisonnier sur parole.

 

272 « Que vous veistes oncques » : que vous vîtes jamais. On dirait aujourd'hui « on n'a jamais vu des gens avoir autant l'air de vouloir tuer un capitaine ».

 

273 « Meschief » : malheur.

 

274 « A son honneur » : à l'honneur de Dieu.

 

275 « Intelligence » : compromission, accord.

 

276 « Benefice » : bienfait.

 

277 « C'est assçavoir » : c'est-à-dire.

 

278 23 décembre 1562.

 

279 La bataille de Dreux, 19 décembre 1562, où Condé est capturé. La bataille a été meurtrière et très disputée.

 

280 On parle ici du roi, prétenduement toujours en Normandie. En fait, la Cour était revenue à Paris ou aux alentours (Vincennnes, Rambouillet etc.) en décembre 1562.

 

281 Le verbe a pour sujet implicite les habitants de Dieppe.

 

282 « Satisfactoire » : de nature à expier les fautes commises.

 

283 24 décembre 1562.

 

284 « Routte » : défaite, déroute.

 

285 « La religion » : la religion réformée. Bacqueville est un protestant modéré.

 

286 Nuit du 25 au 26 décembre 1562.

 

287 Ce soldat est donc un transfuge de l'armée des Guise, ce qui ne présume pas de ses convictions profondes et ne légitime pas en soi ce qu'on lui reproche, car les transfuges d'un camp à l'autre, volontaires ou forcés, ne sont pas rares durant les guerres de Religion.

 

288 27 décembre 1562.

 

289 Gabriel de Montgomery (1530-1574), assassin involontaire du roi Henri II et l'un des chefs protestants de Normandie. Voir notre publication précédente : https://manuscrit-esperluette.jimdofree.com/montgomery-1563/.

 

290 Les protestants normands qui ont saisi la ville du Havre en mai 1562 la cèdent aux Anglais en septembre 1562 par le Traité d'Hampton Court. Ils s'y installent en octobre et la ville ne sera reprise par le roi qu'en juillet 1563.

 

291 François de Beauvais de Briquemault (c. 1502-1572), déjà mentionné dans le document, mais sous le nom de Briquemault. Son rôle de gouverneur du Havre n'est pas extrêmement connu, c'est Coligny qui est censé l'être, bien que ce soit par usurpation.

 

292 Cela paraît étonnant, mais le chroniqueur fait une différence entre Beauvais et Briquemault, qui sont une seule et même personne.

 

293 Comprendre « de la minorité du roi », non encore reconnu majeur, comme on l'a vu.

 

294 Les protestants ne se déclarent pas contre le roi mais prétendent le soustraire à l'influence du clan catholique, le roi étant mineur et donc considéré sous influence. C'est un argument commun à nombre de rebelles dans les périodes de régence et de guerre civile qui peut paraître spécieux mais dès lors que les protestants prennent les armes pour défendre leurs intérêts religieux, c'est la seule façon de s'assurer un semblant de légitimité politique, et ainsi de tenter de rallier le tiers parti, c'est-à-dire les modérés des deux camps.

 

295 La bataille de Dreux est une victoire royale (et catholique) mais elle avait bien commencé pour les protestants et aurait pu être une victoire pour eux.

 

296 29 décembre 1562.

 

297 On a déjà vu que le comte rhingrave sert comme mercenaire avec ses troupes l'armée royale par loyalisme envers qui l'a engagé, mais il est luthérien.

 

298 « Qu'ilz se recongneussent » : qu'ils reviennent de leur égarement.

 

299 Nous avons déjà publié un texte sur un capitaine du Havre emprisonné à la même époque car soupçonné d'avoir eu connaissance de lettres du même type de la part du Rhingrave incitant les protestants à se rendre à l'autorité royale. Voir https://manuscrit-esperluette.jimdofree.com/cavellier-1562/.

 

300 Voilà une promesse bien aventureuse de la part du Rhingrave. Le comte de Montgomery avait fui la cour après avoir tué le roi Henri II, présumant que la vengeance de Catherine de Médicis pour avoir tué son mari ne s'arrêterait pas au fait que c'était un accident. Depuis, il s'était converti au protestantisme et avait participé à la guerre civile mais Montgomery devait se douter que ce n'était pas en déposant les armes et en rendant la place de Dieppe que Catherine oublierait sa vindicte à son égard et lui rendrait titres et biens comme si de rien n'était. De fait, quand une dizaine d'années plus tard il se rend au comte Jacques de Matignon qui l'assiège dans Domfront contre la promesse de celui-ci d'avoir la vie sauve et d'être traité en prisonnier de guerre, il est en fait jugé pour lèse-majesté et exécuté en place de Grève à Paris quelques jours plus tard, sur les instances de la reine Catherine.

 

301 Nous n'avons pas trouvé trace de personnage de ce nom ailleurs dans ce contexte. Une lecture alternative « Castelau » paraît peu envisageable.

 

302 François de Scépeaux de Vieilleville (1509-1571), tout récemment fait maréchal de France à la fin de décembre 1562.

 

303 Le roi François II. Lors de l'agitation dans les provinces qui suit la répression de la conjuration d'Amboise, Vieilleville, qui était à Rouen à l'automne 1560, arrive par surprise à Dieppe en ébulition et réussit à s'assurer la soumission de la ville au roi et à faire détruire un grand théâtre ou amphithéâtre de bois qui avait été élevé à Dieppe sans permission du roi pour y faire les prêches protestants. Selon le mémorialiste du maréchal (l'auteur de ses Mémoires, Vincent Carloix, est son secrétaire), la célérité de cette intervention, qui fait un nombre de victimes très limité, aurait sauvé Dieppe d'une plus grande répression. On voit que cela semble être l'avis de Vieilleville lui-même.

 

304 Caudebec-en-Caux, à mi-chemin entre Le Havre et Rouen, environ 70 kilomètres au sud-ouest de Dieppe.

 

305 5 janvier 1563.

 

306 La parenté entre Gabriel de Montgomery et Johann Philipp von Salm, comte palatin du Rhin, est rien moins que sure, même en cherchant du côté du mariage en 1548 de Johann Philipp avec la Française Jeanne de Ricard de Genouillac.

 

307 « Se déporteroient » : renonceraient à.

 

308 Le château de Tancarville. Voir notre publication précédente, https://manuscrit-esperluette.jimdofree.com/cavellier-1562/, note 11.

 

309 « A son desceu » : à son insu.

 

310 « Appoincter à luy » : lui arranger les choses.

 

311 « Party » : ici, situation, état.

 

312 « Fit assiette » : fixa un impôt (ou affecta les recettes d'un impôt existant).

 

313 « Livres tz. » : livres tournois. Quinze mille livres représentent une somme qui pourrait équivaloir à plus d'un million d'euros d'aujourd'hui.

 

314 « Rigoureusement » : brutalement.

 

315 « Gabelle » : impôt royal, la plupart du temps sur le sel, mais pouvant s'exercer sur d'autres denrées.

 

316 « Imposition foraine » : impôt sur la circulation des marchandises.

 

317 Charles Ier de Bourbon, archevêque de Rouen (1523-1590).

 

318 « Archediacre » : peut-être pour « archidiaconé », c'est-à-dire la partie du diocèse de Rouen autour de Dieppe, qui était confiée à un archidiacre. Mais on attendrait plutôt un verbe ici.

 

319 Huit cens à mille écus pourrait représenter entre 185 000 à 240 000 euros d'aujourd'hui.

 

320 « Ou » : au.

 

321 Assigny est à mi-chemin entre Dieppe et Eu (environ 20 km), sans doute donc à l'entrée du comté d'Eu.

 

322 La seigneurie d'Assigny est sans doute encore à l'époque aux mains de la famille de Pardieu, dont un membre, David de Pardieu, est gouverneur et capitaine du comté d'Eu au début du XVIe siècle. On lit parfois « un sieur Derchigny », par corruption de « Assigny ».

 

323 De l'ordre de 60 à 70 tonnes de grain.

 

324 Charles Ier de Cossé (1505-1563), comte de Brissac, maréchal de France en 1550. Il meurt à l'extrême fin de l'année 1563.

 

325 Jean Hoqueton selon certaines sources, qui en font l'assassin principal, à l'arme blanche, de Ricarville. Nous n'avons pas trace d'un capitaine La Mulle.

 

326 Gaspard de Coligny est le plus important chef des protestants restants après la capture de Condé. Il assiège et prend rapidement Caen en mars 1563.

 

327 Il est écrit un peu plus loin que la tentative eut lieu le 7 mars 1563.

 

328 « Boulevartz » : le plus souvent, fortifications de terre à l'extérieur du rempart, d'où nos modernes boulevards reprenant le tracé des anciens remparts des villes.

 

329 « Vendue » : synonyme de trahison ici. On peut lire à tort « bendie » pour « bandie », complot, mais sans gravité car le sens est ici voisin.

 

330 « Convaincuz » : reconnus coupables.

 

331 « Consistoient » : ici, « comportaient », l'emploi transitif du verbe étant alors possible avec cette acception.

 

332 Les armateurs et marchands dieppois craignent que si des navires dieppois se livrent à la piraterie ou ce qui serait considéré comme tel (par des pays étrangers mais aussi, comme on le voit dans la suite, par les Bretons), les navires marchands de Dieppe et/ou leurs marchandises soient saisi(e)s dans les ports par rétorsion.

 

333 « Trafique » est un mot féminin à l'époque.

 

334 La pleine saison pour la pêche des maquereaux est de mars à septembre.

 

335 Le sel en grande quantité est nécessaire à la conservation des maquereaux mis en tonneaux.

 

336 Dans la suite du texte (ce n'est pas le cas auparavant), comme ici, le mot « marchandise » est souvent utilisé avec le sens de « commerce de marchandises », notamment lorsqu'il est associé à la mention de l'autre activité économique qu'est la pêche (« pescherye »).

 

337 « Substantee » : même sens que « entretenir ».

 

338 60 000 livres peuvent être équivalent à une somme entre 4,5 et 5 millions d'euros d'aujourd'hui.

 

339 « Puys » : depuis.

 

340 L'équivalent d'environ 1,5 million d'euros.

 

341 « Redondoit » : abondait, augmentait.

 

342 Premier grade d'officier, auquel est confié le drapeau ou l'étendard de la compagnie.

 

343 Il est dit plus loin qu'il est alors capitaine de Fécamp. Un fief de la vicomté d'Arques portait le nom de Gausseville.

 

344 Le cardinal Odet de Châtillon (151-1571) et François de Coligny d'Andelot (1521-1569), tous deux protestants déclarés à l'époque, comme l'amiral de Coligny.

 

345 Antoine de Bourbon est mort des suites d'une blessure réputée idiote reçue au siège de Rouen en novembre 1562, le maréchal Jacques de Saint-Albon de Saint-André est victorieux à la bataille de Dreux (19 décembre 1562) mais est capturé par imprudence et tué par un parti de cavaliers huguenots le même jour, et enfin François de Lorraine, duc de Guise, est assassiné pendant le siège d'Orléans par un protestant en février 1563. Ces trois chefs catholiques sont morts par arme à feu (pistolet pour les deux derniers, sans doute harquebuse pour Antoine de Bourbon). Tous les chefs catholiques ne sont pas morts mais ce sont en effet trois grands chefs militaires catholiques (en titre sinon en compétence) qui disparaissent de la scène en quelques mois.

 

346 Le connétable de France, Anne de Montmorency, est capturé au commencement de la bataille de Dreux, bien que ses troupes remportent finalement la bataille. Les parentés et paradoxes du temps font qu'il est l'oncle de Coligny, avec qui il s'entend bien d'ailleurs. Coligny oublie de dire que le prince de Condé, très important chef protestant, a lui aussi été fait prisonnier à Dreux.

 

347 Coligny parle peut-être de Charles Ier de Cossé, comte de Brissac (1505-1563) qui joue encore un grand rôle du côté des armées du roi en Normandie mais meurt à la fin de l'année 1563.

 

348 Rappelons, malgré l'optimisme (de façade ?) de Coligny, que les protestants ont perdu la meurtrière bataille de Dreux en décembre 1562, que les Anglais sont mal en point au Havre bientôt investi par l'armée royale, et que l'on s'achemine très rapidement vers une paix insatisfaisante pour tout le monde (paix d'Amboise, 19 mars 1563).

 

349 Le mot semble biffé et l'on peut peut-être l'écarter de la phrase, où il n'ajoute qu'un sens de « rapidement », « à court terme ».

 

350 Il n'est pas vraiment possible de savoir si ce discours enflammé a bien été tenu par Coligny aux délégués de la ville de Dieppe, mais il est certain qu'il ne manque pas d'une qualité oratoire qui pourra faire songer à quelques discours politiques de l'Antiquité ou même du XXe siècle.

 

351 « Aide » peut être alors féminin ou masculin, comme on le voit.

 

352 Comme amiral de France, Coligny avait en charge les questions portuaires et maritimes, ce qui rapportait d'ailleurs des revenus substantiels.

 

353 « Sonné mot » : on dirait aujourd'hui « soufflé mot ».

 

354 Coligny montre par omission qu'à l'époque on peut être amiral de France sans avoir mis le pied sur un navire et garder de la guerre une vision plus terrienne que maritime.

 

355 Le mot « depesche » impliquerait donc que cette fois la dernière réponse de Coligny aurait été faite par écrit aux délégués de Dieppe, ce qui n'est pas incompatible avec le fait qu'ils ne soient pas encore repartis pour Dieppe, ou qu'ils l'aient reçue plus tard.

 

356 7 mars 1563. Il est plus que probable que les délégués de Dieppe aient fait le voyage vers Caen et retour par mer, raison pour laquelle la présence des armées ennemys autour de Dieppe ne semble pas les avoir gênés outre mesure pour entrer dans la ville. On voit de même un peu plus loin les soldats de Dieppe embarquer pour rejoindre Coligny à Caen comme convenu entre lui et les délégués.

 

357 9 mars 1563.

 

358 Il semble que le seigneur de Presles qui s'efface rapidement du récit n'ait laissé d'autre trace.

 

359 Isabeau (ou Isabelle ou parfois Elisabeth) de La Touche, (1549-1596), épouse de Gabriel de Montgommery depuis 1549, convertie au protestantisme comme son mari et indéfectible soutien de celui-ci.

 

360 On peut considérer que c'est l'équivalent de 3 millions d'euros d'aujourd'hui.

 

361 Les chaînes d'or, souvent pesantes et portées sur la poitrine, étaient indispensables à la parure d'un grand gentilhomme à l'époque. Si l'on part du principe que le ducat d'Espagne représente 23,75 carats, on arrive à une chaîne de 28 500 carats, soit 5,7 kilogrammes d'or pur.

 

362 Ce nom paraît très cynique : Genève est alors le centre de la Réforme sur le continent, et un refuge pour les protestants. Montgomery aurait donc vu dans cette chaîne qu'il portait sans doute en permanence sur son pourpoint, une garantie pour son avenir par le prix qu'elle coûtait. Les éditions de l'Histoire ecclesiastique de Théodore de Bèze, qui citent l'anecdote, au lieu de « sa Genève » portent toujours « sa guerre », ce qui n'a acun sens. Notre texte est très clair : il s'agit bien de « Genève ».

 

363 Gilbert ou Philibert Filhet, sieur de La Curée (meurt en 1564). Protestant, on le voit mesuré envers les catholiques. Il aurait été colonel général des argoulets dans le camp protestant à la bataille de Dreux, où il aurait été fait prisonnier.

 

364 13 avril 1563.

 

365 La barrière ou le mur qui à l'intérieur des églises sépare chaque chapelle latérale du déambulatoire. Si l'on en juge par les quelques clôtures de chapelle de la Renaissance rescapées de cet épisode de destruction dans les églises Saint-Rémy et Saint-Jacques, elles devaient être fort belles.

 

366 15 avril 1563.

 

367 18 avril 1563.

 

368 Il meurt peu après des blessures reçues au siège de Rouen. Les habitants de Dieppe lui reprochaient notamment d'être sans religion, quelle qu'elle fusse.

 

369 Michel de L'Hospital, connu pour son ouverture à la concorde religieuse et peu apprécié des Guise.

 

370 Jean de Mouy, sieur de La Meilleraye ou La Mailleraye (1528-1591), l'un des lieutenants du roi en Normandie, vice-amiral de France. Il suit d'abot Condé en mai 1562 puis se rallie au parti du roi.

 

371 Château disparu de la vallée de la Scie, jadis situé approximativement entre Manéhouville et Ecorcheboeuf, sur la rive droite de la Scie. Il était situé sur le chemin naturel de Rouen à Dieppe qui suivait la vallée de la Scie, et, hélas pour le château détruit à cette occasion, sur l'emplacement de la ligne de chemin de fer du même axe.

 

372 Une dizaine de kilomètres, au plein sud de Dieppe.

 

373 « Fut contremandé » : reçut contrordre.

 

374 7 août 1563.

 

375 Le Havre, repris aux Anglais en juillet 1563.

 

376 « Loysir » : il ne s'agit bien évidemment pas du sens moderne, mais du temps qu'il reste avant la venue du roi pour préparer l'événement.

 

377 « Ensegnes » : pour « enseigne ». A cette époque un régiment entier pouvait être composé de 10 enseignes (régiment de Timoléon de Cossé, fils du maréchal de Brissac). Les 11 enseignes réunies par Dieppe constitueraient donc un nombre important de soldats, entre 3 000 et 4 000 hommes. Mais c'est surtout l'organisation de ceux-ci « en forme de bataillon », c'est-à-dire en ligne de bataille composée de plusieurs rectangles, qui donne une image de discipline et de force.

 

378 « Poisle » : poêle, dais tenu au-dessus du roi dans ses déplacements à l'extérieur par les représentants d'une ville tenant à l'honorer particulièrement. C'est une marque qu'on reconnaît le roi comme souverain car c'est un privilège royal, accordé en principe exclusivement au roi.

 

379 Ricarville, « procureur » dans le sens de représentant du roi.

 

380 Officier chargé de faire préparer les logements pour la maison du roi.

 

381 8 août 1563.

 

382 Le petit duc d'Orléans, frère du roi, qui n'a lors que 11 ans et qui sera le roi Henri III. Il revient à Dieppe en juillet 1577 une fois roi.

 

383 Charles Ier de Bourbon, archevêque de Rouen (1523-1590).

 

384 Charles de Lorraine (1524-1574), alors archevêque de Reims, frère du duc François de Guise assassiné en 1563, adversaire de la politique de Catherine de Médicis.

 

385 Louis III de Bourbon-Vendôme, duc de Montpensier (1513-1582), général de l'armée royale particulièrement intransigeant vis-à-vis des huguenots.

 

386 Charles de Bourbon, prince de la Roche-sur-Yon (1515-1565), frère du duc de Montpensier, mais catholique modéré.

 

387 François de Montmorency (1530-1579), maréchal de France, fils aîné du connétable Anne de Montmorency qui vient d'être mentionné.

 

388 Imbert de La Platière de Bourdillon (1516-1567). Il n'est réellement maréchal de France qu'en 1564, à la mort du maréchal de Brissac. A la date où nous nous trouvons, Catherine de Médicis lui a promis le bâton de maréchal mais à la charge de la première vacation. Il s'est distingué dans la pacification de Rouen après le siège et vient de le faire également lors du siège du Havre.

 

389 Claude de Gouffier, seigneur de Boisy (c. 1501-1570), grand écuyer de France.

 

390 Les gentilshommes ordinaires de la Maison du roi lorsqu'ils servaient autour du souverain étaient communément appelés « gentilshommes à bec de corbin », le bec de corbin désignant un type particulier de fer en forme de bec de corbin (corbeau) pour des armes d'hast ou des marteaux de guerre. Le bec de faucon est une arme qui existe également, très proche du bec de corbin au point que les deux armes peuvent être aisément confondues, mais « bec de faucon » n'était pas la dénomination usuelle de cette compagnie.

 

391 Les églises Saint-Jacques et Saint-Rémy.

 

392 Les animaux exotiques tels qu'ici les perroquets et les singes étaient une des spécialités de Dieppe et du Havre, alors ports d'exploration dans tout l'Atlantique.Le duc d'Orléans conserva sans doute un très bon souvenir d'enfant de cet accueil et de ces cadeaux, car lorsqu'il sera devenu roi sous le nom d'Henri III il revint à Dieppe (1576) sous le seul motif d'un voyage d'agrément pour voir la mer et acquérir divers animaux exotiques comme ceux que l'on voit lui être offerts ici. Voir notre précédente transcription : https://manuscrit-esperluette.jimdofree.com/villeroy-1576-06-28/.

 

393 Jean de Montluc (1508-1579), alors évêque de Valence, diplomate et conseiller politique de Catherine de Médicis, considéré comme plutôt favorable aux protestants. Nous avons évoqué son fils illégitime, Jean de Montluc de Balagny, dans notre transcription sur Cambrai : https://manuscrit-esperluette.jimdofree.com/cambrai-magistrat-1582/.

 

394 L'édit d'Amboise (19 mars 1563) demande que toutes les églises soient restituées au culte catholique, et que le culte protestant soit limité dans les villes à un ou deux lieux déterminé(s) par le pouvoir. Ces lieux ne peuvent donc être des églises affectées au culte catholique avant la guerre, ce qui est le cas pour Saint-Jacques et Saint-Rémy.

 

395 Toute exception à l'édit pour une ville pouvait entraîner d'autres villes protestantes à réclamer la même exception et donc donner prétexte aux catholiques pour rallumer la guerre.

 

396 « Affaires » peut être féminin ou masculin à l'époque.

 

397 Héberger une garnison pouvait être vécu comme une contrainte financière pour la ville, pouvant même être employé comme punition en soi, d'où le terme de « charger ».

 

398 Le Havre n'est à cette date pas encore libéré. Bien que la guerre civile soit officiellement terminée en France, la guerre continue quelques mois contre les Anglais occupant le sol français.

 

399 « Assiette » : ici, emplacement.

 

400 « Havre » : port. Les pierres du château auraient dû être utilisées pour faire une jetée au niveau du port de Dieppe.

 

401 « Sans respect de » : ici, sans regarder à, sans prendre en compte.

 

402 Jusque là, tout notable, tout officier du roi, se devait d'assister aux cérémonies religieuses. Le gouverneur protestant de Dieppe définit ici la limite de sa fonction de représentation, comme nous dirions aujourd'hui : il refusera d'assister à un office catholique.

 

403 René de Beauxoncles, chevalier, seigneur de Sigoignes (ou Sigogne) et autres lieux doit sans doute en partie ce poste de capitaine du château de Dieppe à sa proximité avec le maréchal de Brissac, dans les troupes duquel il sert. Sigogne accèdera ensuite au poste de gouverneur de la ville et pour longtemps, la pacifiant plus par habileté que par violence au point qu'elle ne joue plus presque aucun rôle dans la suite des guerres de Religion, si e n'est pour aider Henri IV contre la Ligue bien plu tard. Sigogne réduit pour cela à Dieppe progressivement mais drastiquement l'influence et même la présence des protestants. C'est un argument en faveur d'une rédaction de notre texte à une date proche des événements, car dix ans plus tard le jugement de l'auteur, protestant, n'aurait sans doute pas été aussi favorable à Sigogne que ce qu'il exprime ici. Sur Sigogne, voir notre transcription d'une de ses lettres (https://manuscrit-esperluette.jimdofree.com/sygogne-1577-07-30/).

 

404 Le Conseil privé, ou conseil des parties, auquel le roi assistait rarement, avait à traiter des affaires hautement juridiques. Mais il était également en charge des questions relatives aux rapports entre catholiques et protestants.

 

405 « Entretenement » : le maintien.

 

406 Peut-être l'ancienne « Cour des Charitez » rue d'Ecosse à Dieppe.

 

407 « Sans adveu » : que personne ne reconnaît, sans domicile.

 

408 « Hart » : pendaison.

 

409 « Facteur » : mandataire ou agent d'un marchand, commissionnaire.

 

410 « Recueilliz » : accueillis.

 

411 10 août 1563.

 

412 Claude II de L'Aubespine (1510-1567), secrétaire d'Etat.

 


Bibliographie

  • ASSELINE David (éd. par HARDY, GUERILLON et SAUVAGE), Les antiquitez et chroniques de la ville de Dieppe, tome 1, Dieppe : A. Marais et A. Leblanc, 1874.

  • BANDERIER Gilles, Agrippa d'Aubigné et Dieppe : un document en marge de l'Histoire universelle, in Annales de Normandie, 52e année, n° 1, 2002, p. 3-13.

  • BEZE Théodore de, Histoire ecclesiastique des églises réformées au royaume de France, tome 2, Lille : Leleux, 1841.

  • CARLOIX Vincent, Mémoires de la vie de François de Scépeaux, sire de Vieilleville, Paris : Foucault, 1822.

  • DAUVIN Antoine, Un mythe de concorde urbaine ? : le corps de ville de Caen, le gouverneur et le roi durant les guerres de Religion (1557-1594), thèse de l'Université de Caen Normandie, 2021.

  • DAVAL Guillaume et Jean (éd. par Emile LESENS), Histoire de la réformation de Dieppe, 1557-1657, Rouen: E. Cagniard, 1878, tome I.

  • DESMARQUETS Jean-Antoine-Samson, Mémoires chronologiques pour servir à l'histoire de la ville de Dieppe et à celle de la navigation françoise, tome 2, Dieppe : Dubuc, 1784.

  • GUIBERT Michel Claude, Mémoires pour servir à l'histoire de la ville de Dieppe (éd. par M. HARDY), tome 2, Dieppe : A. Renaux et A. Leblanc, 1878.

  • LA FERRIERE Hector de la, La Normandie à l'étranger : documents inédits relatifs à l'histoire de Normandie tirés des archives étrangères, XVIe et XVIIe siècles, Paris : A. Aubry, 1873.

  • LE ROUX Nicolas, « Pouvoir royal, noblesse et autorité locale : la Normandie au temps des guerres de Religion », in HUGON Alain et BOLTANSKI Ariane (dir.), Les noblesses normandes, XVIe-XIXe siècle, Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2001, p. 93-110.

  • LE TOUZE Isabelle, Suivre Dieu, servir le roi : la noblesse protestante bas-normande, de 1520 au lendemain de la révocation de l'Edit de Nantes, thèse de doctorat de l'Université du Mans, 2012.

 


Carte du pays de Caux (détail) extraite de l'exemplaire manuscrit des

Antiquitez et chroniques de la ville de Dieppe de David Asseline, 1682,

conservé à la Bibliothèque municipale de Dieppe (cote Mss 1)


Indexation générale #

Index des noms de lieux du pays de Caux cités de façon notable dans le texte


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