Transcription de texte ancien et notes par Manuscrit & Esperluette

Lettres de chevalerie et don d'un chef d'azur à trois fleurs de lys aux armes du Florentin Pandolfo della Stuffa par le roi François Ier. Octobre 1540

Bibliothèque nationale de France, cote Dupuy 273, pages 47v-48.

 

Manuscrit original numérisé en ligne :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b100367473/f52.item

 

Armes de la famille Della Stuffa

avec le chef de France conféré par François Ier.

 

(graphisme Manuscrit & Esperluette, via https://drawshield.net/)

 

 

 

 

 

Armes de la famille Della Stuffa traditionnelles.

 

(graphisme Manuscrit & Esperluette, via https://drawshield.net/)

 



 Un Florentin reçoit du roi de France François Ier des lettres de chevalerie et un ornement pour son blason

 

Pandolfo della Stufa (1500-1568) est un noble florentin qui sert François Ier dans ses guerres d'Italie et vient à la Cour de France dans l'entourage de la dauphine Catherine de Médicis, épouse du fils de François Ier, futur Henri II.

Pour le récompenser de ses services, le roi de France par le document ci-dessous où il vante ses mérites, lui accorde l'insigne honneur d'ajouter les armes de France en chef de son blason de famille, c'est-à-dire de mettre trois fleurs de lys d'or sur fond azur dans la partie supérieure du blason.

La faveur du roi ne dure cependant pas longtemps. Un an plus tard (1541), Stuffa est accusé d'espionnage et de trahison au profit de Charles Quint, ennemi irréductible du roi de France. Il aurait en effet communiqué à Cosme Ier de Médicis, partisan de l'empereur, les plans d'attaque de François Ier après la trêve de 1540.

Emprisonné plusieurs mois sans procès, Stuffa est finalement libéré grâce à l'intervention en sa faveur de Catherine de Médicis et il peut retourner à Florence où il prend des fonctions dans le gouvernement de la cité. Il ne semble pas y avoir trace que les armes de France soient longtemps restées en faveur dans le blason familial...

Le document est une copie du temps, retranscrite dans un recueil de documents-types à l'usage de l'administration royale. D'où l'abréviation de certaines formules, comme le « etc. » après le nom du roi de France au lieu de mettre tous les titres habituels.

 

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Letres de chevalerie et don d'un chef d'azur à trois fleurs de lys pour adjouster aux armes anciennes de la maison du sieur Pandolphe Stuffa

 

Françoys, etc., à tous presens et advenir, salut. Comme il soyt chose bien licite, honneste et convenable que les personnes decorees et aornees1 de vertuz soyent en plus hault tiltre et degré d'honneur et de nom que les autres non vertueux, affin de donner couraige et desir aux aultres de parvenir par vertu à tel ou plus grant bien et honneur, sçavoyr faisons que nous, deuement et par experience acertenez des notables, louables et vertueuses oeuvres, actes et faictz de nostre tres cher et bien amé Pandolphe Stuffa, echansson2 de nostre tres chere et tres amee fille la daulphine3, et de ses sens, noblesse, vaillance et experience au faict des armes ; considerans aussy les bons et agreables services qu'il a faictz et faict continuellement à nostred. fille en grand soing et dilligence et pareillement à nous ; voullans par ce led. Pandolphe Stuffa extoller4 et lever en tiltre d'honneur et degré comme sesd. vertuz, œuvres, et services le meritant ; à icelluy avons baillé l'ordre de chevallerye et donné de nostre main l'accolle5 en la presence de plusieurs princes et seigneurs de nostre sang et autres grans et notables personnaiges estant lez6 nous, pour par luy joyr et user doresnavant de tous droictz de chevallerye, honneurs, auctoritez, previlleiges, prerogatives, preheminences, tant en faict de guerre, armes et assemblee, jugement et ailleurs tout ainsy et par la forme et maniere que font et ont accoustumé faire les autres chevalliers. Et oultre ce, luy avons donné et octroyé, donnons et octroy[o]ns par ces presentes de nostre grace, liberalité, plaine puissance et auctorité royal, ung chef d'azur à troys fleurs de lys d'or pour mectre et adjouster es armes anciennes de sa maison ainsy qu'elles sont cy dedans peinctes et figurees7.

Et voullons et nous plaist de nostre plus ample grace qu'il, et ses successeurs, puissent lesd. armes ainsy faictes que dessus licitement porter et lever par touttes terres, lieux et seigneuryes que bon luy semblera, soyt en temps de paix ou de guerre, et d'icelluy joyr et user perpetuellement, et tout ainsy et par la forme et maniere que font et ont accoustumé faire les autres nobles portans semblables enseignes et armes. Et affin que nostred. present don et octroy soyt et demeure à jamais vallable à la decoration du nom et maison dud. Pandolphe Stuffa et cesd. successeurs et qu'il en soyt perpetuelle memoyre, nous avons signé ces presentes de nostre main et à icelles faict mectre nostre seel.

Donné à Sainct-Pris8 ou moys d'octobre, l'an mil cinq cens quarante, et de nostre regne le vingt sixesme9.

 

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Notes

 

1 « Aornées » : ornées.

 

2 Un échanson est chargé de verser à boire à un haut personnage. En raison des soupçons fréquents (fondés ou non) d'empoisonnement à la moindre mort ou affection aux causes incomprises (et donc suspectes), ce rôle est censé être confié à un homme de confiance.

 

3 Catherine de Médicis, épouse depuis 1533 du fils de François Ier et héritier du trône de France (depuis 1536), le dauphin Henri, est de ce fait la dauphine. Etant la belle-fille du roi, celui-ci l'appelle sa « fille », pratique courante jusqu'à une époque avancée.

 

4 « Extoller » : élever, exalter quelqu'un.

 

5 « L'accolle » : l'accolade que reçoit tout nouveau chevalier de celui qui l'adoube. La famille Della Stuffa et Pandolfo lui-même avaient beau être réputés nobles à Florence et avoir un blason, ils n'avaient pas pour autant de titre nobiliaire, et l'on n'est chevalier que si l'on est adoubé. Ce qui n'empêchait pas Pandolphe d'avoir auparavant atteint un grade relativement élevé dans l'armée du roi de France.

 

6 « Lez » : près de, à côté de.

 

7 Le manuscrit accompagne le texte d'un dessin du blason en question, tracé de façon très superficielle et sans couleurs ni même utilisation du code héraldique pour figuration en noir et blanc. Mais ce type de document délivrant des armoiries ou des meubles sur ses armoiries, quand il s'agit d'un original et non d'une copie comme ici, était souvent très soigné, avec de préférence le blason figuré en couleurs.

 

8 En 1540, François Ier est à Saint-Prix (Val-d'Oise) du 10 au 24 octobre. Le lieu est apprécié en raison de sa proximité avec la forêt de Montmorency, pour la chasse.

 

9 Selon notre façon de voir le calendrier, François Ier est devenu roi en janvier 1515, soit 25 ans avant octobre 1540, et non 26. Mais le début de l'année se produisait à cette époque à Pâques et non en janvier comme de nos jours, si bien que notre janvier 1515 était pour les contemporains janvier 1514. En octobre 1540, qui est une date après Pâques, on est bien en 1540 pour nous comme pour les contemporains : François Ier considère donc qu'il est dans la 26e année de son règne, non la 25e.

 


Bibliographie

  • ARRIGHI Vanna, « Della Stufa, Pandolfo », in Dizionario biografico degli italiani, vol. 37, Roma : Istituto dell'Enciclopedia Italiana, 1989.


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