Bibliothèque nationale, cote Clairambault 356, feuillets 2-5.
Manuscrit original numérisé sur :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9001046m/f5.item
L'empereur Charlemagne et Sainte Elisabeth de Hongrie comme saints patrons de deux donateurs, probablement Guillaume Bourgoing et Philippa Leclerc du Tremblay
(Michiel Coxcie [1499-1592]. Volets de retable. Collection privée)
Nature du document : acte notarié de vente d'une rente daté du 21 juin 1570, avec en complément l'acte de rachat de la rente daté du 10 juin 1575.
Auteur(s) : le premier acte est de la main du notaire Robert Foucart en 1570 ; le second est de la main de son collègue Séverin Godart en 1575. Chacun des deux actes est en effet d'une écriture différente et établi chacun par deux notaires (la loi exigeait la présence de deux notaires pour ce type de document), dont Foucart à chaque fois. Logiquement, si le premier acte est dit « enregistré par Foucart » en marge de la première page, le second, qui comporte cinq ans plus tard une écriture très différente, est donc du collègue qui signe cet acte avec lui, Séverin Godart. Mais il y a d'autres noms de notaires cités dans le premier acte, soit au total cinq notaires liés à ce document.
La rente constituée au XVIe
Le présent document réunit deux actes notariés relatifs à une rente constituée : le premier acte pour la vendre à un tiers, le second pour éteindre la rente.
La rente constituée est une forme particulière de crédit propre à l'Ancien régime à partir surtout du XVIe siècle. Elle permet de pallier l'absence de système de prêt bancaire, même si des banquiers, italiens souvent, existent et qu'ils prêtent tout de même. La religion catholique prohibe la pratique jugée usuraire des intérêts et le crédit a donc pris la forme jugée moins scandaleuse de la rente. Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, l'immense majorité du crédit des particuliers en France passe par ce système. A la différence du prêt à intérêt, le prêteur ne peut exiger de remboursement : seul l'emprunteur peut en décider, mais il paie au prêteur (en principe chaque trimestre) des arrérages au montant fixe jusqu'à rachat du capital que lui avait versé le prêteur. Le droit du prêteur est en général assuré par une garantie (hypothèque) sur un immeuble, un terrain, voire d'autres biens. Le seul moyen pour le rentier de récupérer les fonds qu’il a prêtés est de céder la propriété de la rente à une tierce personne, qui lui rembourse ce capital et perçoit les arrérages à venir.
Le premier acte notarié est ainsi la cession, par vente, d'un rente qui semble possédée en commun par les membres (fratrie?) de la famille Le Prevost, mais dont Guillaume Le Prevost d'Andilly a reçu procuration (ou racheté les parts) pour traiter la vente. Les Le Prevost ne sont pas les premiers détenteurs de cette rente : elle date de 1567 et le texte mentionne qu'elle appartenait précédemment à Jehan Huguet, qui l'a cédée lors d'un échange contre un équivalent non précisé (une ou plusieurs autres rentes, ou le remboursement d'une dette ?).
Le débiteur est une débitrice : il s'agit de Philippes ou Philippa Leclerc du Tremblay (voir plus bas pour cette question du prénom), mais son gendre Denis de Besançon est solidaire de la rente à verser. Ou peut-être la dame est-elle la caution de l'emprunt fait par son gendre, cela n'est pas précisé. Mais le fait que ce soit elle et non son gendre qui « rachète » la rente en 1575 semble infirmer cette hypothèse pour privilégier la première.
Le premier acte notarié est en effet immédiatement suivi d'un second, écrit cinq ans plus tard. Cet avenant est l'acte de rachat de la rente par cette débitrice, c'est-à-dire le remboursement du capital emprunté : il signifie donc l'extinction de la dette et ainsi celle de la rente. Cette pratique de faire figurer l'acte de rachat d'une rente à la suite d'un document de cession n'est pas rare.
On notera que le prêt portait sur une somme de 900 livres tournois, et que les arrérages qui semblent avoir été fixés à 100 livres antérieurement, sont désormais de 75 livres, ce qui correspond à l'intérêt au denier 12 (i. e. 8 1/3 %) qui est le taux d'intérêt le plus pratiqué à l'époque, malgré des tentatives royales régulières de le faire baisser, notamment dans les années qui nous concernent ici.
L'acte de vente de la rente comporte une curiosité : la description d'une hypothèque qui ne repose pas sur le débiteur comme on pourrait s'y attendre mais sur les personnes qui vendent la rente, les Le Prevost. Le texte n'est pas assez explicite quant à cette hypothèque. Mais comme souvent dans les actes notariés, sa description détaillée a le mérite de nous donner un aperçu du patrimoine des personnes concernées.
Condition féminine et validité juridique : le sénatus-consulte velléien et l'authentique « si qua mulier »
Le document comporte une particularité juridique fréquente dans ce type d'acte notarié : les mystérieux sénatus-consulte velléien et authentique « si qua mullier ». On voit que la formule est mal maîtrisée par les notaires dans ce document mais qu'ils la répètent pour des raisons de procédure. Ce passage illustre la piètre condition féminine sur le plan juridique au XVIe siècle.
La condition de la femme est en effet alors régie par le droit romain. Les juristes de la Renaissance prennent très scrupuleusement en compte des lois comme ce fameux sénatus-consulte (acte juridique émanant du sénat romain) qui est dit « velléien » car il remonte au consulat d'un certain Velleius Tutor au Ier siècle ap. J.-C. Ils prennent également très au sérieux la modification ultérieure (cinq siècles plus tard) de cette loi par un authentique (terme juridique désignant une sorte de compilation) dit « loi Julia si qua mulier » (« si c'est une femme ») dans le Code de Justinien. La question tourne autour de l'interdiction faite aux femmes d'engager leur propriété (leur bien propre et/ou le bien du ménage) pour autrui, notamment pour leur mari, mais avec une certaine optique de protection des biens des femmes. Cela aboutit, par de complexes raisonnements juridiques, à rendre nul ou du moins contestable en justice certains actes juridiques si la femme qui a part dans ces documents n'a pas expressément renoncé à cette protection juridique.
De ce fait, les notaires avaient pris l'habitude de mentionner la formule de renoncement dans tous les actes de cautionnement, d'hypothèques, etc. impliquant des femmes, pour que le document ne soit pas invalidé par l'une des parties ou un tiers. Le parlement de Paris rendit même un arrêt en forme de règlement en 1595 obligeant les notaires à expliquer cette question aux femmes concernées, sous peine d'en répondre en leur nom et à leurs dépens. Et ceci bien que les notaires n'aient pas une connaissance bien claire, comme on le voit ici, de ce qu'étaient ces lois, et étaient souvent bien en peine de les expliquer à leurs clientes. Henri IV coupa court à ces subtilités par un édit de 1606 abrogeant les dispositions du sénatus-consulte velléien et de l'authentique « si qua mulier », fit défense de les mentionner dans les actes impliquant des femmes et déclara ces actes valables même sans la mention en question. Cependant l'usage persista plus d'un siècle encore dans certaines régions, par exemple en Normandie où le parlement de Rouen n'enregistra pas l'édit royal de 1606.
Une autre curiosité concernant le féminin dans ce document est le prénom de « Philippes » donné à une femme, Philippes Leclerc du Tremblay. Le prénom est en effet épicène (féminin aussi bien que masculin) à la fin du Moyen Age et au XVIe siècle. Nous renvoyons à la note insérée dans le texte au moment où y apparaît son nom.
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[folio 2 recto, en marge gauche]
Par-devant Jehan Brigrand3 et Robert
Foucart4, notaires du roy notre sire ou Chastellet de
Paris soubz signéz furent presens en leurs personnes
Damoiselle Anthoinette de Braque sa femme, noble
homme Maistre Anthoine Le Tonnelier7, advocat en
la court de Parlement et Geneviefve Le Prevost sa
femme. Lesdictes femmes de leursd. mariz auctorisees
pour faire et passer ce qui s'ensuict, lesquelz de
leurs bons grez recongneurent et confesserent
avoir vendu, ceddé, quicté, transporté et delaissé
et par ces presentes vendent, ceddent, quictent, transportent,
et delaissent du tout dès mainctenant à tousjours,
promisrent et promectent chacun d'eulx seul et
pour le tout sans division ne discution, renonciation
aux benefices de division et ordes de discution
et encores lesdictes femmes auctorisees comme
dessus aux benefices de Velleyan et authentique
si qua mulier à elle decliarez estre telz que
femmes s'olige ou responde pour aultruy, mesmes
pour ou avec leurs mariz, telles obligations ne
vallent et n'en peuvent estre tenues vallablement
poursuivyes ne contrainctes ains en peuvent
[folio 2 verso]
estre relevees sy elles n'ont renoncé ausdictz
benefices et authentique ausquelz et à tous aultres
droictz faictz, mis, donnez, introduictz pour les
femmes et en leurs faveurs elles ont renoncé et
renoncent par ces presentes garentir de tous
troubles et empeschemens generallement quelzconques
paier, fournir et faire valloir tant en sort
principal, cours d'arreraiges que rachapt
à venerable et discrette personne Maistre
Guillaume Gaultier prieur de Royaulieu8 à ce
present achepteur et acquesteur pour luy et
aians cause ou temps advenir soixante
et quinze livres tournois9 de rente anuelle
et perpetuelle audict seigneur d'Andilly et
sad. femme appartenans tant de leur chef que
comme aiant droict par transport dudict
Le Tonnelier sad. femme et de Laurens Simon
seigneur de Molatte10, archer de la garde
du corps du roy et Margueritte Le Prevost.
Iceulx soixante et quinze livres tournois de
rente restans à rachepter de cent livres11
tournois de rente dès le samedi cinquiesme
jour de mars mil cinq cens soixante
[folio 3 recto]
neuf ausd. seigneur d'Andilly, Le Tonnelier, Simon et
leursd. femmes ceddez et transportez par eschange12
par noble homme Maistre Jehan Huguet13, docteur
régent de la faculté de medecine en l'université
de Paris et Magdelaine Charlot sa femme, à prendre
par chacun an aux quatre termes en l'an14 à Paris
accoustumez sur Damoiselle Philippes15 Le Clerc, vesve
de feu noble homme Me Guillaume Bourgoing16 en
son vivant seigneur de Poissons, conseiller du roy
en sa court de Parlement, et noble homme Me
Denis de Besançon, seigneur de Thimecourt17
semblablement conseiller dud. Sr.18 et audicteur en
sa chambre des comptes à Paris, son gendre, et
leurs fiefz, terres et seigneuries et heritages
declarez ès lectres de constitution19 desdictz
cent livres tournois de rente de ce, faictes
et passees l'an mil cinq cens soixante sept
le lundi premier jour de septembre signees
constitutions ensemble ledict transport
faict audict seigneur d'Andilly par ledict Le
Tonnelier, sa femme et led. Simon et sadicte
[folio 3 verso]
femme avec ledict echange faict par ledict Huguet
avec ledict seigneur d'Andilly et les dessusd.
lesd. seigneur d'Andilly, Le Tonnelier, et leursd.
femmes ont baillez et delaissez aud. Gaultier et
d'icelles, l'en ferront et font porteur et desd.
soixante et quinze livres tournois de rente
vray acteur, procureur, pourchasseur, demandeur,
receveur et quicteur et l'en ont mis, mectent
et subroguent22 pour ce du tout en leurs lieulx,
droictz, noms, raisons et actions pour
en joir. Cestz presens vente, cession et
transport faictz moyennant le pris et somme
de neuf cens livres tournois23 que pour ce
lesd. vendeurs en ont confessé et confessent
avoir eue et receue dudict Gaultier, achepteur,
qui leur a icelle baillee, paiee, comptee,
nombree, presens lesd. notaires soubz signez
en cent cinquante escuz d'or sol24, quatre
monnoys, le tout bon et deu et quictant,
transportans, dessaisissans et voullans
procureur le porteur et donnans pouvoir.
[p. 4 recto]
Et oultre lesd. vendeurs ceddent et transportent
comme dessus aud. Gaultier ce acceptant les arres
et cheuz à cause desd. soixante et quinze livres tz.
de rente depuis le premier jour de mars
dernier passé jusques à huy et ce moyennant
bon paiement que pour iceulx arres qu'ilz en ont
confessé et confessent avoir eu et receu dud.
Gaultier, dont ilz se sont tenuz contans et
l'en quictent. Et oultre à la garentie desd.
soixante et quinze livres tournois de rente
lesd. vendeurs ont speciallement obligéz et
ypothequéz27 et par ces presentes chargent
affectent et ypothèquent les heritaiges
et biens qui ensuivent : c'est assavoir led.
Seigneur d'Andilly et sad. femme leur hostel
seigneurial d'Andilly contenant : maison
manable28, estables, granges, bergeries, court et
jardin. Le bien ainsy qu'il se poursuict et
comporte trois arpents29 de vigne derrière
icelluy hostel seigneurial, trois arpens
partie de murs et hayes visves, six
[folio 4 verso]
vingtz32 arpens de terre labourables assis au
terrouer dudict Andilly le tout à luy apartenant
de son propre, et lesd. Le Tonnelier et sa femme
ung fief appelé Le Mont Regnard33 contenant de dix
bailliaige d'Amyens aud. Le Tonnelier apartenant
de son propre, et quinze arpens de terre
ass. audict Andilly à icelle Geneviesve Le
Prevost sad. femme apartenant de son propre,
comme generallement et promectent et obligent chacun
d'eulx seul et pour le tout sans division
ne discution et mesmement comme dessu[s]
ausd. benefices de division et ordre de discution
et encores lesd. femmes ausd. benefices
de Velleyan et authenticque Si qua mulier
à elles declaré et donné à entendre
estre telz que dessus. Faict et passé l'an
mil cinq cens soixante et dix le mercredi
vingt ungiesme36 jour de juing.
[signatures] Brigrand [plus loin] Foucart
[d'une écriture différente, nettement plus cursive et plus petite]
Led. Me Guillaume Gaultier prieur de Royalieu achepteur nommé au[...?]37
devant transcript, confesse avoir eu et receu de ladicte
[folio 5 recto]
Donzlle38 Philippes Le Clerc aussy y desnommee bien presente,
la somme de neuf cens vingt livres quinze solz tz.39, assavoir
neuf cens livres tz. pour le rachapt, extenction40, acquict et admortissement
des soixante-quinze livres tz. mentionnez audict contract et qui faisoient
partie et restoient à rachepter des cent livres tournois de rente
y declaréz et la somme de vingt livres quinze solz tz. pour tous et
chacuns les arreraiges deubz et qui restoyent à payer à cause desd.
soixante-quinze livres tournois de rente du passé jusques à huy, de laquelle
somme de neuf cens vingt livres quinze solz luy baille, paye, compte,
nombre et delivré par ladicte Damoizelle Philippes Le Clerc aud. Me
Guillaume Gaultier en la présence des notaires soubsignéz en escuz sol,
escuz pistolectz41 et monnoys de douzains42, le tout bayé icelluy Gaultier
s'est teneu et tient pour contant et en a quicté et quicte lad. Damoiselle
et tous autres, cesquelles lettres de constitution eschange, transportz et autres piecces
mentionnéz audict transport dessus escript, icelluy prieur de Royaulieu
a présentement renduz, bailléz et delivréz à icelle Damoiselle consentant outre
led. Me Guillaume Gaultier que les nottes et minuttes tant desd. lettres de
constitution que transportz et eschange cy-dessus declaréz. Et pour ce faire faict
et constitue son procureur le porteur de ces presentes auquel il a donné pouvoyr et
puissance de ce faire et tout ce quy au cas appartiendra [...]43
r[...]44. Faict et passé l'an mil cinq cens soixante quinze, le dixiesme
jour de juing.
[signatures] Godart45 [et plus loin] Foucart
[folio 5 verso]
Pour Monsr. de Royaulieu
[d'une autre encre mais écriture semble être la même qu'au-dessus] Madamoiselle Bourg [?]46 Phelippe Le Clerc
vesve de feu Monsr. Bourgoing LXXV t.47
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Notes
1 La signature de Brigrand en fin de l'acte est différente, mais elle se doit d'y être majestueuse, alors que l'on a ici une signature plus cursive qui peut très bien être la sienne également.
2 Cette signature qui est plus un monogramme qu'une signature, est voisine, bien que moins élaborée, de la signature de fin d'acte. On retrouve un tel paraphe d'un des deux notaires alternativement en bas de chaque page du premier acte, en commençant par Foucart pour le premier folio, puis Brigrand pour le deuxième, etc.
3 Jean Brigrand, notaire à Paris rue Saint-Martin, près la fontaine Maubué, actif de 1561 à 1586.
4 Robert Foucart, notaire à Paris rue Saint-Avoye, actif de 1561 à 1579.
5 Guillaume Le Prevost (1537-1581), fils de Guillaume Le Prevost et de Marie Charlot. Son grand-père Jean Le Prévost avait donné la seigneurie d'Andilly-le-Haut à son fils Claude et celle d'Andilly-le-Bas à ce Guillaume père de Guillaume.
6 Commune situé dans le Val-d'Oise. Il s'agit ici de la seigneurie d'Andilly-le-Bas, distincte de la seigneurie d'Andilly-le-Haut mais sans doute le fief est-il réunifié quand il est acquis par Antoine Arnauld (1560-1619) à la fin du XVIe siècle. Cet avocat au Parlement de Paris est le père de la fratrie Arnauld qui se distinguera dans le jansénisme au XVIIe siècle, avec notamment Robert Arnauld d'Andilly, conseiller d'Etat.
7 Cet Antoine Le Tonnelier semble lié aux Le Tonnelier, seigneurs de Voyennes et de Breteuil dont nombre de membres se distinguent au XVIIIe siècle (Madame Du Châtelet par exemple).
8 Royallieu est une ancienne abbaye près de Compiègne (Oise). Elle est confiée à des prieurs augustiniens du XIVe siècle à 1634, puis à des religieuses bénédictines jusqu'en 1792.
9 Environ 3 700 euros actuels (2020). Les équivalences monétaires que nous donnons ici et dans les notes suivantes n'ont qu'une valeur indicative et très relative.
10 Laurent Simon ou Symon, « dit Molatte » se trouve mentionné dans des archives notariées du Châtelet (Archives nationales). Dans les archives départementales de la Somme, il est dit écuyer mais bien seigneur de Molatte, archer de la garde du roi. La localisation du fief de Molatte, si fief il y a, n'est pas identifiée.
11 Estimable à environ 5 000 euros actuels (2020).
12 Ces échanges de rentes sont fréquents sous l'ancien Régime, notamment en cas de vente de bien foncier, car ils permettent à un acquéreur de ne pas payer certains droits (mutation), mais aussi de palier le manque récurrent d'espèces métalliques en intégrant ce titre de revenus à des échanges de valeurs entre particuliers.
13 Jean Huguet était par ailleurs seigneur (en partie ?) de Saint-Soupplets et de Forfry et d'un fief de Brezay à Vinantes (toutes localités de Seine-et-Marne), tous titres que l'on trouve également dans la famille de sa femme Madeleine Charlot. Il est l'oncle par alliance (par la famille Charlot) du Guillaume Le Prevost d'Andilly du présent acte de vente. Par ailleurs Jean Huguet et Madeleine Charlot marient leur fille aînée à un Nicolas Gautier, trésorier de France en Picardie (un parent du prieur Guillaume Gautier du document ?).
14 Les « quatre termes en l'an » sont les quartiers, ou arrérages, dont le versement était usuellement trimestriel.
15 Le prénom est bien Philippes, écrit à trois reprises sous la forme abrégée usuelle (et très fréquente) du temps : « Phlpes ». Ce prénom pouvait être féminin au XVIe siècle (prénom épicène), bien que cette dame soit désignée dans certaines généalogies sous le nom de « Philippa », voire « Marie » (peut-être son second nom de baptême). Il s'agit de Philippe Leclerc du Tremblay, sœur du grand-père de François Leclerc du Tremblay, alias le « Père Joseph », fameux conseiller de Richelieu. Les Leclerc du Tremblay étaient alliés aux Le Prevost (par une des tantes de Philippe, Anne Leclerc du Tremblay).
16 Guillaume Bourgoing, conseiller du roi en la cour de Parlement, conseiller d’État, seigneur de Poissons, d'Agnon, de La Haute-Cour, de Chaillan, de La Doue, de Limanton et de Mussy (toutes seigneuries situées dans le Nivernais), décédé le 17 mai 1551 à Paris. Il a avec Philippe Leclerc du Tremblay un fils, François Bourgoing, connu en religion sous le nom de père Edme Bourgoing. Il est exécuté à Tours en 1590 pour avoir poussé Jacques Clément à tuer Henri III en 1588.
17 Thimécourt, hameau de Luzarches (Val d'Oise). Denis de Besançon, seigneur de Thimécourt, épouse en 1561 Antoinette Bourgoing (baptisée en 1541), fille de Guillaume Bourgoing et Philippe Leclerc du Tremblay.
18 « Sr. » pour « Sieur » désigne ici le roi.
19 La ou les lettre(s) de constitution est (sont) l'acte fondant la rente et en décrivant les sommes et conditions, hypothèques afférentes, etc.
20 Guillaume Denetz ou de Netz, notaire parisien, actif de 1549 à 1582.
21 Nicolas Le Camus, notaire parisien établi rue Saint-Séverin, actif de 1553 à 1608.
22 Subroger : se substituer à.
23 Estimable à 45 000 euros actuels (2020).
24 I. e. écu d'or au soleil. On n'a là qu'une moitié de la somme (150 écus = 450 livres tournois). L'autre moitié est versée en monnaies diverses.
25 Le ducat est une monnaie vénitienne, impériale (Vienne) ou espagnole (castillane). En 1570 il n'y a plus d'émission de ducats espagnols (depuis 1537), ce qui n'empêche pas forcément la monnaie de continuer à avoir cours. Quant au ducat vénitien, il désigne une grosse pièce d'argent et non plus d'or, désignée sous le nom de « sequin » depuis 1543. Difficile donc d'estimer ce que représentent ces 24 « ducats » dans la somme totale à verser.
26 Le teston est une monnaie d'argent lancée par Louis XII en 1514. En 1570 on peut estimer sa valeur à environ 14 sols. Henri III en fait suspendre la frappe en 1577. Mais sous ce nom furent frappées des monnaies dans divers territoires d'Europe (Lorraine, Suisse, Savoie, etc.). Cependant le décompte ne donne même pas le montant versé en testons et termine dans l'imprécision totale (« monnoys »).
27 L'hypothèque dont le contenu suit est étrange à plusieurs titres. 1. ce sont les vendeurs de la rente qui décrivent leurs hypothèques sur des biens qui leur appartiennent et non, comme on pourrait s'y attendre, la personne qui doit verser la rente et qui doit donc offrir des garanties de solvabilité. 2. le montant estimé des hypothèques listées n'est pas donné, or s'il ne s'agissait que des 75 livres ou même des 100, les biens listés ici sont d'une valeur infiniment supérieures, même si à cette époque on n'a jamais une garantie qu'il n'y a pas stellionat (double hypothèque d'un même bien, voire plus que double). 3. si l'hypothèque est relative à une créance plus importante que les 75 ou 100 livres que les Le Pruvost devraient au prieur de Royallieu, pourquoi ce dernier, au lieu d'absorber les 75 ou 100 livres dans le paiement de cette éventuelle dette, verse-t-il le capital de cette rente en monnaie sonnante et trébuchante, à cette époque où les jeux d'écriture et les échanges de rentes et dettes diverses ont justement pour fonction collatérale de résoudre la rareté de monnaie métallique ?
28 Manable : habitable, par opposition à un bâtiment à usage de grange, d'écurie, etc.
29 En France d'Ancien régime, un arpent peut représenter selon les époques et les régions (voire les pays : il y a des arpents suisses, belges, etc. encore plus variables) entre 30 et 80 ares. En Ile-de-France, il peut s'agir d'arpent royal (51 ares), d'arpent de Paris (34 ares) ou d'arpent commun (42 ares).
30 Oseraie : terrain planté d'osiers.
31 Sic. Au singulier, mais non précédé de « un » qui reste implicite.
32 Six-vingts arpents : 120 arpents.
33 Le Mont-Renard, lieu-dit sur la commune de Toutencourt (Somme).
34 Pour « assis », « situés », comme ligne 113.
35 Commune de la Somme, entre Amiens et Arras.
36 Sic.
37 La fin du mot n'est pas visible à la numérisation (reliure).
38 Pour « donzelle », équivalent de « demoiselle », qui marque que la personne est noble ou mariée à un damoiseau, c'est-à-dire un gentilhomme n'ayant pas encore été armé chevalier (ce qui pouvait durer toute une vie).
39 « Tz » : abréviation de « tournois ».
40 « Extenction » : pour « extinction », au sens de disparition, cessation de la rente : le rachat ou remboursement du capital de la dette initiale éteint la rente qui y était liée.
41 « Ecus pistolets » : sans doute la monnaie genevoise de ce nom. On notera que cet écu « pistolet » de Genève comportait un symbole solaire plus explicite (cercle rayonnant) que « l'écu au soleil » français de l'époque, où en fait de soleil on n'a qu'une croix fleurdelysée.
42 Le douzain est une monnaie en partie d'argent valant douze deniers et donc égale à un sol, ou sou (monnaie de cuivre). C'est de la très menue monnaie, mais le texte ne donne pas les quantités de chaque monnaie versée.
43 Deux mots incertains.
44 Mot incertain.
45 Séverin Godart, notaire parisien en fonction de 1546 à 1580.
46 Le mot a peut-être été biffé : tentative d'écrire « Bourgoing » ?
47 Soit « 75 » en chiffres romains. Ce chiffre semble renvoyer aux 75 livres tournois (t.) dont il est question dans le document.
Personnes citées |
Rôle, titres, fonction dans le
document |
Jehan Brigrand |
notaire. |
Robert Foucart |
notaire. |
Guillaume Le Prevost |
écuyer, seigneur d'Andilly, cédant de la rente. |
Anthoinette Braque |
femme de Guillaume Le Prevost. |
Anthoine Le Tonnelier |
noble homme, avocat au Parlement, cédant de la rente. |
Geneviève Le Prevost |
femme d'Anthoine Le Tonnelier. |
Guillaume Gaultier |
prieur de Royallieu, cessionnaire de la rente. |
Laurens Simon |
seigneur de Molatte, archer des gardes du corps du roi, cédant de la rente ?. |
Margueritte Le Prevost |
femme de Laurens Simon ? |
Jehan Huguet |
docteur régent de la faculté de médecine de l'université de Paris, seigneur de Saint-Soupplets et de Forfry, crédirentier précédent. |
Magdelaine Charlot |
femme de Jehan Huguet. |
Philippes Leclerc du Tremblay |
veuve de Guillaume Bourgoing, débirentière. |
Guillaume Bourgoing |
mari défunt de Philippes Leclerc, seigneur de Poissons, conseiller du roi. |
Denis de Besançon |
seigneur de Thimecourt, conseiller du roi, auditeur du roi en la chambre des Comptes, gendre de Philippes Leclerc, débirentier. |
Guillaume Denectz |
notaire. Autres formes du nom : Denetz, de Netz. |
Nicolas Le Camus |
notaire. |
Séverin Godart |
notaire. |
BEGUIN Katia, « La Circulation des rentes constituées dans la France du XVIIe siècle : une approche de l’incertitude économique », in Annales Histoire, Sciences sociales 2005/6, pp. 1229-1244. Disponible en ligne sur https://www.cairn.info/revue-annales-2005-6-page-1229.htm (consulté le 15/11/2020).
DELAHACHES A., Thèse pour le doctorat. Droit romain : du sénatus-consulte velléien. Droit français : de l'interruption et de la suspension de la prescription. Paris : W. Remquet, Goupy et Cie, 1862
DUFOURNAUD Nicole, Rôles et pouvoirs des femmes au XVIe siècle dans la France de l'Ouest, thèse de doctorat de l'EHESS, Paris : EHESS, 2007. 2 volumes. Disponible en ligne sur http://nicole.dufournaud.org/these/these-dufournaud.pdf (consulté le 15/11/2020).
GRENIER Jean-Yves, L’économie d’Ancien Régime : un monde de l’échange et de l’incertitude, Paris : Albin Michel, 1996.
SCHNAPPER Bernard, Les rentes au XVIe siècle : histoire d'un instrument de crédit, Paris : S.E.V.P.E.N., 1957.
SCHNAPPER Bernard, « La fixation du denier des rentes et l'opinion parlementaire au XVIe siècle », in Revue d'Histoire moderne et contemporaine, 1957, 4-3, pp. 161-170.
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