Transcription de texte ancien et notes par Manuscrit & Esperluette

Marché de fourniture aux armées du roi à Dieppe, de dix canons de fonte verte fabriqués en Suède par Abraham Duquesne, capitaine de la Marine à Dieppe. 14 avril 1634

 

 

 

 

 

Statue d'Abraham Duquesne, place Nationale, Dieppe

 

(Antoine Laurent Dantan, bronze, 1844. Photo Micheline Casier, 2012).



Le Dieppois Abraham Duquesne fournit des canons à la Marine royale.

 

Abraham Duquesne a sa statue sur l'un des places de Dieppe, et c'est souvent tout ce qu'en savent les Dieppois. Au-delà de Dieppe, il n'est connu que de la Marine française qui donna son nom à 7 navires successivement entre 1787 et 1966.

 

Il fut pourtant l'un des plus grands marins de son temps, participant à quelques guerres et victoires navales, mais jouant en fait un rôle très varié dans le développement de la Royale, notamment par son expertise maritime auprès des ministres de Louis XIII et Louis XIV, les conseillant dans l'aménagement des ports et dans la construction d'une flotte digne de ce nom. A la fois corsaire, officier intermittent de la Marine royale, armateur et fournisseur privé de cette marine naissante qu'il aida Richelieu puis Colbert à construire, Duquesne va jusqu'à armer une escadre à ses frais en 1647.

 

Mais on le voit ici plus modestement comme fournisseur de la Marine. Auprès de Richelieu en son château de Rueil, il conclut un contrat de livraison de canons de bronze, selon toute vraisemblance acquis en Suède, pays avec lequel Duquesne entretient toute sa vie de multiples liens. L'année suivant cette livraison de canons (1635), Duquesne devient capitaine de vaisseau et commence réellement sa carrière au service du roi.

 

Nous restituons ici le texte avec ses ratures et ses insertions.

 

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Par devant Gabriel Guerreau et Pierre Parque, nottaires gardenottes du roy nostre sire en son Chastelet de Paris soubz signés feut present en sa personne Abraham Du Quesne, escuier, cappne de la marine, demeurant à Dieppe, estans de present au chasteau de Rueil près Paris1, lequel a recogneu et confessé avoir vendu à Monseigneur l'emin promis et promect par ces presentes au roy nostre souverain seigneur, ce acceptant par Monseigneur l'eminentissime Armand Jehan du Plessis, cardinal duc de Richelieu, pair, Grand Me2 chef et surintendant general de la navigation et commerce de France à ce pret, de fournir et livrer pour le service de Sa Ma le nombre et quantité de dix canons de fonte verte3 fabrique de Suede du calibre de dix et cinq [douze et six]4 livres de balle5 po dont l'un desd. canons est rompu et qui sont de present au port et havre dud. Dieppe, auquel lieu led. Du Quesne en fera la livraison, et espreuve6 et poidz ès mains et puissance de celuy qui sera commis et preposé par Mond. seigneur Grand Me, le plu incontinant qu'icelluy Du Quesne sera aud. lieu de Dieppe. Et ce moiennant le pris de soixante livres tz pour chacun cent poisant desd. canons poidz de mare à raison de seize onces pour livre, lequel pris, à quelque somme qu'il se puisse monter, sera payé aud. Du Quesne par le Sr. tresorier general de la marine incontinent lad. livraison, poidz et espreuve faictz, ainsy que dict est [en rapportant le certifficat dudict commissaire qui fera ladicte espreuve et poidz]7. Car ainsy a esté accordé. Promettant, obligeant, renonçant [etc.]. Faict et passé au chasteau de Rueil l'an mil six cens trente quatre, le quatorziesme jour d'apvril avant midi. Et ont signé :

 

[paraphes au bas de la première page : A. Duquesne (2 fois), Parque et Guerreau]

 

[signatures au bas de la deuxième page :]                                          Le Card. de Richelieu

 A. Duquesne

Guerreau

Parque

 

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Notes

 

1 Le château du Val de Ruel, à Rueil (Rueil-Malmaison aujourd'hui) vient l'année précédente d'être acquis par le Cardinal de Richelieu, qui en fait rapidement l'une de ses demeures favorites.

 

2 En 1626, Richelieu obtient la création d'un nouvel office (et sa nomination à celui-ci) : « Grand maître, chef et surintendant général de la navigation et du commerce de France », permettant d'unifier le commandement maritime et d'oeuvrer, comme on le voit ici, à la création d'une marine royale digne de ce nom.

 

3 La fonte verte est un autre nom du bronze pour les canons de l'époque. Les canons de bronze sont progressivement délaissés pour les canons de fonte de fer au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle.

 

4 Un signe renvoie à cette mention, qui est en bas de page.

 

5 Le poids des boulets (ou balles) désigne le type de canon : 36, 24, 18, 12, 8, 6 et 4 livres de balles sont les plus fréquents. On a donc ici des canons plutôt de moyen, voire petit calibre.

 

6 On teste la solidité et la justesse des canons livrés en les faisant tirer plusieurs fois. Il arrive que des canons explosent, parfois en tuant les servants, dès les tests. Le canon peut également être défectueux pour plusieurs autres raisons (âme du canon pas assez dans l'axe de tir par exemple).

 

7 La mention figure en fin de document mais se rapporte à un signe tracé ici.


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Bibliographie :

 

Michel Vergé-Franceschi, Abraham Duquesne : huguenot et marin du Roi-Soleil, éditions France-Empire, 1992, rééd. 2014.

 



 

 

 

 

Canon de marine de bronze de 8 livres du règne de Louis XIII (1636), fondu au Havre (image d'après photo du Musée de l'Armée Invalides, Paris)