Transcription de texte ancien et notes par Manuscrit & Esperluette

25 février 2024

Lettre d'Arvieu au roi, 22 février 1591.

Bibliothèque nationale, Dupuy 61, pages 219-220v.

Manuscrit original numérisé sur :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b103164206/f447.item

 

Etude de tête de trois magistrats français, c. 1610.

 

(Franz Pourbus le Jeune, 1569-1622 ;

huile sur toile ; Toulouse, Fondation Bemberg ;

photo RMN-Grand Palais / Mathieu Rabeau)



 



Un complot (de plus) contre Henri IV

 

L'assassinat de Henri IV par Ravaillac en 1610 n'est que le dernier épisode d'une longue liste de plus de vingt tentatives et complots divers.

On a ici quelques éléments sur un complot qui aurait été démonté à Montauban, dans une lettre au roi qui permet surtout au magistrat qui en est l'auteur de manifester toute sa fidélité personnelle de loyal sujet et son zèle à punir les comploteurs. Du moins ceux qu'il avait sous la main. Quant au zèle, il semble avoir poussé à condamner à mort des comparses bien peu coupables de quoi que ce soit.

Les personnes liées à ce document, à commencer par l'auteur, sont pour la plupart inconnus.

 

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Sire,

la singuliere affection que j'ay de tout temps au salut et conservation de Vostre Majesté, joincte au devoir de ma charge, m'a occasioné en particulier de certiffier promptement de la poursuite que le sr. Desve, advocat general de V. M. a faicte en ceste chambre contre Nicolas Lacoste, beau filz de Carpentier, cy devant advocat general en vostre Grand conseil et Guillaume Bructe, habitans de ceste ville de Montauban, prevenuz, attainctz et convaincuz tant d'une conspiration dressee par le sr. de Montpezat1 sur la vie de V. M. que de la prodition2 generalle de ceste ville et particuliere de certains habitans d'icelle.

Tout ce que nous avons peu descouvrir, Sire, de la conspiration dressee contre V. M. est que led. sr. de Montpezat practiqua led. Lacoste au mois de juillet dernier d'apporter des lettres à deux gentilzhommes qu'il n'a nommés, que le sr. de Mayene3 entretenoit à l'entour de Vostre Majesté pour attenter sur la vie d'icelle. C'est le dessein qu'il a confessé, tant avant l'arrest de la condemnation que durant et après la question4. Pour lesquelz crimes lesd. Lacoste et Bructe ont esté condemnez et executés à mort, à la grande ediffication de voz bons, loyaulx et fideles subjectz habitans de ceste ville.

Il est vray, Sire, qu'au discours5 du procès led. Lacoste avoit auparavant declairé que le sr. de Montpezat l'avoit seulement practiqué pour conduire cinq gendarmes6 qu'il luy devoit bailler pour s'aller fourrer7 en la compagnie du Sr. de Maligny8 afin d'avoir plus de moyen d'atteinter sur la vie de V. M. Ce sont les deux desseins, Sire, que nous avons peu recueillir de ceste malheureuze conspiration et dont j'ai estimé devoir informer V. M., laquelle je supplie aussi très humblement nous commander si elle aura agreable que nous facions le procès par deffaultz9 aud. de Montpezat comme autheur d'une si execrable conspiration afin que cela puisse servir d'exemple pour deterrer telz et semblables conspirateurs.

Le crime est si enorme, si impie et prodigieux qu'il n'y peult escheoir qu'une cruele et ignominieuse mort pour toute grace, pardon ou abolition. Ce qui me faict supplier derechef très humblement V. M. de nous commander sur ce sa volonté et bon plaisir pour l'executer avec toute promtitude et fidelité.

Ce qu'attandant, Sire, je supplie continuelement nostre grand Dieu vouloir conserver très longuement avec le comble de tout contentement et felicité Vostre royale et sacree Majesté, de laquele je suis et seray toute ma vie,

 

Sire,

 

le plus que très humble et plus que très obeissant et très fidelle subject et serviteur, [signature :] Arvieu

 

A Montauban, le xxiie fevrier 1591.

 

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Notes

 

1 Henri des Prez, marquis de Montpezat, sénéchal de Périgord en 1591, ligueur.

 

2 « Prodition » : trahison.

 

3 Charles de Lorraine, duc de Mayenne, chef de la Ligue.

 

4 « La question » désigne la torture. Elle était fixée par l'arrêt de condamnation et était postérieure à celle-ci, car elle visait non des aveux de culpabilité pour l'instruction du procès du prévenu, mais une contrition rédemptrice et le nom des complices.

 

5 « Au discours du procès » : au cours du procès, pendant le développement du procès.

 

6 Gendarme : cavalier en armes, complètement équipé (par opposition à un chevau-léger, cavalier peu armé et peu protégé).

 

7 « S'aller fourrer » : ici, « rejoindre ».

 

8 Jacques de La Fin, seigneur de Maligny (meurt en 1606). Personnage de la Cour d'Henri IV et intrigant notoire.

 

9 « Par deffault » : par contumace, en l'absence de l'accusé.

 


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